— Eh ! Dis ? Tu peux nous apprendre où se trouve la forêt maudite de Troldory ?
Celle qui venait d’interpeller le paysan qui rentrait un peu tard de ses récoltes —tous avaient quitté les champs de bonne heure puisque le ciel se gâtait— était une femme à la longue chevelure argentée et aux yeux verts. Une tresse pendait du côté gauche de sa chevelure, tandis que le reste était détaché.
Son sourire était la première chose remarquable chez elle, mais la seconde était assurément sa poitrine. Même si elle portait un plastron d’armure au métal légèrement bleuté, sa courbe caractéristique dénotait un volume impressionnant… à moins que tout cela ne fut que tromperie, à cette ère il était de bon ton d’avoir des seins imposants.
La fille n’était pas bien grande, mesurant plus ou moins un mètre cinquante cinq. Elle portait un pantalon noir, des bottes, à sa ceinture une simple épée longue et dans son dos une cape rouge. Elle avait tout l’air d’une aventurière.
— Euh… Vous voulez aller dans la forêt maudite ?! s’écria le jeune paysan avec sa fourche posée sur l’épaule.
La fille encapuchonnée à côté de celle qui venait de prendre la parole soupira longuement :
— C’est malin d’avoir tout de suite parlé de la malédiction, idiote d’Irina.
— Hein ? Mais s’il sait où elle est, il sait forcément qu’y faut pas y aller, non ?
— Pas faux… Bon, sinon, mon brave, tu peux nous indiquer la direction ?
Le visage du paysan pâlit immédiatement : on lui demandait simplement la direction, pas de s’y rendre avec elles pourtant.
— Je… je… j’aurais dû partir avant !!
Non seulement la pluie risquait de le surprendre, mais en plus on lui demandait des informations sur la forêt de Troldory dont on racontait tellement de choses inquiétantes. Le pauvre Augo, un autre paysan du village, y aurait été pétrifié et personne ne l’avait jamais retrouvé. Et Albina… elle avait été emportée par les gargouilles parce qu’elle avait prononcé le nom de cette endroit.
Il n’était pas question de prendre des risques lorsqu’il s’agissait de malédiction !
— Je… je ne peux pas… Si j’en parle, je vais subir le maléfice.
— Encore cette histoire ? Ce que vous êtes superstitieux, bon sang.
— Normal que t’y crois pas, Elieli, t’es un démon…
— Un… dé… dé… démon ?!!!!
Il n’en fallut pas plus au jeune homme déjà fort effrayé pour prendre la fuite sans regarder derrière lui. Irina tendit la main dans sa direction, mais il était déjà loin.
— Y court vite quand même…
— Ses jambes sont plus efficaces que sa langue.
— Héhé ! Y vivra vieux, j’en suis sûre. Bon, bah, reste plus qu’à chercher…
Ce n’était pas tant qu’il était difficile de trouver une forêt, mais il était difficile de trouver la bonne. Le pays où elles se trouvaient, Sylvania, était réputé pour être couvert à 80 % d’arbres. Les villages étaient petits et installés dans les seules zones planes et cultivables.
Les paysans étaient plus superstitieux que les autres pays voisins et n’abattaient jamais un arbre sans moult prières aux fées et nombreuses réticences.
— En même temps, si tu n’avais pas révélé ma nature démoniaque…
— Bah, tu l’es, Elieli.
— Je ne le suis qu’à demi, je t’ai expliqué cinquante fois, héroïne de pacotille.
— Héhé ! C’est vrai ! Mais bon, quand tu dis demi, je pense à moitié et je vois pas quelle moitié de toi est humaine et démon.
Irina se gratta l’arrière de la tête, tandis qu’Elin baissa sa capuche et dévoila son visage, ainsi que ses attributs démoniaques.
Elle était petite, mesurant un mètre quarante tout au plus. Souvent on la prenait pour une enfant.
Ses cheveux rouges cerise étaient coiffés en deux couettes qui lui retombaient jusqu’aux genoux. Ses yeux avaient une teinte rouge vif, l’un de ses attributs démoniaques classiques. De petites cornes étaient visibles sur son front.
Dans son dos s’agitait une queue fourchues et sa cape dissimulait ses deux petites ailes membraneuses. Elle était habillée en cuir avec de hautes bottes. Sa poitrine était inexistante, son torse était si plat qu’en cette époque d’abondance ce fait était notable.
— Idiote. Les vrais démons ont des ailes et des cornes plus grandes que les miennes. Certains ont trois queues au lieu d’une.
— Pourquoi trois ?
— Une question intéressante…
Elin avait toujours un visage impassible comme si ses émotions étaient inexistantes ou bien amoindries. Mis à part Irina, personne n’arrivait vraiment à déchiffrer son expression.
Quoi qu’il en fût, les deux filles se remirent en route, ignorant laquelle de ces forêts serait la bonne. Mais rapidement, le réel problème devint la pluie, elle se mit à tomber en trombes.
— Héhé ! T’avais raison ! Il flotte !
— Allons-nous mettre à l’abri dans ces bois, proposa Elin en pointant des arbres à quelques centaines de mètres à l’est.
— Attends ! Je vais remplir les gourdes d’eau.
— Tu vas surtout chopper la crève.
— J’suis jamais tombée malade et je me lave souvent sous la pluie.
— …
Elin ne répondit pas de suite, on aurait pu la penser en état de choc si son visage avait eu la moindre altération.
— Tu te laves sous la pluie ?
— Yep… D’ailleurs, là, la pluie est forte, c’est le moment. T’as jamais essayé ?
— Non.
— Allez, à poil Elieli !
Sur ces mots, Irina s’approcha d’Elin et commença à essayer de lui retirer sa cape.
— Idiote, nous sommes en plein milieu du chemin…, se défendit cette dernière avec peu de conviction.
— T’inquiète, y a jamais personne dehors quand il flotte. En plus, tout le monde pensera que t’es une gamine.
— Et toi la perverse qui cherche à la dépraver ?
— Dépaver ? Pourquoi j’essayerai d’enlever les pavés ?
Toutes les routes du petit pays étaient pavées… cela dit, il n’y en avait pas beaucoup en raison des forêts. Les deux se trouvaient sur l’une d’elle.
Finalement, voyant qu’Elin résistait, Irina défit son plastron, puis retira un à un ses vêtements. Bientôt, elle fut complètement nue.
Son plastron n’était pas vide, ses formes étaient bel et bien généreuses.
— T’es vraiment une héroïne bizarre. Les héros sont pas des exhibitionnistes normalement…
— Exioniste ? C’est quoi ?
D’une oreille discrète, Irina prit son savon et commença à se laver, là, au milieu de nulle part, sous une pluie battante.
— Laisse tomber… Remarque, c’est pas complètement stupide : en tant que demi-démon, je ne peux pas attraper de rhume non plus. Et il n’y a personne.
Convaincue par cette méthode peu orthodoxe, Elin retira à son tour ses vêtements. Son physique était littéralement l’opposé d’Irina, ses courbes étaient presque inexistantes, ses hanches formaient une ligne droite avec son torse.
— Eh ! Y sont vraiment tout petits ! C’est normal chez les démones ? J’croyais qu’ils étaient toujours énormes !
Elin soupira en prenant son savon dans son sac.
— Quel stéréotype… Bon, cela dit, depuis l’avènement du nouveau maou, c’est plutôt vrai.
— C’est vrai que ceux de la garde du maou et de ses lieutenants sont gros au moins comme ça ?
Elin fixa Irina en train de donner une unité de mesure au moins le double des siens. Elin, exaspérée, finit par lancer son savon sur la poitrine d’Irina.
— Aaah !! Une loli m’agresse !!
Mais à ce moment-là, le savon rebondit et retourna à son expéditeur, percutant la tête d’Elin. Cette dernière légèrement déséquilibrée manqua de tomber en arrière lorsqu’une main vint la retenir.
— Oh là ! J’sais pas ce que tu essayais de faire, mais c’est pas avec ta force de magicienne que tu vas me faire des dégâts, t’sais ?
— Désolée… c’est juste que voir ces machins gigoter m’ont quelque peu énervé. C’est inconscient, n’y fais pas attention.
— Héhé ! J’avais bien pigé que ça t’agaçait. Mais, c’est pas ma faute.
Lorsque Irina fit un pas en arrière pour tirer Elin, penchée à moitié en arrière, son pied se posa sur quelque chose et elle fut déséquilibrée.
Finalement, toutes les deux chavirèrent de l’autre côté et c’est Irina qui tomba au sol, sur les pavés, tandis qu’Elin s’écrasa sur elle. La tête de cette dernière vint se loger entre les deux seins.
— Kyaaaa ! Ça chatouille ! Hahaha !
Le souffle et le contact d’Elin provoqua l’hilarité d’Irina qui s’agita brusquement et emprisonna de fait encore plus fermement la demi-démone. Ces nouvelles sensations entraînèrent encore plus de mouvements et forma un cercle vicieux.
Puis, finalement…
— Euh… désolée… je ne voulais pas vous déranger. Je… je m’en vais !!
Une personne portant un étrange chapeau en forme de panier et une cape noire apparut à quelques dizaines de mètres plus loin. Face à ce spectacle qui prêtait plus qu’à confusion, elle s’enfuit à toutes jambes, un peu comme le paysan précédemment.
— Ah ? C’était qui ?
— Je sais pas, j’ai rien vu. Dégage-moi cette laiterie, tu veux !
Elin se dégagea péniblement en écrasant sans pitié Irina qui gémit quelques fois alors que certaines parties de son anatomie étaient touchées.
— Il y avait quelqu’un ?
Irina se releva en prenant son souffle, puis indiqua une localisation à quelques mètres sur la route ; l’inconnue, puisque la voix était féminine, s’était enfuie dans les bois les plus proches.
— J’aurais bien aimé qu’elle se présente… J’ai pas trop pigé pourquoi elle s’est barrée comme ça…
— T’as vraiment aucune idée ?
Irina se mit à penser, puis arriva à la conclusion :
— C’est à cause de tes ailes et de ta queue !
Elin soupira, puis asséna un coup de queue au visage d’Irina.
— Ouïe !! J’suis pas adepte de la douleur, t’sais ?
— Idiote. Qui n’aurait pas peur de deux perverses qui se roulent par terre en pleine nuit torrentielle ?
Irina se contenta de sourire, mais Elin était sûre qu’elle n’avait pas réellement saisi l’ampleur du problème. Elle n’avait aucune pudeur, même moins qu’Elin qui avait eu une éducation démoniaque.
Une fois lavée, les deux filles décidèrent de poursuivre la trace de l’inconnue. Puisqu’elle était entrée dans la forêt, ses bottes s’étaient enfoncées dans le sol meuble qu’il était possible de suivre facilement.
— Faut qu’on lui demande le chemin. En plus, pourquoi elle était dehors sous la pluie elle aussi.
— Si on retombe sur elle, nous allons surtout l’effrayer : on est encore à poil, je te signale.
Toutes leurs affaires étaient trempées, elles n’offriraient pas réellement de protection contre la pluie.
— Tu te poses trop de question, Elieli. Allez, go !!
Elin la suivit en sachant pertinemment ce qui arriverait. Elle ne s’attendait pas à trouver, quelques minutes plus tard, une cabane au milieu des arbres.
— Elle est entrée là-dedans, j’en suis sûre !
— Forcément, où veux-tu qu’elle soit allées ? Ses traces de pas entrent dedans.
— Mmmm… attends un instant, je vais voir ça de plus près…
Irina s’accroupit et inspecta les traces, ce qu’elle n’avait pas encore fait jusque lors.
— Elle pèse 48 kilogrammes… Ses pieds font du 23,5… Elle a des cheveux noirs… Elle aime l’odeur de lilas et de rose… Elle a 20 ans…
— Attends, t’arrive à savoir tout ça avec l’empreinte de ses bottes ?
— Héhé !
Irina afficha un large sourire et fit un signe de victoire de la main, puis se releva.
— La première fois que j’ai vu les tiens, j’savais que t’étais plate comme une planche à pain.
— Tu veux mourir, héroïne perverse ?
— Bah, c’est pas un défaut. Grâce à ça, tu vas pouvoir résister au maou. Puis, paraît que si tu tends les bras en arrière en courant, tu peux aller plus vite.
— Tu racontes n’importe quoi… Y a que les ninjas qui peuvent utiliser cette technique spéciale.
— Ah ? Autant pour moi…
Irina se mit à siffloter et se dirigea vers la cabane, lorsqu’Elin lui saisit le poignet.
— Elle va s’enfuir, c’est sûr. Établissons une stratégie. Je vais entourer la cabane d’un piège de flammes et l’attendre derrière. Toi, tu passes par devant.
— Mmmm… Je veux juste lui parler.
— Je sais.
— On va pas la tuer.
— Je sais.
— Tu ne vas pas la tuer.
— Tu me prends pour qui au juste ?
— Une demi-démone sanguinaire.
Elin lui donna un coup de pied dans le tibia, mais pieds nus, elle se blessa elle-même ce faisant.
— Aïe !
— Non, mais j’voulais être sûre. La dernière fois, je voulais capturer les bandits qui avaient volé notre bourse mais…
— On ne reparle pas de cette fois-là, OK ? C’était leur faute.
Irina grimaça et croisa les bras en fixant son interlocutrice.
— Ils s’étaient rendus mais tu les as tués quand même. Tu fais maintenant partie du groupe de l’héroïne qui va vaincre le maou, tu ne peux pas faire des choses comme ça !
— Je vais me gêner, tiens…, marmonna Elin.
— Hein ?
— Je disais que ce n’était que des brigands, on s’en fiche d’eux. Ils ont volé et détroussé un tas de gens, et tu connais le dicton : « qui vole une bourse se fait désintégrer ».
— Euh ? C’est pas comme ça cette expression !
— Chez les démons, oui. D’ailleurs, on en a plusieurs des expressions sympas : « quand le pauvre entre par la porte, il repart en bière » ou encore « après la pluie, vient le déluge », « avoir des doigts à couper sur la planche » ou encore « j’ai d’autres humains à torturer » ou « donner un coup hallebarde dans le dos » ou « le sortilège est plus puissant que l’épée ».
— Je connais pas toutes ces versions !
Elin secoua la main devant elle et reprit immédiatement :
— Quoi qu’il en soit, les brigands ne comptent pas. Cite-moi une autre fois où j’ai tué quelqu’un que je n’aurais pas dû.
— Mmm… Le souci, c’est que la prime sur les brigands était « vivants ». Puis, à cause de ta magie, les pièces d’or ont fondu et nous n’avons pas pu récupérer d’équipement. Cette mission était une pure perte.
— Quelle héroïne vénale en plus d’être exhibitionniste…
— Vénale… ça a à voir avec les chiens ?
— Non, ça c’est le chenal. Laisse tomber…
Les deux s’observèrent un instant, puis Irina tourna sa tête de côté et tapota l’épaule d’Elin :
— Elle se fait la malle…
— Hein ? Déjà ?
— Bon, pas le temps de discutailler, j’vais la chopper !
Irina s’accroupit et s’élança à pleine vitesse dans la boue. L’inconnue encapuchonnée se trouvait à moins d’une dizaine de mètres.
— Whoooooooooooo !!!
— Aaaaaaaaaaaaahhhh !! M’approchez pas ! Perverses !!!
— J’suis pas une perverse !
— Personne ne penserait autrement, marmonna Elin.
Les deux s’engagèrent dans une course-poursuite dans les bois. Au demeurant, on aurait réellement pu attribuer le mauvais rôle à Irina. Elin soupira longuement, puis afficha un sourire en coin inhabituel.
Le sang de démon la disposait à certains travers : sa langue de vipère, sa violence, son manque d’empathie mais également à jouer de mauvais tours.
À cet instant, c’était l’idée qu’elle venait d’avoir qui lui fit afficher ce petit rire diabolique, tandis que sa queue, à l’instar de celle d’un chien heureux, s’agitait derrière elle frénétiquement.
Sans tarder, elle se mit à incanter dans la langue des démons :
« Zaz’toruk, Eyr Orail Dajran, Zad’kak ! Dakdan Uywa’Ygdran ! »
À cet instant, un trou s’ouvrit dans le sol, profond à peine d’un mètre ; les deux filles y tombèrent dedans. Aussitôt, Elin put entendre le cri strident de l’inconnue :
— Aaaaaaaaaahhhh !! Non, pas de violence sur moi !!! Je ne vous donnerais mon argent mais préservez ma dignité !!
— Ouïe ! J’ai pas vu ce trou… Attends, j’vais me lev… Oups !!
— Kyaaaaaaa !!! Touchez pas à cet endroit !!
— J’ai pas fait exprès, c’est que ça glisse.
Elin ne put empêcher de lâcher un « kukuku » puis reprit son expression habituellement impassible et s’approcha du bord du trou. Irina se trouvait à califourchon sur une fille qui était assez similaire à ce qu’elle avait décrit en observant les traces de pas (comment avait-elle fait au juste ?) : plus grande qu’Irina, elle avait de longs cheveux noirs à présent trempés. Ses yeux étaient de même couleur et ses traits caractéristiques n’étaient pas inconnus d’Elin : une habitante de Yamato, l’un des pays à l’Extrême-Orient.
Les pans de sa cape s’étaient écartés et révélaient sa tenue atypique : un haut de kimono qui s’arrêtait au milieu de ses cuisses et des chaussettes hautes qui montaient pour leur part jusqu’aux genoux. Ses chaussures étaient des sandales étranges typique de son pays.
Elin reconnut en elle une ninja de Yamato, l’armée démoniaque faisait parfois appel à ces assassins —généralement humains, parfois demi-démons— pour diverses missions.
Le genou d’Irina, nue, était coincé entre les cuisses de la ninja tandis que l’une de ses mains palpait sa poitrine à peine plus développée que celle d’Elin.
— Ah ? Je vous dérange peut-être ? Dans ce cas, je vais me…
Mais quelque chose s’enroula autour de la cheville de la demi-démone moqueuse et elle fut entraînée à son tour dans le trou. À présent, toutes les trois étaient couvertes de boues, deux étaient nues et la dernière pleurait alors qu’elle n’arrivait pas à se dégager de cette situation, ô combien embarrassante, ô combien périlleuse.
La ninja connaissait la réputation des démons : ils séquestraient souvent des humaines pour en faire des esclaves ou les engrosser. On ne pouvait pas faire confiance à ces êtres !
— Je… je vous en prie… je ferais tout ce que vous voudrez, mais n’intentez pas à ma vie et ma dignité de femme…, dit la ninja d’une voix implorante.
— On peut donc te torturer ou te demander de tuer des gens pour nous ?
— Hein ?!
— Elieli ! Qu’est-ce que tu racontes ? J’vais te frapper !
— Je voudrais bien voir ça, vache à lait. Si on continue de bouger on va s’embourber encore plus, tu sais ?
Mais Irina n’avait cure des recommandations, elle chercha effectivement à porter la main sur Elin, et y parvint même, avant d’empirer la situation. La tête d’Elin était à présent posée et bloquée contre le torse de l’inconnue, tandis que l’une des jambes d’Irina lui passait derrière la tête.
— Si on tombe enceinte de quelques monstres des marais, ce sera de ta faute, héroïne perverse et idiote.
— C’est toi qui a fait apparaître ce trou, avoue !
Elin chercha à siffloter, mais dans sa position c’était difficile.
— Parfois, des chasseurs cachent des trous pour piéger les animaux. Je n’y suis pour rien…
— Je t’ai entendue incanter.
— OUINNNNNN !! Je ne voulais pas vous voir ! Je vous jure, je ferais comme si je ne vous avais jamais rencontrées !!
La ninja se mit à pleurer à chaudes larmes, tandis qu’Elin soupira en lui soufflant sous le menton.
— Rassure-toi, on ne te fera pas de mal. Les apparences sont ce qu’elles sont, mais à la base, cette idiote dont tu vois les parties les plus intimes est une héroïne qui cherche à tuer la reine des démons.
— Ouais, ch’suis Irina ! Mais actuellement, on cherchait la forêt maudite de machin pour aller sauver la princesse du royaume de… y s’appelle comment le royaume, Elieli ?
— Tsss ! Comme je le disais, cette héroïne est en carton : stupide, perverse, elle n’a aucune pudeur, ne sait pas exprimer ses pensées et…
— Toi aussi tu es nues ! lui rétorqua l’inconnue.
Elin garda le silence, puis faisant comme si elle n’avait pas entendu :
— … et elle oblige sa seule compagnonne, la pauvre demi-démone que je suis, Elin, à se déshabiller pour ne pas être seule dans sa perversion. J’ai bien cru qu’elle allait me sauter dessus aussi.
— Eh oh ! Je t’ai pas obligée !! En plus, je voulais juste me laver sous la pluie !
L’inconnue se calma soudain, réalisant quelque chose.
— Vous avez parlé d’une princesse ? De quel royaume ?
Le soudain sérieux de sa voix laissait entendre que c’était une question importante pour elle, aussi Elin répondit à la place d’Irina qui avait sûrement déjà oublié :
— Nous allons secourir la princesse Elimistria Shizuka de Floraly. Le lieutenant de l’est, Vivienne, l’a enlevée et amenée dans son donjon cachée dans la forêt de Troldory… en tout cas, c’est la mission que nous a donné le roi.
— Vraiment ?
— Ouais ! On est le groupe de l’héroïne qui sauvera le monde !! Héhé !
— Enfin, si les chroniqueurs nous voyaient maintenant, je suis pas sûre que ta légende serait bien glorieuse.
— Tu dis n’importe quoi, Elieli ! Les bardes écrivent souvent les versions pornographiques des aventures des héroïnes. C’est normal !
— Hiiiiiiiiiiiiii !! Je n’ai pas envie de telles choses !! protesta à nouveau l’inconnue.
Elin fouetta le visage d’Irina de sa queue diabolique.
— Idiote, elle a déjà peur comme ça. Puis, nous ne pouvons pas nous permettre de le faire pour de vrai, c’est une aventure tout public.
— Tu te prends la tête pour des détails… Trouve plutôt un moyen de nous sortir de là.
Elin soupira, tandis que l’inconnue continua de se débattre et de pleurer, puis elle incanta, tant bien que mal dans sa position, et fit remonter la terre avec toutes les trois dessus. En roulant de côté, et en se couvrant encore plus de boue, elles parvinrent à se dégager.
Bientôt, elles trouvèrent refuge dans la cabane où elles se lavèrent toutes les trois dans un grand tonneau d’eau chaude.
L’inconnue, incroyablement pudique, fit en sorte de se cacher derrière un rideau, mais…
— On est entre filles, c’est pas grave.
— Si justement, C’EST GRAVE !!!
Une fois propres et calmées, elle s’assirent et allumèrent un feu. La magie d’Elin fut d’un grand secours dans toutes ces tâches domestiques et leur permirent de gagner du temps.
— Je m’appelle Hakoto, je suis une ninja du royaume de Floraly. J’étais partie à la recherche de la princesse seule, mais j’ai dû rebrousser chemin à l’entrée de la forêt maudite.
— T’sais où qu’elle est ?
Assise en tailleur, torse nue mais avec un culotte cette fois, Irina fixa Hakoto.
— Oui, je sais où elle se trouve.
— Cooool !! Nous, on était paumées !
— Plus important, dit Elin. Une ninja de Floraly ? Les ninjas proviennent de Yamato.
— Quel cliché ! Chaque pays forme ses propres ninjas, Yamato n’est pas le seul.
Elin considéra son interlocutrice longuement.
— Mais toi tu es de Yamato quand même.
— Et alors ?! On ne peut pas être une ninja de Yamato qui a été formée à Floraly alors que l’Empereur lui a refusé le rang de samouraï ?!
Dans un élan de colère, Hakoto s’était emportée et avait dévoilé son passé. Elle avait toujours rêvé d’être une samouraï, mais cet honneur lui avait été refusé. Apparemment, pour le devenir, il aurait fallu être un homme et ne pas être née dans une famille de paysans.
Elle n’avait jamais réellement digéré ce refus et avait quitté son pays. En raison de ses origines, elle fut obligée d’intégrer les ninjas plutôt que le corps de chevaliers de Floraly. Rien dans sa vie n’était allé comme elle l’avait voulu et, à présent, elle avait même perdu la princesse.
Le soir où elle avait été enlevée, Hakoto aurait dû la gardée, mais une « affaire urgente » l’avait détournée de sa tâche. Elle ne s’était pas présentée face à son supérieur encore, elle était immédiatement partie à la recherche de la princesse. Si elle n’y parvenait pas, elle était bonne pour le seppuku.
— Héhé ! Moi, j’te trouve rigolotte. Dis, tu viens avec nous ? On va sauver la princesse aussi.
— Quoi ? Avec des nudistes qui… qui… qui ont essayé de prendre ma virginité ?!
— On a fait ça nous ?
Elin afficha à nouveau un sourire en coin.
— Je te comprends, Hakoto, dit-elle en posant sa main sur celle de son interlocutrice. Toi tu as le choix, mais moi… elle m’a pris toute ma dignité, elle a souillé jusqu’à la moindre parcelle de mon corps et m’a même marquée pour faire de moi sa propriété. Ouinnn !
Son jeu d’acteur était absolument horrible, impossible d’y croire, mais les yeux d’Hakoto s’emplirent de chaudes larmes.
— C’est horrible…
— Regarde.
Elin lui montra une grain de beauté qu’elle avait sous le pied. Depuis petite, on lui avait toujours dit qu’il avait une forme d’étoile, si Hakoto était crédule, elle…
— L’étoile est donc le symbole de l’héroïne ?! Je… Quel horrible personnage ! Mécréante ! Relâche cette pauvre fille !!
— J’ai rien fait ! Ch’savais pas que t’avais un grain de beauté sous le panard, Elieli.
— Tu vois, elle nie ses actes pour faire de même avec toi. Je… je ne saurais trop te conseiller de partir, mais ton devoir est de délivrer la princesse et seule tu n’y arriveras jamais. Et cette brute sauvage qui m’a pris toute ma féminité…
— Eh oh ! C’est toi la demi-démone, pourquoi tu tentes de faire de moi la méchante ? En plus, la nuit tu viens me peloter parfois, j’ai rien fait moi.
— Simple réflexe…, dit d’une petite voix Elin.
En effet, cela lui arrivait dans certains rêves. Elle avait grandi dans la société délurée des démons, même si elle était « sage » il lui restait quelques marques de cette éducation. Les seins d’Irina l’apaisaient certaines nuits.
— Elle me force à faire des choses ignobles… Ouin.. Ouin… Mais elle est vraiment forte, elle pourra sauver la princesse, c’est sûr.
Hakoto fut prise de nombreux doutes, son cœur balançait entre le devoir et la peur, mais finalement :
— Je… je vais venir avec vous ! Mais… je le fais uniquement pour protéger la princesse et sauver cette pauvre petite des griffes de cette héroïne qui abuse de son autorité ! Toi ! Tiens-toi bien à carreau à partir de maintenant et… et… couvre cette poitrine pleine de tenta… de perversion !! Kyaaaaaaaaa !!!
Hakoto attrapa Elin comme s’il s’agissait d’une poupée et se mit à s’agiter de manière chaotique en criant.
Irina leva les épaules mais ne se laissa pas décontenancer par les accusations. Elle se coucha dans le lit et bâilla.
— Je vais me pioncer. J’pige rien à ce que vous dites.
— Hein ?! Mais il n’y a qu’un seul lit ! C’est le mien et celui de la pauvre Elin.
— Oui, c’est le nôtre.
Irina tourna son regard vers Hakoto :
— Bah, y a de la place, on peut dormir à trois dedans. Puis, Elieli est compacte, tu peux la prendre dans tes bras et hop !
Saisissant Elin et l’entraînant dans le lit, Irina l’enlaça à son tour comme une poupée. Puis, elle se coucha avec elle dans le lit.
— Tu vois, y reste plein de place !
— C’est… c’est indécent !! Mets un pyjama !
— J’en ai pas.
— Normal, c’est une perverse.
— T’en as pas non plus, tu dors à poil en général.
— Je suis une démo… je suis pauvre, je n’ai pas de pyjama.
L’argument fit immédiatement monter les larmes aux yeux d’Hakoto, qui était la seule à être entièrement habillée. Elle tira Elin hors du lit et lui donna une tunique noire.
— C’est une de mes tuniques de ninja… elle te couvrira suffisamment. Je… je vais te protéger d’elle, je dormirais entre vous.
Hakoto mit son pyjama et entra dans le lit où Irina dormait désormais.
— Elle dort, elle n’est pas dangereuse…, se dit-elle pour se donner courage.
Elin ne tarda pas à s’endormir après avoir éteint la lumière. Elles avaient toutes les deux beaucoup marché et étaient fatiguées.
Hakoto eut toutes les peines du monde à fermer les yeux et, lorsqu’elle y parvint, elle sentit quelque chose lui toucher les fesses. Elle tourna son regard vers Irina, la perverse, mais ses mains étaient bien visibles ; elle était tournée de côté et lui faisait dos en plus.
Elle leva délicatement les couvertures : Elin dormait tournée vers Hakoto et ses mains étaient appuyées contre sa propre poitrine, dans une candeur enfantine.
Mais alors, quelle était donc cette sensation, cette chose qui la frottait depuis avant.
Hakoto réalisa : il s’agissait de la queue d’Elin. Elle essaya de l’ignorer, elle n’allait pas réveiller cette pauvre enfant qui dormait si paisiblement. Il n’y avait pas d’arrière-pensées, c’était simplement à cause du manque d’espace. Il n’y avait rien de pervers, mais elle l’éloigna malgré tout. Elle ne tarda pas à revenir à la charge et ce pendant toute la nuit.
Au final, Hakoto ne parvint pas à fermer l’œil, elle était fatiguée et l’aventure avec ses deux nouvelles compagnonnes de voyage n’était pas encore débuté.
Mais elle devait s’accrocher ! Elle devait sauver la princesse !
Toutefois, considérant le fait que la queue, peu importait l’endroit où la distance où elle était repoussée, revenait se coller toujours contre les fesses d’Hakoto, elle commença à penser :
— Je me demande si Irina n’avait pas raison : il y a un peut-être un problème avec cette petite fille.
Les attributs démoniaques de celle-ci aurait pu l’aiguiller sur ses réelles motivations, mais à ses yeux Elin demeurait une petite fille innocente… ou presque.
***
Le donjon de la lieutenante de l’est.
Malgré les hésitations d’Hakoto, son sens du devoir avait pris le dessus et elle avait accompagné les deux aventurières dans la forêt maudite.
Même si on la prétendait comme tel, Irina avait été incroyablement déçue en ne trouvant aucun monstre à l’intérieur :
— Mais, je suis une héroïne, il me faut combattre des monstres !!
— Donc, tant qu’il n’y a pas de monstres à combattre, il n’y a pas d’héroïne ? avait demandé Hakoto suspicieuse.
— En un sens, c’est logique, avait répondu Elin. L’existence des aventuriers et des héros est inhérente à l’existence des monstres et du maou. Si le monde était en paix et n’avait pas de problèmes, ils seraient inutiles, non ?
Cette réflexion aurait dû faire douter Hakoto, mais sa droiture, son respect des règles (même si elle était une ninja) et son imbattable conformité eut tôt fait de chasser les idées déplaisantes. Et pour cause, si on pensait de la sorte, on liait le bien et le mal au lieu de les dissocier.
Mais un esprit plus simple, osa dire l’impossible :
— Du coup, Elieli, si j’veux rester éternellement un héros, il vaut mieux que je ne tue pas la maou, non ? J’veux dire, quand elle sera mort, je vais devenir quoi ?
Elin n’avait pas répondu de suite, elle avait marmonné :
— C’est maintenant seulement que tu y penses… ?
Puis, elle avait levé les épaules :
— Fais comme tu veux, mais collaborer avec la maou ferait de toi une vilaine. En plus, tu sais bien le sort qu’elle réserve aux femmes, non ?
Elin avait été consciente d’avoir semer une mauvaise graine. Si les héros étaient des simplets qui ne pensaient pas au-delà de leur sens de la justice, c’était pour ne pas prendre conscience de la vérité funeste de ce rôle : un héros n’est qu’un outil aux mains de la Destinée ou du peuple, une fois sa mission accomplie, il redevient un simple mortel comme tous les autres. Seuls les héros qui périssent dans leur ultime quête demeurent dans les mémoires inchangés, éternellement héroïques.
Bien sûr, Irina venait de mettre le doigt sur la faille du système : si un héros collaborait avec le Seigneur du mal pour créer un éternel état de conflit et de danger, son rôle ne prendrait jamais fin.
Qu’une telle pensée hérétique fusse sortie des lèvres d’Irina, à l’esprit aussi simple que pervers, avait impressionné Elin, consciente de longue date de ce système.
En soi, les maou contribuaient à la gloire des héros qui n’existaient pas sans eux. Dans le règne animal, leur relation aurait facilement pu devenir symbiotique.
— Ah ouais… J’ai pas envie d’avoir des nichons encore plus gros, ils font mal au dos déjà, avait répondu Irina en se massant les épaules.
Mais son auditoire n’avait pas été réceptif à ses plaintes, elles étaient toutes les deux bien moins « munies » qu’Irina aussi…
— Va mourir…
— Puissent-ils éclater comme des ballons, ingrate !
Leur route s’était poursuivie jusqu’à atteindre la forteresse végétale de la lieutenante Vivienne.
L’édifice était des plus étranges, il était entièrement fait de plantes enchevêtrées et à son sommet, en guise de dôme, une rose géante aux pétales repliées sur eux-mêmes. Les parois étaient recouvertes de lierres mouvants, quelques fleurs colorées y poussaient également.
Le donjon se trouvait au cœur d’une clairière avec pour rempart des arbres, tous animés. Le groupe avait combattu des branches et des monstres-arbres assez faibles et était finalement arrivé dans la cour intérieure depuis laquelle il observait l’immense tour de plus de soixante mètres.
— OK ! C’est show time ! Enfin, Héros Time !
Joyeusement, Irina se dirigea vers l’édifice, lorsque Hakoto l’arrêta en la saisissant par le bras.
— Attends ! Elle est où l’entrée ? Je ne vois aucune porte…
— Sûrement de l’autre côté.
— Si elle est maligne, elle n’en a pas mis au niveau du sol, fit remarquer Elin.
— Et comment elle reçoit des visites ? Et ses colis alors ?
Elin et Hakoto fixèrent un instant Irina, mais finalement c’est la première qui lui expliqua, après lui avoir donner un coup de queue sur la joue :
— Quelles visites ? C’est une lieutenante de l’armée du roi démon, je te signale. Imbérina. Réfléchis deux secondes : cet endroit n’a pas d’adresse, comment tu veux que les démarcheurs ou les colis arrivent jusqu’ici, au milieu de nulle part ?
— Ah bah oui…
— C’est pas la question, voyons ! s’écria Hakoto. Cet endroit n’est pas un lieu de tourisme !!
Irina et Elin levèrent les épaules et considérèrent l’imposante structure ; il n’y avait ni portes ni fenêtres apparentes, mais qui sait ce que cachaient réellement ces immenses pétales. Il n’était pas à exclure que derrière se cachaient des pièges impitoyables disposés à frapper ceux qui braveraient l’escalade.
Elin soupira longuement…
— Je pense que la meilleure solution serait de simplement y mettre le feu. Écartez-vous, je vais incanter un Sang Scarlatine.
Il s’agissait d’un des sorts de feu le plus funestement connu : plus d’une forêt ou d’un village avait fini en cendres par sa faute… souvent lorsqu’un magicien l’expérimentait dans son laboratoire et en perdait le contrôle, ou bien lorsque des aventuriers affrontaient des monstres et l’employaient sans prendre en considération leur environnement.
— Euh… tu veux parler du sort qui est connu pour faire plus de dégâts collatéraux que de dégâts à l’ennemi ? demanda Hakoto. À ton âge, tu sais déjà l’utiliser ?
— Je sais pas quelle âge tu penses que j’ai, mais oui, je sais l’utiliser. D’ailleurs, si vous vous écartez, je vais t’en faire la démonstration…
Elin se mit en position pour lancer son sortilège lorsque Irina se plaça devant elle.
— Et la princesse ? Si tu fais ça, tu vas la griller avec non ?
Elin fit claquer sa langue en détournant le regard avec mécontentement.
— Je n’y avais pas pensé.
C’était un mensonge, l’occasion de tout brûler était juste trop parfaite pour qu’elle n’en fît pas la proposition ; au pire, la responsabilité retomberait sur l’héroïne qui avait acceptée la mission, Elin n’était que son compagnon, on ne lui en tiendrait pas rigueur.
— Ah oui ! C’est vrai !! Je t’interdis de faire ça !
Sur ces mots, Hakoto tira une épée de son fourreau : un ninjatô, une épée à un main avec un seul tranchant et sans courbure, parfaitement droite, contrairement à un katana.
— C’est bon, je ne vais pas le faire. Je n’y avais juste pas penser, c’est tout…
Irina et Hakoto hochèrent de la tête en voyant Elin abandonner sa posture d’incantation, mais…
— Et du coup, vous proposez quoi à la place ?
— Passer par la porte d’entrée ! dit Hakoto sans hésiter. Un chevalier digne de ce nom ne doit pas utiliser des coups en traître même face à ses ennemis !
— T’es pas une ninja, toi ?
— Et alors ?
— Non, rien.
— Les ninja c’est pas des furtifs et des sournois ? demanda Irina.
Elin avait préféré taire la remarque, mais Irina plus franche et plus insouciante n’avait pu se retenir.
— Hein ? Je… je… Les ninja sont des combattants d’élite aux ordres directs du roi et de l’empereur ! Notre loyauté est sans faille et nos méthodes le représentent directement ! Jamais nous n’utiliserions de méthodes indignes qui jetteraient l’opprobre sur notre employeur !
Le visage d’Hakoto était rouge en criant cette explication, mais seule Irina parut ne pas comprendre ce qui l’indisposait à ce moment-là. Elin afficha un sourire en coin, amusée.
— J’ai pas trop bien pigé, mais bon tant pis. J’vais m’en occuper.
Sur ces mots, Irina tira son épée longue de son fourreau, la leva à bout de bras et une lumière blanche vive commença à en irradier.
— C’est… quoi ça ?
— Un skill de héros… Tiens.
Elin tendit une paire de lunettes aux verres obscurcis à Hakoto, elle-même venait d’en poser une paire sur son nez.
— C’est quoi ?
— Une mesure d’urgence. Mais c’est toi qui voit…
Mais, à cet instant, avant que Hakoto n’ait pas pu les équiper…
— Ouaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaahh !!!
Irina abaissa son arme et projeta un rayon de lumière droit devant elle. Le flash lumineux qui en résulta enveloppa toute la clairière, cependant qu’Hakoto fut aveuglée.
— Voilà ! C’est fait !!
Elin, qui avait protégé ses yeux grâce aux lunettes, constata la première un large tunnel allant d’un bout à l’autre du rez-de-chaussée de la tour. Il était suffisamment large pour y entrer, mais…
— La tour va s’effondre, Imbérina. Je vois pas en quoi c’était mieux que mon idée…
— Meuh non ! Impossible qu’un édifice aussi solide s’effondre pour si peu, tiens. C’est du solide, regarde !
Irina s’approcha et donna un coup de poing sur une des parois rescapée ; l’édifice émit un grincement inquiétant, puis se mit à pencher dans la direction opposée du coup.
— C’est ce que je disais, héroïne en carton.
— Hein ?
Sans pouvoir rien faire d’autre que regarder, Elin et Irina virent la tour basculer et s’écrouler de toute son long. Le fracas se fit entendre à des kilomètres à la ronde, un nuage de poussière rendit la vue impossible pendant quelques instants et rendit la respiration difficile.
Quelques minutes plus tard, alors que Hakoto était toujours aveugle à cause de l’attaque d’Irina, les deux autres purent constater l’étendue des dégâts. Même si elle était faite de végétaux, certains semblaient aussi durs que la pierre et en s’écrasant au sol s’étaient brisés en mille morceaux, répandant des débris un peu partout. La rose au sommet par contre, parut intacte, bien que renversée.
En tendant l’oreille, il était possible d’entendre des voix à l’intérieur de celle-ci.
— Au moins on gagnera du temps…
— Héhé ! Je te l’avais dit, Elieli.
Irina se gratta l’arrière de la tête en riant, on ne pouvait voir la moindre trace de culpabilité sur son visage.
La fleur géante ne tarda pas à s’ouvrir et deux silhouettes en sortirent.
— J’ai… la gerbe…
— Pouaaaaaaaaahhhh !!
Les deux eurent à peine le temps de faire quelques mètres qu’elles déposèrent une substance multicolore et censurée au pied d’un des nombreux débris.
— J’espère juste que la princesse n’est pas morte… Le roi risquerait de t’en vouloir, Imbérina.
— Meuh non ! Elle n’est sûrement pas morte. La princesse, c’est pas une espèce de poupée en machin… comment ça s’appelle déjà la pierre toute blanche… ?
— Porcelaine, je suppose.
— Oui, voilà ! Une poupée en porc-machin ! Elle est solide, j’en suis sûre !
— Je ne sais pas quelle image tu te fais d’une princesse au juste… Mais si elle était si forte, pourquoi irions-nous à sa rescousse ?
Irina fit la moue et posa ses mains sur ses hanches en se tournant, mécontente, vers sa compagnonne.
— Tu te poses trop de questions, Elieli !! Une quête c’est une quête !! Puis… y a pas de marqueur de quête échouée, donc elle est en vie !
Elin soupira et se massa les tempes qui commençaient à lui faire mal.
— Même si je comprends la logique, j’aimerais savoir de quel marqueur tu parles au juste…
— Tu poses trop de questions ! Eh oh !! Laquelle des deux est la princesse ? cria Irina.
Une main se leva, tandis qu’une des deux filles se tourna vers Irina. Un filet de cette substance surnaturelle, jaillie du fond de ses entrailles, coulait encore au coin de sa bouche, mais elle l’essuya rapidement avec un mouchoir, avant de prendre un air digne et de se présenter.
— Je suis la princesse Elimistria Shizuka du royaume de Floraly. Seule et unique héritière. Vous pouvez m’appeler princesse Shizuka, de toute manière les lect… ils ne parviendront pas à retenir un nom aussi obscur qu’Elimistria… je ne sais même pas pourquoi père me l’a donné…
Sur ces mots, elle soupira en baissant le visage.
La princesse Elimistria… euh, Shizuka, avait des cheveux noirs aux reflets violacés, longs et soyeux, qu’elle portait détachés. Malgré la chute, ils n’étaient pas décoiffés grâce à la tiare magique qui se trouvait sur sa tête ; c’était l’une de ses nombreuses propriétés.
Ses yeux étaient violets et son visage incroyablement mignon, lui donnant une allure particulièrement fragile.
Comme on pouvait s’y attendre d’une princesse, elle portait une robe couleur lavande luxueuse et magique, qui venait de réparer d’elle-même les trous et les salissures que lui avait occasionné la destruction de la tour.
Quant à sa poitrine, puisqu’il était souvent question de ce principe dans cette histoire, elle était « normale », ni trop grosse, ni trop petite.
— Tu vois, elle est en vie.
— Pas grâce à toi en tout cas…
— Mais tu étais pas prisonnière, princesse ? Pourquoi tu n’es pas attachée ? demanda Irina en ignorant les propos de sa compagnonne d’aventure.
— Hein ? Je…
La princesse Shizuka parut un instant embarrassée, puis chercha autour d’elle quelque chose. Son expression indiquait qu’elle venait de le trouver.
Elle s’éloigna, ramassa quelque chose par terre, une longue liane, et l’enroula autour d’elle avant de se laisser tomber au pied des restes d’une colonnes.
— Oh là ! Je suis prisonnière ! Aidez-moi, gente héroïne au cœur vaillant ! Ne me laissez point aux mains de cette lieutenante infernale qui va profiter de mon corps de jouvencelle.
Une goutte de sueur apparut sur le visage d’Elin et d’Irina, tandis que Hakoto recouvra la vue. Ses yeux croisèrent la silhouette attachée ( ?) de la princesse et aussitôt :
— Princesse ! Je vais venir à votre secours !!
Hakoto se précipita en utilisant toute son habilité pour franchir les quelques dizaines de mètres qui la séparaient de l’héritière du royaume. Ses bras en arrière, penchée en avant, elle profitait de la meilleure accélération au monde et manqua de peu de franchir la vitesse du son…
— Tu vois, Imbérina, ça c’est la technique des ninja avec les bras en arrière. Leur aérodynamisme est tel qu’on prétend que certains arrivent à atteindre mac 3.
— Mac 3 ? C’est qui ?
— C’est la vitesse du son… Enfin, laisse tomber. À ce rythme, elle va y arriver en un clin d’œil.
Mais la vitesse d’Hakoto était loin d’être aussi rapide que l’annonçait Elin, il était possible de la suivre à vue.
— Si tu ne te dépêches pas, elle va te voler ta… Ah non, finalement.
À cet instant, Hakoto trébucha et s’étala de tout son long aux pieds de la princesse. La cause de la chute était…
— J’ai marché dans un truc liquide…
— Ah, le vom…
— La substance étrange, oui.
Elin couvrit la bouche d’Irina avant qu’elle ne rompît un nouveau tabou. Hakoto inspecta ses sandales à cet instant et prit conscience de dont il s’agissait. Son visage blêmit et elle afficha une expression de profond dégoût, elle paraissait à deux doigts de se mettre à pleurer mais la maligne Elin lui fit remarquer :
— Ce sont les larmes de la princesse, versée à cause de cette horrible détention. C’est une forme d’honneur que d’avoir glissé dessus.
Une nouvelle fois son visage impassible se trahit un bref instant. Mais sa manipulation s’avéra couronnée de succès puisque Hakoto approcha son visage de ses sandales souillées.
— C’est même parfumé en fait…, remarqua-t-elle. Les larmes d’une princesse sont vraiment incroyables !
— Ne… ne reniflez pas mes larmes !! cria la princesse en s’agitant. C’est interdit !!!!!!!
— Il n’y existe pas une telle loi, princesse, fit remarquer Elin.
— Je vais la créer ! Je suis la future héritière ! Viens me sauver ( ?) au lieu de jouer avec mon… mon… Aaaaaaahhh ! Au secours !!!!
Rappelée à l’ordre, Hakoto s’empressa de nettoyer ses semelles sur l’herbe puis arriva aux côtés de la dame en détresse ( ?). Elle leva le pouce en direction d’Irina.
— C’est bon ! Elle est sauvée ! Vous pouvez vous occuper de la vilaine ! Jamais, moi vivante, je ne permettrais plus à quiconque d’enlever notre princesse !!
Mais, à ce moment-là, une liane s’enroula autour de sa cheville et l’emporta dans les airs. Une autre fit de même avec la princesse. Les lianes animées, tels des tentacules, étaient reliées à une monstre immense qui venait de sortir de terre —Elin et Irina n’avaient même pas eu le temps de les prévenir—, une sorte de bulbe géant avec des dizaines de tentacules-lianes qui s’agitaient en tout sens.
— Ah tiens ! C’est le moment hentai de l’histoire, Elieli ?
— Faut croire… Hakoto, Princesse, je suis désolée pour vous.
Les tentacules s’enroulèrent autour des membres des deux filles et les mirent dans une position inconfortable ; leurs pieds ne touchaient plus le sol, les mouvement de leurs bras et jambes étaient restreints.
— Il ne s’agit guère d’un simple monstre-plante, voyez-vous, dit la voix de l’autre femme qui ne s’était pas encore présentée. Sa particularité est de faire fondre les vêtements et de lécher entièrement le corps de ses victimes, se délectant autant de leur honte que de leur plaisir. Hahaha !
Celle qui venait de prendre la parole était une succube aux longs cheveux blonds aussi soyeux et bien entretenus que ceux de la princesse. Un ruban avec une fleur décorative les ornait. Ses yeux étaient aussi bleus que l’océan et tout dans ses manières et ses traits transpirait l’élégance et la dignité.
Ses cornes avaient la forme de celles d’un bélier, elles étaient bien plus longues que celle d’Elin, dont le sang était métissé. De même, elle avait de grandes ailes membraneuses et trois queues de diable.
Cependant, sa tenue était pour le moins tendancieuse et dénotait avec son aspect initial : un ensemble en cuir composé de lanières et de bottes hautes lui donnait un air de dominatrice SM. Une cape noir avec l’emblème de l’armée du maou flottait dans son dos tandis que, dans sa main, elle tenait fermement un fouet végétal qui ne laissait aucun doute quant à ses pratiques préférées.
Tandis qu’elle s’avança d’un pas lent et impérieux, son opulente poitrine rebondissait dans sa tenue indécente. C’était la lieutenante de l’est, une officière des forces démoniaques dirigées par la maou Jessica.
— Vulgaire et folle… comme jadis, marmonna Elin.
— Agenouillez-vous, truies obscènes que vous êtes. Devant vous se tient la reine de toutes les reines, Vivienne ! Hohohoho !
Son rire forcé était insupportable, mais lui permettait une fois de plus d’agiter sa poitrine, ce qui semblait constituer une fierté pour elle.
Irina leva la main soudain.
— Il a des dents ce monstre ?
— Euh, non, nous ne pensons pas…, répondit Vivienne en se tournant vers le monstre.
— Et du coup, il écartèle ses victimes ?
Elin voyait où Irina voulait arriver, elle aurait pu répondre à la place de la lieutenante, mais elle préféra la laisser faire.
— Diantre, non ! Nous ne sommes point des barbares à démembrer nos victimes, nous aimons recueillir leurs souffrances, leur humiliation et leurs supplications. Fufufu !
— Du coup, ça veut dire que le monstre ne va pas les tuer. On peut donc venir te maraver tranquillement ?
— Hein ?! Nous… Que dites-vous donc, disgracieuse créature ?!
— Héhé ! C’est ta faiblesse, Vivi, depuis toujours…
Les yeux de la lieutenant Vivienne s’écarquillèrent en fixant Elin.
— La traîtresse ?! Que faites-vous donc ici affairée avec l’Héroïne ?
— N’est-ce pas évident ? Je l’aide pour me venger de vous toutes. Je percerais chacune de vos fières poitrines et vous condamnerez à une éternité de souffrance.
— Hiiiiiiii !!
Vivienne ne put s’empêcher de reculer de quelques pas en protégeant sa poitrine de ses mains.
— Vous vous… C’est notre rôle ! Nous en avions déjà convenues à l’époque ! Vous êtes la lieutenante stratège fourbe et moi la folle sadique ! N’inversez pas les rôles, bon sang ! Que dieu vous emporte !
Elin afficha un sourire diabolique alors qu’elle fit apparaître deux sphères de feu dans ses mains.
— Le marché ne tient plus : je ne suis plus lieutenante.
— Grrrr ! Vous… Mes mignons ! Tuez ces deux immondes truies !
Sur ces mots, Vivienne lança devant elle des graines qui en tombant au sol prirent la forme de monstres végétaux à plusieurs bras terminés par des mains griffues desquels suintaient un liquide noirâtre. Elles étaient une dizaine, chacune mesurant près de trois mètres.
Irina prit une position d’attaque, tandis que Vivienne se mit à rire bruyamment, provoquant de multiple *boin boin*.
— Hahaha ! Affrontez donc mes Minions Végétaux Infernaux. Vainqueurs du grand concours de monstres de Jyralz ! Ils ont été récompensés dans la catégorie « monstre à poison le plus mortel », le leur peut atteindre le système nerveux en seulement deux dixièmes de secondes. Et puisqu’ils ont chacun six bras et dix griffes au bout de chacun, cela fait soixante possibilité de se le voir injecter. Tremblez toutes les deux ! Votre mort sera rapide à défaut d’être douloureuse !
— Euh… t’es pas censée être sadique et aimer infliger la douleur ? demanda Irina.
— Taisez-vous ! Une héroïne ne pourra jamais comprendre la douce mélodie des cris de souffrance.
Irina leva les épaules en pensant que ce n’était pas le genre de musique qu’elle avait envie d’entendre de toute manière.
— Si je résume bien, il suffit de ne pas se faire toucher, pas vrai, Elieli ?
— Ne pas se faire toucher ? Vous êtes en plein délire, ma pauvre amie, répondit à sa place Vivienne. Mes chéris sont plus rapides que des…
Mais à ce moment-là, interrompant les louanges de Vivienne, un mur de flammes se dressa et enveloppa tous les monstres alignés d’un seul coup.
— Les monstres-plantes craignent le feu si j’ai bon souvenir, non ? demanda Elin en connaissant parfaitement la réponse.
Il ne fallut que quelques instants pour qu’ils furent réduits en cendres.
— QUOI ?!
Tandis que Vivienne exclamait sa stupeur, Irina saisit l’opportunité pour la charger. Son premier coup d’épée laissa une fine entaille sur le ventre nue de sa cible.
— Que… Quelle méthode sournoise et vile pour une héroïne !! se plaignit Vivienne. Nous vous pensions plus digne !
— Le but d’une héroïne est de sauver les gens, se défendit Irina.
— Quelle décadence ! Depuis la 644e héroïne, il n’y a plus eu que des idiotes ne suivant plus les règles. Comment un pays pourrait-il être sauvé de la sorte ?
— Euh… c’est pas toi celles qui cherche à le détruire ?
— Ah ça non ! Nous sommes une esthète de la douleur, notre but est d’emprisonner toutes les filles dans un immense donjon puis de les fouetter, de les malmener, de leur marcher dessus avec nos talons aiguilles, de les utiliser comme…
Vivienne commençait à divaguer, de la bave s’écoulait du coin de sa bouche. Mais Irina restait concentrée et enchaînait attaque sur attaque. La lieutenante éprouvait quelques difficultés à parer avec son fouet, mais elle tenait bon.
— Je vais délivrer les deux autres…, dit Elin en contournant le combat sans lui prêter le moindre intérêt.
Elle enjamba les tas de cendres sans s’en soucier et se dirigea vers les prisonnières.
— De toute manière, Vivienne est obligée de perdre, elle n’utilise que des attaques handicapantes. Je vois pas comment elle pourrait arrêter Irina…
Lorsqu’elle arriva face au monstre bulbe à tentacule, Hakoto était nue et couverte de bave. En principe, la princesse aurait dû subir le même sort mais…
— Kyaaaaaaaaaaaaa !!!! Non, arrêtez !!
— Je ne pourrais plus jamais me marier !!! Ouinnnnnnnnnnn !!!!
Elin observa les tentacules humides qui avaient fait fondre les vêtements d’Hakoto, elle comprit rapidement la situation : l’enchantement de la robe de Shizuka la restaurait aussi vite qu’elle n’était dissoute. Cette robe était destinée à rester toujours intacte et propre pour que sa porteuse ait toujours l’air digne.
— Un objet magique digne d’une princesse… Et qui a été conçue pour faire de l’anti-fanservice…
La princesse se débattait, criait et baissait sa jupe de sorte qu’on ne vit pas ses sous-vêtements. Pendant ce temps, une langue géante léchait la pauvre Hakoto en pleurs : elle était sa seule victime disponible, elle attendait que les filles soient dénudées pour passer à la suite, mais puisque sa tentative échouait sur la princesse…
— Je… je sens mes forces m’abandonner… je… je vais mourir… ici-même… souillée jusqu’à l’âme… mais au moins, je vous aurais défendue, princesse… ma mort n’aura pas été vaine.
— Ce monstre est incapable de tuer, expliqua Elin avec désinvolture. À la base, il ne mangeait que miel mais Vivienne lui a appris à s’en prendre aux jeunes femmes. Tu ne risques pas de mourir… sauf de honte.
— Kyaaaaaa !! Je m’en vais heureuse d’avoir fait mon devoir… princesse… gardez dans un coin de votre mémoire mon nom et mon sacrifice…
— Puisque je te dis que tu ne vas pas crever.
— Princesse… je…
Mais alors qu’Elin allait lui répéter une fois de plus qu’elle ne risquait rien, la princesse qui se taisait et combattait les tentacules éleva la voix :
— VOUS POURRIEZ PAS VENIR NOUS AIDER AU LIEU DE PARLER ?!!
Après avoir soupirer, Elin fit apparaître une colonne de feu sous le monstre et le réduisit en cendres, libérant les deux otages et les faisant tomber au sol, l’une sur l’autre, dans une position indécente grâce au miracle (perversion) de la force gravitationnel.
— Je… Princesse votre posté… Aaaahhh !
— Désolée, je ne voulais pas toucher cet endroit ! Quelle honte ! Je… Qu’est-ce que j’ai fait ?
Hakoto s’agita pour se libérer de la princesse dont le postérieur était sur sa tête, mais ne fit qu’empirer la situation : cette dernière se mit à crier à son tour.
— Hako… to… tu es toute glissante je… Kyaaaaa !!!
En essayant de se dégager, la tête de la princesse percuta le bas ventre d’Hakoto qui poussa un cri étouffé. Non loin, Elin s’assit sur un débris, croisa les jambes et assista au spectacle impassible. Selon son estimation, cela durerait encore quelques temps, sûrement jusqu’à ce que la narration ait réglé le combat d’Irina…
Pendant ce temps, Irina finit par prendre l’avantage : avec un coup ascendant, elle désarma Vivienne.
— C’est fini ! J’vais te battre et ensuite j’irais régler son compte à la maou.
Mais…
— Jessica ? Que faites-vous là ?
Irina reconnut le nom de son ennemi juré, elle se retourna et constata qu’il n’y avait personne derrière elle. Elle se rendit immédiatement compte d’avoir été dupée.
— C’était sournois ! J’pensais que tu…
Lorsqu’elle se tourna à nouveau vers son ennemie, un nuage de poussière lui arriva au visage. Ce n’était pas de la poussière normale, mais des spores paralysants.
— Pour cette fois, vous avez gagné, mais nous nous recroiserons !
Sur ces mots, Vivienne déploya ses ailes et prit de l’altitude. Tout en poussant des « hohohoho ! » elle prit la fuite à vitesse grand V.
— Pourquoi elle l’a pas achevée puisqu’elle a réussie à la paralyser ? se demanda Elin en soupirant et en délaissant le spectacle qui venait de s’achever, conformément à ses prédictions.
Elle s’approcha d’Irina et lui dit :
— Tu t’es faites avoir.
Les yeux d’Irina se tournèrent vers son interlocutrice, mais son corps était figé : elle ne pouvait même pas articuler pour lui répondre.
Elin leva les épaules et soupira. Puis, elle tira de son sac un pinceau et de l’encre.
— Voyons voir pour m’adonner un peu de body art…
La parole « Imbérina » orna dès lors le front de l’héroïne pendant quelques, tandis que des fausses moustaches de chat s’inscrivirent sur ses joues.
***
— Je vous remercie de m’avoir sauvée, dit la princesse.
Les filles étaient en train de rentrer à la capitale où le roi attendait sa fille.
— Héhé ! Pas de quoi !
— C’est… mon devoir, princesse.
Shizuka considéra Hakoto, qui avait été disgraciée à sa place ; elle portait à présent sa tenue de rechange.
— Vous êtes au service du royaume ? Mais vous êtes une ninja, non ? C’est pas une profession de Yamato ?
— Même la princesse n’est pas au courant ? marmonna Elin.
— Je suis une authentique ninja de Floralys !! Mais euh !!
Voyant Hakoto mécontente de ce manque de reconnaissance à l’égard de sa profession, Shizuka vint la consoler en lui caressant l’épaule.
— Je ne suis que princesse… père ne me dit pas tout.
— Ouinn !! Même la princesse ignore mon ordre ! Je suis aussi insignifiante qu’un cafard.
Shizuka la prit franchement dans ses bras et lui caressa la tête. Son regard embarrassé par dessus l’épaule d’Hakoto croisa celui impassible d’Elin.
— Bref, laissons la ninja dépressive pleurer sur son sort. Pourquoi Vivienne t’a enlevée ? Elle a demandé une rançon ?
Les yeux de Shizuka s’écarquillèrent, puis elle les détourna pour éviter de croiser ceux de son interlocutrice.
— Euh… j’ignore ce qu’elle a fait et comptait faire… Mais c’était sûrement pour une rançon… enfin, ça serait logique que ça soit le cas…
Elin plissa les yeux avec suspicion, mais cessa de l’observer.
— J’pige que dalle à toute l’affaire, mais en tout cas mission accomplie, non ?
— Tant que nous ne serons pas revenues chez notre employeur et reçu la récompense de quête, on ne peut pas dire qu’elle est finie.
— Ce que t’es pointilleuse, Elieli ! Bah, j’vais continuer à surveiller alors… Oh ! Tiens ! Des fraises sauvages ! Coool !!
Sans réfléchir nullement à ses précédents propos, Irina courut ramasser les fruits qui se trouvaient dans des buissons voisins.
— Ta tête est vraiment vide… Digne d’une héroïne.
— Merci !
Irina leva le pouce puis se mit à s’empiffrer des fruits qu’elle venait de trouver. Elin leva les épaules, puis demanda à Shizuka :
— Comment a-t-elle réussi à te capturer ?
— Euh… je… j’allais… Ah oui ! J’étais dans le jardin du château lorsqu’elle est sortie d’une rose…
— Vivienne n’a jamais eu ce genre de pouvoir.
— Hein ? Enfin, c’était mon impression. En vrai, elle est descendu du ciel. HAHA !
Shizuka se gratta l’arrière de la tête, n’importe quel spectateur avisé de la scène aurait remarqué qu’elle cachait quelque chose. Cependant, parmi les trois personnes susceptibles de l’observer à cet instant, seule Elin lui prêtait attention.
Hakoto avait cessé de sangloter, mais d’une manière ou d’une autre paraissait apprécier ce contact et ne se décollait pas de la princesse. Irina était trop occupée à vider le buisson de ses fraises.
— Admettons… Et donc, elle t’a séquestré par voie aérienne et personne n’a rien remarqué ?
— C’était le soir.
— Pourquoi tu étais dans le jardin le soir ?
— Pour arroser les fleurs… Non, mais pourquoi toutes ces questions ?!
Elin leva les épaules, tandis qu’on entendit Hakoto marmonner :
— Hmpppff ! Quelle bonne odeur… Kukuku !
Shizuka, énervée ou vexée, ne parut pas l’entendre. Elin ne put s’empêcher de trouver Hakoto digne de la sournoiserie d’une vraie ninja… pour une fois.
— Désolée, princesse. C’est juste que je connais Vivienne donc…
— Comment la connaissez-vous d’abord ? N’est-ce pas suspect ?
Une claire tentative de se venger, mais Elin se contenta de lever les épaules :
— C’est plutôt normal, en fait : j’étais le bras droit de Jessica. Ancienne lieutenante du nord.
— HEIN ?!!
Cette fois, même Hakoto exprima sa surprise. Les deux la fixèrent avec de grands yeux ronds alors qu’Irina revint les mains pleines de fraises :
— T’en veux, Elieli ? Elles défoncent grave ! Super sucrées en plus…
— Ouais, pourquoi pas…
Elin en prit une poignée, l’air de rien, et les enfourna dans sa bouche. Cette nonchalance ne manqua pas de faire réagir les deux filles choquées.
— Irina ! Éloigne-toi d’elle ! C’est peut-être une traîtresse ! dit Hakoto.
— Oui ! Elle est dangereuse !
Mais Irina pencha la tête de côté avant de passer son bras autour de l’épaule d’Elin.
— Bah, ouais, elle est über dangereuse ! Elle peut foutre le feu à une forêt entière. Haha !
— C’était pas le point le plus important, Imbérina.
— Ah bon ?
— Elles veulent plus d’explications sur mes anciennes attributions de lieutenant des armées démoniaques, je pense.
— J’pige que dalle à tous ces trucs, moi… Euh… Bah, Elieli était une vilaine, mais maintenant c’est une alliée de l’héroïne. C’est un classique de la composition de tous les groupes d’aventuriers, on m’a appris ça à l’école. Pas vous ?
— Dans quelle école tu es allée au juste ?! s’écria Hakoto.
— Héhé ! Celle de mon patelin… le prêtre nous a appris pleins de trucs. Bref ! Elieli, c’est ma pote, elle me trahira jamais.
Elin soupira voyant que les explications d’Irina ne parvenaient à faire mouche ; d’un autre côté, c’était normal, personne n’aurait pu leur prêter de la bonne foi en l’état.
— Je suis immunisée à la magie mammaire de Jessica, expliqua Elin. C’est pour ça qu’elle m’a virée.
— La magie mam… C’est quoi ça ?
Shizuka répondit à la place d’Elin en prenant un air pédant :
— Je sais ! Le maou Jessica maîtrise une magie spéciale qui lui permet de contrôler les seins des femmes ! On pourrait en rire, mais cela lui permet de pouvoir étouffer une cible, lui provoquer des arrêts cardiaques et même la manipuler comme une marionnette. Il paraît même qu’elle peut s’en servir pour lancer des rayons magiques…
— Mmmm… il y a plus de conneries que de vérité, mais en gros Jessica est obsédée par les nichons. Elle a découvert il y a quelques temps une source thermale qui fait gonfler les poitrines. Elle l’a utilisé de force sur toutes ses troupes. Il n’y a que sur moi que ça n’a pas fonctionné. Malgré mes loyaux services, elle a préféré me mettre à la rue et j’ai décidé de me venger en rejoignant cette imbécile qui réussira sûrement à la vaincre.
— Héhéhé ! C’est forcé : je suis l’héroïne ! On gagne toujours !
— J’ai entendu parler de cette source, dit Hakoto, mais je pensais que c’était une légende.
— Non, c’est la vérité. Je pense qu’elle va envahir les territoires humains pour y jeter toutes les prisonnières dedans.
— Moi, j’veux pas des boobs plus gros ! déclara Irina en croisant les bras pour dessiner un X de ses bras. C’est bon, y sont déjà lourds comme ça !
D’un seul coup, les trois autres filles fixèrent la poitrine d’Irina. Contrairement à cette dernière, elles avaient toutes des petits seins, ce qui ne manqua pas d’attiser leur jalousie.
— Je me plaindrais pas non plus à ta place…, marmonna Shizuka.
— Si j’en avais eu des comme ça… m’aurait-on accepté parmi les samourais ? se demanda Hakoto.
— Sale vache à lait…
— Eh oh ! Je sens comme une tension les filles ! Un problème ?
Personne ne daigna lui répondre et finalement elles poursuivirent la conversation :
— Lorsque j’étais captive, j’ai entendu Vivienne parler des projets de Jessica…
— Avec qui ? demanda Elin en l’interrompant.
— Hein ? Je sais pas… elle parlait… enfin, elle parlait toute seule, mais je suis sûre qu’elle parlait avec quelqu’un !
Elin plissa une nouvelle fois les yeux mais cessa d’interrompre Shizuka.
— Où… où en étais-je ? Ah oui ! Je l’ai entendu dire que le vrai but de la maou Jessica est de relier par le biais d’un canal la source thermale au fleuve Dragon. Ainsi, toutes celles qui y boiront où s’y baigneront auront de gros seins.
Le Dragon était un fleuve principale qui traversait tous les pays de ce monde.
— Même Floralys serait touchée : plusieurs des bras de rivière arrivent chez nous.
— C’est horrible !! s’écria Hakoto. Enfin… c’est horrible ?
— Oui, ça l’est ! Une fois que toutes auront de gros seins, elle compte contrôler le monde entier !
— Et commercialiser sa collection de soutiens-gorges sexy, ajouta Elin.
— Y sont pas tous sexy, y en a des normaux aussi dans la marque Jessybra. Tiens, regarde le mien.
— C’est bon, je le connais, Irina.
Bien sûr, considérant le volume de la poitrine d’Irina, la marque Jessybra était la plus adaptée : l’excellente qualité et le prix raisonnable de ses produits en avait fait le choix incontournable des soutiens-gorges gros bonnets.
Elin arrêta Irina avant qu’elle ne retirât son plastron, c’est alors que Shizuka reprit la parole :
— Il faut se hâter d’en parler à père pour agir au plus vite ! Nous ne pouvons pas la laisser faire !
— Oui !! s’écria Irina. Il faut terrasser la Maou !
C’est ainsi que les quatre filles s’empressèrent de revenir à la capitale de Floralys où le roi attendait leur retour. Elles furent immédiatement introduites dans la salle du trône où Shizuka se jeta dans les bras du bon roi Sugino de Floralys.
Après avoir raconté toute l’histoire et surtout lui avoir dévoilé les sombres desseins de leur ennemie, le roi se gratta le menton et invita les filles à boire un thé dans un salon voisin.
Tandis qu’elles remuaient et humaient leurs thés, le Roi Sugino croisait les mains devant lui avec un air inquiétant ; un étrange reflet de lumière couvrait ses yeux, un peu comme s’il avait porté des lunettes, mais ce n’était pas le cas.
— Qu’est-ce qu’il y a, papa ? Tu as une visage inquiétant…
— Je t’ai déjà dit de ne pas m’appeler comme ça !
— Ouais, mais j’arriverai jamais à m’habituer au truc de commandant… ou général… ou je sais plus ce que c’est.
— Tsss ! Bref ! Si je vous ai réunies ici, c’est…
— Un mariage ?! s’écria Irina. Qui ? Qui ?
— Idiote, c’est juste une manière de parler.
— C’est pas les curetons qui disent ça au début des mariages ? Allez, c’est Hakoto et Shizuka, c’est ça ? J’ai bien deviné, pas vrai ? En plus, j’pense qu’elles vont bien ensemble.
— Kyaaaaaaaaaa !!!
Immédiatement, Hakoto poussa un cri aiguë tout en rougissant jusqu’aux oreilles. Instinctivement, elle activa un nuage de fumée qui lui permit de disparaître… ou aurait dû le lui permettre si elle n’avait pas été si maladroite en matière de discrétion. À la place, les personnes rassemblées la virent juste se cacher sous la table, son postérieur en sortait entièrement, d’ailleurs, ce qui la dissimulait pas du tout.
— Que… que… qu’est-ce que tu dis ?! Je… Avec Hakoto ?!! Mais c’est une fille !! Enfin, une ninja !
— Je… je ne vous mérite pas, majesté !!
— Y a pas de raison de pas se marier entre filles. Ma grand-mère et ma mère étaient mariées à des femmes.
Elin soupira et frappa la tête de sa camarade.
— Si c’était vraiment le cas, comment tu serais là, idiote ?
— Aïe !! Euh… Pourquoi les femmes ne peuvent pas faire des enfants ?
Elin soupira à nouveau.
— Majesté, accordez-moi deux minutes que j’apprenne un peu de biologie à cette héroïne stupide…
— Je vous en prie, accorda le roi avec des gouttes de sueur sur le visage.
— Moi et Hakoto… Avec une ninja de Yamato…
— Je ne suis pas une ninja de Yamato !
Laissant la princesse rouge comme une pivoine, Elin se mit à expliquer à Irina au moyen de grands gestes de main obscènes la reproduction sexuée.
— Chez les démons, nous apprenons ça à l’âge de cinq ans.
— C’est immonde ! Pourquoi vous apprenez ça si tôt ?! Vous êtes pas bien ?! s’écria Hakoto en colère.
— Une partie des nôtres sont des succubes ou des incubes, ils ont des poussées hormonales très tôt… Mais je vous rassure, les caches de censure demeurent jusqu’à l’âge de 18 ans.
— C’est pas le problème !! crièrent en même temps Shizuka et Hakoto.
Irina parut perplexe, elle s’assit en tailleur et se gratta la tête, puis elle demanda :
— Du coup, je vais pas tomber enceinte de l’autre fois où tu es venue te coller à poil contre moi ?
— Tu pensais réellement que tu le serais ? Et ça ne t’a pas fait plus flipper que ça ?
— Kyaaaaaaaaa !!! Je ne veux pas entendre les choses lubriques que vous avez fait !!
Hakoto se mit les doigts dans les oreilles, tandis que Shizuka lui couvrit les yeux.
— Moi non plus je ne veux pas savoir !!
Cependant, puisque ses mains étaient occupées et ne pouvaient couvrir ni ses yeux ni ses oreilles, Shizuka ne rata rien du spectacle. Le roi paraissait amusé par tout cela, il n’intervint pas.
— Bah, en fait, j’me suis posée la question, puis j’me suis dit que t’es une gamine : tu peux pas faire de mômes.
— Imbérina… C’est pas vraiment le problème.
— Bah, ouais, finalement il faut un *bip*pour que ça marche… Ch’suis un peu déçue quand même… En plus, on m’a menti.
— Les héroïnes ont la tête vide… Pfff !!
— Eh, Elieli !! T’es sûr que t’as pas de machin en bas ? Si ça se trouve si la fontaine des boobs marche pas sur toi c’est…
Elle ne put finir sa phrase qu’Elin lui frappa la tête de toutes ses forces. Irina étourdie, Elin se rassit avec dignité :
— Majesté, veuillez continuer je vous prie. De toute manière, cette imbécile ne comprendra pas ce que vous expliquerez, donc avec ou sans elle, ce sera pareil.
Le roi leva les épaules et prit la parole :
— À votre guise. En fait, ce n’est pas très long et compliqué : j’aimerais vous engager toutes les trois pour vaincre la maou Jessica.
Comme si elle ressuscitait soudain, Irina se leva et cria avec enthousiasme :
— Enfiiiinnnn !!! Oui, j’accepte la quête !! Je l’attendais depuis le début !!
Elin soupira, tandis que Hakoto hésita :
— Je… je suis qu’une ninja…
— T’es au service du royaume ou pas ? demanda abruptement Elin.
— Hein ?! Mais oui !! Je suis une ninja de Yamato… Non, de Floralys !! Vous m’avez fait me tromper !!
Les regards se braquèrent sur elle, comme si elle venait de dévoiler sa trahison, mais…
— Je confirme qu’elle fait partie de nos ninja. C’est même une des plus talentueuses, dit le roi.
— Vraiment ? s’étonna Shizuka. Pourquoi personne ne m’en a parlé ?
— Secret d’état. Je comptais te le dévoiler avant ma succession.
Hakoto prit un air fier qui disparut aussitôt.
— Je suis vraiment talentueuse ? Je… je ne sais même pas me cacher…
Elin et Shizuka n’en pensaient pas moins.
— Vous venez de Yamato, non ? Vous êtes de fait notre meilleur élément : personne ne se douterait que vous travaillez pour le royaume, vous avez une discrétion innée, soyez rassurée.
Si Hakoto s’embarrassa de ces éloges, Elin comprit ce qu’ils signifiaient réellement : en soi, le roi venait juste de lui faire comprendre qu’en raison de ses origines elle était une figure de proue, un exemple dans l’ordre, cela n’avait rien à voir avec ses aptitudes.
— Bien sûr, j’accepte également : j’ai un compte à régler avec Jessica, dit Elin avec nonchalance.
— Puisque c’est décidé, je…
— Attends papa ! Je veux y aller aussi !
— Hein ? Mais…
— Je sais que mes pouvoirs sont faibles, mais je ne veux pas que le peuple pense que notre royaume délègue tout ! Nous avons assez de problèmes de délocalisations de manufactures, il faut montrer l’exemple !
Le roi parut approuver cet argument qui resta abscons pour les autres.
— Même si je ne fais que les accompagner : il faut que j’y aille !
— Mais, c’est dangereux ! dit Hakoto.
— Il n’y a pas de risques pour moi : je suis une princesse. Au pire, Jessica me capturera et demandera une rançon. Si c’est le cas, voici mes livrets d’épargne, papa, ce sera largement suffisant.
Tirant des livrets de sa poche, elle les tendit à son père qui les reçut sans faire d’histoires.
— Mais attention ! C’est pas pour aller jouer aux chevaux !!
— Pour… pour qui tu me prends, ma fille ?!
— Et pas pour jouer au Stratego non plus ! Je sais à quel point tu aimes ce jeu de conspiration !
— Je ne jouerais pas à ce jeu primitif, voyons !!
C’était un jeu, comme son nom l’indiquait, de stratégie. Il était particulièrement complexe, mis à part quelques maniaques, personne n’y jouait.
— Et pas pour les contenus additionnels non plus, dit Elin pour appuyer la princesse.
— Quoi ?! Donc pas de set maillot de bain ? Tu es horrible, Elieli ! Tu es pire que la maou ! Maou Elin !! Aaaahhhh ! s’écria Irina.
Les yeux d’Hakoto étaient devenus aussi ronds que ceux d’une chouette, elle ne comprenait plus rien à la conversation qui à mi-chemin était devenu chaotique.
Finalement…
— J’ai compris, j’ai compris. Je vais prendre grand soin de ces livrets et je vais consentir à te laisser partir en vaca… en quête toi aussi.
— Merciii ! Mon papounet !! Je savais que tu avais un grand cœur et que tu me comprendrais !
Les deux s’enlacèrent et la décision fut actée.
— Cool ! On a une nouvelle alliée ! Par contre, elle sait faire quoi, Elieli ?
— Au pire, on peut s’en servir comme appât… Elle l’a dit, elle-même : elle se fera juste rançonnée.
— La chance ! Paraît que le château démoniaque central est un super lieu de vacances. On peut y faire des siestes toute la journée en prison, s’amuser avec les démons et tout.
Mais, à cet instant, Hakoto se plaça devant Shizuka les bras écartés, avec un air sérieux.
— Je ne vous laisserai pas faire ! Je protégerai la princesse Hakoto de ma modeste vie ! Car tel est le devoir d’un ninja !
— D’un samouraï, tu veux dire ?
— Oui, d’un samouraï de… Non, d’une ninja de Yamato… Floralys !! Tu es démoniaque, Elin ! Je savais qu’on ne pouvait pas avoir confiance en une ancienne lieutenante de l’armée démoniaque ! Nous ne sommes pas encore parties que tu sèmes déjà la discorde !!
Elin leva les épaules sans trop comprendre de quoi on l’accusait.
— Trop classe Hakoto ! On dirait le prince charmant de Shizuka ! Mais, d’ailleurs… t’as un truc là en bas ou pas ? T’as pas voulue te foutre à poil l’autre fois donc j’ai un doute…
— HEIN ?! Je… je n’ai pas de… de… serpent suspect à cet endroit !!
— Un serpent ? Tu en caches donc un… C’est une bonne stratégie, bien sournoise, digne d’une ninja. Finalement, tu me surprends, Hakoto, se moqua Elin.
— Je n’ai pas de… Aaaaaaaaahhhh !!
— Eh ? Elle en a un ou pas ?! Je veux voir ! J’en ai jamais vu ! Hakoto, montre-moi ton serpent !! dit Irina.
— Elle n’en a pas, Irina ! chercha à la défendre la princesse, empourprée. Elle… elle était nue à cause de moi… et des tentacules…
Elle se couvrit le visage de honte. En réalité, ce n’était pas réellement de sa faute, mais étrangement elle le prenait de la sorte.
— Princesse, ce… n’est pas de votre faute… c’était les tentacules de Vivienne.
— Ah oui ! C’est vrai que les tentacules t’ont foutue à poil… Ils sont cool ceux-là. Héhé !
— Ouais, ils sont Tentakool, n’est-ce pas ? dit Elin sans la moindre trace d’une plaisanterie sur son expression faciale.
Irina se mit immédiatement à rire en passant son bras autour de l’épaule d’Elin. Pendant ce temps, Hakoto et Shizuka s’excusaient l’une l’autre :
— Oui, mais… j’ai vu certaines choses de très près… Honte sur moi !!
— Kyaaaa !!! Ne… n’en parlez plus, votre majesté ! Votre bouche doit rester innocente !
— À cet distance, il s’en est fallu de peu qu’elle ne fut plus !
— Kyaaaaaaaaa !! Veuillez m’excuser !!
— Non, excusez-moi plutôt de vous avoir rappelé !
L’une l’autre s’inclinèrent pour présenter leurs excuses, leurs têtes se cognèrent l’une l’autre et elles s’assommèrent. Irina se moqua de plus belle, tandis qu’Elin croisa le regard du roi Sugino, amusé.
— Je m’occupe de tout…, paraissait-elle lui dire.
— Je compte sur vous, Elin…, lui répondait-il tout aussi tacitement.
Le voyage s’annonçait déjà fort mouvementé.
***
Le domaine démoniaque, autrement nommé le Royaume des Démons, se trouvait au nord.
Il était composé de terres inhospitalières et désolées, à la roche sombre rappelant celles des volcans. Ce rapprochement était sûrement légitime puisqu’au cœur de ces étendues plus grandes que les royaumes humains se trouvaient des volcans actifs et des failles desquels sortaient de la lave.
Le ciel était toujours obscur, on n’y voyait jamais le soleil et le vent soufflait constantamment, charriant des relents de souffre et des cendres.
Surveiller efficacement tout le territoire était chose impossible, il était bien trop vaste. Des remparts et des forteresses gardaient la frontière contre les envahisseurs humains, même si au cours de l’histoire ils n’avaient jamais entrepris une telle chose. Quel intérêt y avait-il à annexer des terres stériles ?
Néanmoins, quelques guerres avaient malgré tout éclaté sur le territoire des démons lorsque par le passé les royaumes voisins avaient cherché à vaincre la maou ; elles s’étaient toutes soldées par un échec des humains. Les armées n’arrivaient jamais à assiéger la capitale, située trop profondément en ces terres hostiles.
Les héros étaient les seuls à avoir infiltrer l’Ultime Donjon, comme on le surnommait, qui n’était en fait que le palais royal de la dirigeante du pays.
Nombre de monstres parmi les plus dangereux peuplaient les zones vides du royaume des démons, certains héros, par le passé, n’avaient même pas réussi à se frayer un chemin jusqu’à la capitale en raison des périls qui hantaient les campagnes désertes du Royaume des Démons.
— On serait jamais arrivés là sans toi, Elieli. Franchement, j’aurais essayé de le manger le champi chelou l’autre jour.
— Et tu serais morte, il dévore les gens de l’intérieur.
— Gloups !
— Moi, je pense que je serais allée me baigner dans le lac…, dit Shizuka.
— Qui est acide et t’aurait arraché la peau. Mais n’ait crainte, tu n’aurais pas souffert, la murène géante qui l’habite t’aurait dévorée avant.
— Et moi j’ai failli me faire avoir par cet arbre illusoire.
— Il injecte une puissante toxine qui liquéfie le cerveau avant d’enfoncer un dard dans le corps et de sucer tout la substance de ce dernier.
— C’est immonde ! Mais… mais…
— On l’appelle l’arbre à luxure, il attire ses proies en leur montrant une illusion érotique de la personne qu’ils désirent le plus… j’ai une idée de qui tu as pu voir…
Elin afficha un discret et rapide sourire en coin alors qu’elle se tourna vers Shizuka dont les yeux papillonnaient sans comprendre. Hakoto se cacha le visage de honte.
— Héhé ! T’es la best, Elieli !
— Merci. Et du coup, nous y voici : l’Ultime Donjon.
Les filles observèrent l’immense tour noire qui se dressait devant elles. Elle était lugubre, sinistre, des chauve-souris lui tournaient autour et sa pointe se perdait dans des nuages noirs où circulaient des arcs électriques.
— On ne devait pas aller à la capitale ? demanda Hakoto. C’est là que se trouve le palais de la maou, non ?
— Tsss ! Les humains commettent tous la même erreur : le palais royal est à la capitale, mais le donjon ultime pour affronter Jessica c’est sa résidence de campagne.
— Elle vient passer ses vacances ici ? demanda Irina. Y a même pas de plage…
— Tu ne connais pas l’aménagement des derniers étages, c’est le grand luxe au-dessus des nuages : spa, piscines, terrains de golf, etc. En fait, c’est le seul endroit du pays où il y a la lumière du jour.
— Oooohhh !! J’savais pas !!
— Rassurez-vous, Irina, personne ne pouvait le savoir mis à part une ancienne lieutenante…, fit remarquer la princesse.
Elin leva les épaules mais ne répondit pas. Un court silence s’ensuivit, toutes observaient la tour, cherchant sûrement à voir au travers des nuages les activités vacancières dont avait parlé l’ex-lieutenante.
Puis, Hakoto demanda :
— J’y pensais avant… Les monstres qu’on a rencontré, ils tuent aussi les démons ?
— Bien sûr. Ils s’alimentent principalement d’animaux sauvages, mais les démons qui s’aventurent sur cette route connaissent le même sort, répondit Elin froidement.
— Mais du coup, s’ils peuvent nous tuer si facilement et vous tuer si facilement, ils ne seraient pas plus forts que la maou ?
Un nouveau silence. Toutes parurent réfléchir à cette idée saugrenue.
— Racontez pas n’importe quoi, Hakoto ? Hahaha ! se mit à rire nerveusement Shizuka.
— Ça arrive qu’y a des zones plus dangereuse que le dernier donjon, fit remarquer Irina. C’est un classique !
— J’ignore de quoi vous parlez précisément…, dit Hakoto en plissant les yeux.
— Haha ! Ch’sais pas moi-même.
Elin soupira et ne tarda pas à faire la lumière sur la question.
— En réalité, Irina a raison : cette route est la plus dangereuse du pays. Tous les enfants savent qu’il ne faut pas y aller, aucun marchand ne l’emprunte et même la garde royale ne la foule pas du pied. Outre les pièges, il y a des monstres plus puissants que n’importe quel démon.
— HEIN ?!!! Mais !!
— Héhé ! J’avais raison ! dit fièrement Irina.
— Pourquoi n’avoir rien dit ?! s’indigna Hakoto.
— Rappelez-vous ce que je vous ai demandé à peine arrivées : « quelle route préférez-vous ? »
Les filles se remémorèrent cet instant…
— Nous avons trois choix : la route royale qui débouche en ville, à partir de là nous pourrions monter dans un fiacre pour l’Ultime Donjon. La route transversale qui passe pas la campagne où nous rencontrerons sûrement quelques démons. Ou la route des aventuriers, la plus dangereuse, celle que personne n’emprunte car mortelle mais qui est aussi celle où on rencontre le moins de démons.
— Celle des aventuriers ! avait répondu Irina.
— Celle où il y a le moins de démons, je pense que c’est le mieux…, avait dit Hakoto en soupirant.
— La plus courte…
À cet instant, personne n’avait vu le sourire diabolique apparaître sur le visage d’Elin…
— C’est vrai : nous avons choisi cette route…, dit Shizuka dont les épaules tombèrent.
— Si nous étions mortes, les récits nous auraient déshonorés éternellement.
— Bah, quoi qu’il en soit, ce qui est fait est fait ! dit Irina avec insouciance. On a traversé la zone optionnelle saines et sauves et même sans se battre. Elieli n’a pas menti : c’était la route la plus rapide et la plus digne d’aventuriers. Hahaha !
Un sourire en coin fit à nouveau son apparition sur le visage d’Elin.
— Sauf que normalement les aventuriers affrontent des monstres avant d’arriver au dernier donjon. C’est un peu une règle. Je me demande ce que vont penser les chroniqueurs de tout ça…
— Hein ? Mais c’est vrai en plus ! Tu nous as menti, Elieli ! J’voulais m’battre moi !!
— Si nous avions combattu les monstres que nous avons rencontrés, je t’assure que nous ne serions pas ici actuellement.
Hakoto réalisa soudain quelque chose :
— Les autres aventuriers dans le passé, ils ont emprunté quelle route ?
— Sûrement la royale, dit Shizuka.
— Celle de campagne. Le paysage est pas mal et on peut y affronter des monstres peu puissants et y croiser très peu de démons. Le trajet prend une semaine en plus, par contre, mais il y a peu de patrouilles puisque les auberges ne sont pas terribles. J’ai forcé pas mal de fois les soldates à y aller quand même, mais bon…
La route qu’elles avaient empruntées passait par des crevasses et des forêts remplies de dangers mortels.
— Hein ?! Mais on aurait pu prendre celle-là ! s’écrièrent Irina et Shizuka simultanément.
— On dit que la 28e héroïne n’avait rencontré aucun péril dans sa quête et qu’elle avait affronté la maou en pleine possession de ses moyens, raconta Hakoto. N’était-elle pas passée par la route du suicide que nous avons choisie ?
— Ah, c’est comme ça qu’on raconte cette histoire chez les humains ? demanda Elin. Non, elle n’a pas emprunté la route des déments, cette sage femme…
— C’est comme ça que vous l’appelez chez les démons ? Et tu n’avais rien dit ?!
— J’croyais que c’était celle des aventuriers !
Elin ignora Irina et Shizuka et poursuivit son explication sur la vingt-huitième héroïne :
— Sur la route de campagne, elle n’a effectivement rencontré aucun démon et aucun monstre. On a longtemps pensé qu’elle avait eu eu beaucoup de chance, mais en réalité la cause était la date de son infiltration. Elle est entrée en territoire démoniaque au cours de la célébration des écartelés. Tout le monde était à la capitale pour trois jours de fête sans répit, du coup elle n’a rencontré personne.
— Vraiment ?
— C’est ce que disent récemment nos historiens. Cependant, le vrai intérêt du cas de la vingt-huitième héroïne vient dans la suite de son périple.
Elin marqua une pause pour jauger l’attention de son auditoire : cette fois, même Irina l’écoutait attentivement. Lorsqu’il s’agissait de héros et d’héroïnes, elle était bien plus attentive.
— La maou n’était pas dans le donjon non plus. Même si l’héroïne a atteint le donjon en moins de deux, il était vide. Elle a donc campé au pied de la tour pendant trois semaines avec son groupe. Les porteurs ont fini par repartir parce que leur réserve de nourritures s’achevait. L’héroïne a même été abandonnée par ses compagnons. À cause du froid et des cendres, elle a attrapé une pneumonie, a failli mourir de faim et avait même des hémorroïdes.
— Violent !! C’est vrai tout ça ?
— Sûrement. La maou de l’époque était connue pour son sens de l’honneur, aussi lorsqu’elle a entendu que l’héroïne l’attendait, elle a accouru. La voyant dans cet état, elle a eu pitié et l’a soignée. La 28e héroïne a logé pendant deux mois dans le donjon, elle a eu les meilleurs soins démoniaques et il y a même dans les archives des photos et des vidéos des parties de golf qu’elle faisait avec la maou pendant sa convalescence.
— Et après ?
— Bah, l’héroïne a perdu l’envie d’affronter la maou, il s’avéra qu’elles avaient pas mal de passions en commun. L’héroïne a démissionné de son poste et elle est entrée dans l’armée royale démoniaque. Il paraît qu’elle s’est amusée jusqu’au dernier jour de sa vie. La maou devint même sa meilleure amie et elles eurent une relation amicale particulière.
Les trois filles qui étaient pendues aux lèvres d’Elin restèrent stupéfaites par la moralité de l’histoire. Il était donc possible pour une maou et une héroïne de s’entendre ? Les livres d’histoire humains ne mentionnaient jamais cette version des faits, la 28e héroïne était censée avoir remporté la victoire avant de mourir dans un accident de carrosse quelques mois plus tard. On disait que la maou de l’époque était revenue à la vie très rapidement à cause de la vilenie dans le cœur des humains qui ne fréquentaient pas assez l’église (et surtout ne contribuaient pas assez aux donations).
— Bah, tu peux oublier de t’entendre avec Jessica, par contre : c’est une folle des nichons, elle n’a rien de l’honneur de la maou de l’époque. Bon, bon, sur ce, préparez-vous à entrer. C’est truffé de pièges là-dedans…
— Attends, je veux en savoir plus sur…
— Raconte plus, Elieli !!
Mais cette dernière les ignora et se dirigea vers l’entrée de l’immense tour. Elles n’eurent d’autres choix que de suivre leur guide.
***
Comme l’avait dit Elin, le donjon était plein de pièges. Néanmoins, on pouvait s’interroger à leur propos.
En effet, leur but était normalement de tuer les intrus pour qu’ils n’arrivassent pas jusqu’à la salle du trésor ou la salle du trône où se trouvait la maîtresse des lieux.
Mais les pièges de cette tour semblaient avoir été pensé uniquement pour… humilier et énerver les intrus. On aurait pu supposer l’architecte de ces derniers un enfant espiègle, s’il n’y en avait pas eu des pervers également.
Ainsi, l’un d’eux avait fait tomber une gelée visqueuse sur les filles. Hakoto et Irina qui marchaient en tête n’avaient pu l’éviter. Ce n’était pas un vase acide qui aurait rongé leurs chairs jusqu’à ne laisser que des os ou qui se serait infiltrée dans leurs poumons en passant par leurs nez pour les étouffer.
Non, ce n’était pas ce genre de traquenard.
À la place, les gelées animées s’infiltrèrent dans les sous-vêtements de leurs victimes et…
— J’ai envie de pisser ! s’écria Irina.
— Hiiiii !! Vite, un toilette !
Toutes les deux se mirent à courir sur place, cherchant un endroit où pouvoir relâcher cette sensation dérangeante, mais elles ne trouvaient rien.
— Hiiiii !! Comment je vais faire ?! Shizuka me regarde en plus !! OUINNNNN !!!
— Retirez vos sous-vêtements que je crame ces gelées déjà pour commencer, ordonna Elin.
— Quoi ?! Il n’est pas question que je fasse ça ! protesta la fière Hakoto.
Mais Irina avait déjà retirer sa culotte faisant tomber au sol le petit monstre pervers. Elin le brûla aussitôt.
— J’vais dans le coin là !!
Elle courut dans un coin de la salle carrée et sans tarder fit ce qu’elle avait à faire.
— Kyaaaaaa !!! Je ne peux pas faire ça ! On entend tout ! Et Shizuka regarde en plus !
— Je ne regarde rien ! protesta l’accusée. C’est juste que… mon regard est tombé involontairement dessus.
Elin soupira longuement, puis ramassa la culotte d’Irina et la mit sur la tête de Shizuka pour lui couvrir les yeux.
— Ehhh ! Qu’est-ce que vous… ? Je suis une princesse !!
— Et une perverse aussi.
— Je ne vous permets pas !
— Bon allez, Hakoto, je m’occupe de la princesse. Retire ta culotte où tu as envie de te faire dessus ? En plus, il se peut que la gelée s’en nourrisse et…
— Quelle horreur !! Quel porc ! C’est ignoble !!
Hakoto n’arrêtait plus de se trémousser, elle arrivait à sa limite.
— Dans ce cas, fais ce que je te dis.
— Je ne vois rien de toute façon…, ajouta la princesse sur un ton peu convaincant.
— ELLE VOIT TOUT !!
Elin soupira à nouveau. Elle retira sa cape et la mit sur la tête de la princesse ; à présent, on aurait dit qu’elle avait un sac dessus. Elle se débattit maladroitement.
— La pauvre…
— Tu préfères qu’elle t’observe ?
— NON !!
— Bon, dépêche-toi où elle va étouffer.
— Vous allez tuer la princesse ?
Elin ne répondit pas et garda son expression terne, ce qui n’était pas plus rassurant. Hakoto blêmit encore plus et, finalement, retira sa culotte de ninja, avant de courir dans un autre coin de la pièce. Elin soupira et grilla la gelée qui avait apporté bien des problèmes.
— Whaaaa ! Ch’suis soulagée ! J’peux avoir ma culotte et mon futal ?
— Pour la culotte tu dois attendre un peu, Shizuka est en train de la renifler.
— Hein ? Ah bon ? Elle a ce genre de penchants ?
Elin leva les épaules et se dispensa de répondre. Irina finit par prendre des sous-vêtements de rechange dans son sac plutôt qu’attendre. Hakoto, lorsqu’elle eut fini, fit de même.
— J’ai bien failli mourir ! dit Shizuka une fois libérée. Ça ne sentirait pas…
— Aaaaaaaaahhh !!
Hakoto prit la princesse par la main et l’entraîna dans le couloir voisin, sans réfléchir, sans même vérifier la présence d’un autre piège.
Et ce qui devait arriver arriva : une explosion de lumière.
Lorsque Irina et Elin accoururent à leur suite, les deux filles avaient disparues.
— Elles sont où ?
— Téléportation ? Invisibilité ? Ou alors désintégration… ?
— Tu sais pas, Elieli ?
— Les pièges ont été changés… Donc non. Attends une minute…
Elin s’accroupit et inspecta le sol où elle trouva… Shizuka et Hakoto à l’échelle un sur dix.
— Oh ? Mini-Shizuka et Mini-Hakoto ! Elles sont mignonnes !!
— Fais attention à ne pas les écraser, brute que tu es.
— T’inquiète, je fais attention aux petits, j’suis une héroïne.
Les voix des deux étaient trop faibles pour être parfaitement audibles à présent, elles remuaient et faisaient des signes mais Irina les ignorait et les prit dans la paume de ses mains.
— Héhé ! Maintenant je suis entourée de petites ! D’ailleurs, t’as enfin trouvé plus petit que toi, Elieli ! Hahaha !
Mais la blague ne fit pas rire la demi-démone qui lui donna un coup de coude dans le flanc, ce qui ne produisit pas grand effet en raison du plastron (et de la faible force d’Elin).
— Tu penses qu’elles vont rester comme ça ?
— À mon avis, c’est temporaire.
— On continue ?
— Pourquoi pas…
Irina plaça les filles chacune sur une épaule et reprit la marche. À cette distance de son oreille, elle arrivait par contre à les entendre se plaindre.
Finalement, quelques mètres plus loin…
— Elles font trop de bruit, Elieli ! Vaut mieux faire une pause !
Elin leva les épaules, elle l’avait déjà prévu.
Un autre piège qui ne manqua pas de leur faire perdre du temps fut celui des vêtements invisibles. Après avoir marché sur une dalle, un gaz les avait englobées et elles avaient perdu leurs vêtements.
Mais rapidement en touchant leurs corps nus, elles s’étaient rendues compte qu’ils étaient simplement devenus transparents.
— Dans ce cas, il suffit d’en mettre d’autres, dit Irina.
— Ton sac est aussi devenu invisible, lui fit remarquer Elin.
Toutes les affaires qu’elles portaient l’étaient, en effet. De plus, une fois retirées, il devenait difficile, voire impossible, de retrouver leurs vêtements.
Elin proposa de poursuivre, Irina était d’accord, mais les deux autres passaient leurs temps à se cacher et finalement elles durent prendre une nouvelle pause.
Elles affrontèrent également un gaz aphrodisiaque qui manqua de faire bien des ravages, mais qui, heureusement, eut des effets assez courts. Néanmoins, même s’il ne dura que quelques minutes, Shizuka et Hakoto durent se cacher dans des salles qu’elles avaient déjà visitées pour se protéger l’une l’autre, tandis que l’on taira ce qu’Irina avait fait à Elin. Cette dernière, sûrement en raison de sa nature démoniaque, fut la seule à ne pas avoir été affectée.
Finalement, après bien des périples plus humiliants les uns que les autres, les quatre filles arrivèrent dans les parties supérieures de la tour : les appartements des lieutenants. Elin les avertit qu’à partir de ce stade, il n’y aurait plus de pièges.
Même si les lieutenants étaient liées à des points cardinaux, au final, elles avaient toutes un étage à elle.
— Le mien était le plus haut, expliqua Elin. Normalement, le premier étage c’est celui de la lieutenante de l’ouest, puis l’est, puis le sud et enfin le nord. On aura au moins un étage vide.
— Allez ! Perdons pas de temps !
Irina poussa la porte et elles entrèrent dans une vaste salle de type baroque. Assise sur une fauteuil géant se trouvait la lieutenante de l’ouest : Gloria.
Contrairement aux autres lieutenantes, elle n’était pas une démone mais une ange déchue. Ses longs cheveux noirs lisses étaient détachés et lui arrivaient aux genoux ; ses yeux dorés luisaient de malveillance. Elle portait des lunettes et une armure en ossements des plus inquiétantes. Ses ailes étaient comme celles des corbeaux, à plumes noires. Une auréole noire flottait au-dessus d’elle.
— Bienvenue à l’étage of disaster. Je suis happy de vous accueillir… et surtout pour vous occire, dear heroes ! Hahaha !
Elle se leva de son siège et fit apparaître une faux démesurée en os autour de laquelle tournaient des volutes d’énergie verte formant des visages grimaçants et hurlants.
— Gloria est la plus fidèle à Jessica, c’est une lieutenante très puissante qu’on nomme le Fléau. Nombre de démons ont peur d’elle.
— Ah bon ? Et du coup, on fait quoi, Elieli ?
— Je vais m’en occuper seule. Continuez de monter, il faut qu’Irina arrive jusqu’à Jessica pour l’affronter et mettre un terme à tout ça.
— Mais… on ne pourrait pas s’en occuper…
— Repense donc à tous ces morts et toutes ces humiliations, l’interrompit Elin.
— Oui ! Il faut réclamer vengeance ! dit Hakoto oubliant soudain son sens de l’honneur habituel.
— Il faut mener à bien la mission de père ! Il n’y a pas une seconde d’hésitation à avoir. Merci, Elin ! Ton acte héroïque ne sera pas oublié.
Shizuka et Hakoto prirent Irina chacune par un bras et coururent en direction de la grande porte au-dessus de laquelle se trouvait un panneau « Exit ». C’était un mot dans une langue arcanique qu’aucune ne comprenait mais puisque c’était l’unique porte disponible, elles la franchirent.
— Mais euh !! Je voulais dire que…
La voix d’Irina se perdit dans l’escalier qui se trouvait derrière la porte. Gloria et Elin observèrent le groupe partir sans les arrêter, puis elles se firent face.
— J’ai pas dit que j’allais mourir ici, idiotes…, marmonna Elin en faisant apparaître des boules de feu dans ses mains.
— Cela faisait long time que nous ne nous étions pas seen, right ? Toujours aussi petite ? Toujours aussi flat ? Fufufu !
Gloria se pencha en avant et révéla à travers l’échancrure de son armure son imposante poitrine ; un sourire triomphant apparut sur son visage. Ils étaient bien plus gros que ceux d’Irina.
— Et ? Tu crois m’impressionner ? En plus, ce sont des faux : ils ont été grossis avec l’eau de la source.
— Noooo ! Les miens sont réels ! Wholly naturals ! J’ai toujours eu de très gros boobs ! Remember l’été il y a quatre ans lorsqu’on nous sommes allées à la beach ensemble. Les tiens faisaient pouet pouet, les mine faisaient boin boin.
— Ouais, je m’en souviens : c’est là que Jessica a décidé de faire de toi sa lieutenante.
— Héhé ! rit fièrement l’ange déchu. C’est moi qui aurait dû être son bras droit !
Mais Elin ne parut pas réellement indisposée, elle soupira et se mit en garde :
— Jalousie… Je vais faire fondre ce gras inutile et ensuite je m’occuperai de Jessica.
— Tu rêves, little flat girl ! Je ne te laisserais pas faire !
Tandis que le combat débuta, les trois autres filles montèrent les marches de l’escalier deux par deux. Elles ne tardèrent à arriver à l’étage de la lieutenante de l’est : Vivienne.
Comme on pouvait s’y attendre, c’était un roseraie occupant tout l’étage. Sur un lit de pétales était allongée Vivienne en train de lire un livre. Lorsqu’elle se rendit compte de l’arrivée des intrus, ses yeux s’écarquillèrent et ses paupières clignèrent quelques fois.
— Déjà ici ? Et Gloria ?
— Elieli s’occupe d’elle… Cela dit, je ne comprends pas pourquoi on…
— Cette fois, ce sera moi son adversaire ! déclara Hakoto avec détermination en tirant de ses manches deux kunai.
— Hakoto ? Tu… Ton sacrifice ne sera pas vain ! Ouinnnn !!
Shizuka, qui tenait encore le bras d’Irina, se mit à pleurer tout en la tirant vers la porte en cristal qui se trouvait dans un coin de la pièce circulaire.
— Attendez, nous n’avons pas dit que…
Les deux kunai frôlèrent le visage de Vivienne dont l’attention fut soudain captivée par Hakoto, qui lui avait pourtant parue insignifiante jusque là.
— Vous !! Nous allons vous… euh… pourriez-vous nous laisser un petit instant, nous aimerions finir notre cocktail.
— Tu… tu m’as déshonoré devant Shizuka !! Je… je vais te le faire payer !
— Nous avons dit un instant… Nous…
Vivienne s’empressa de finir son verre, sans avoir le temps de le déguster.
— Elle a tout vu ! Tout !! Je… ne vais plus pouvoir me marier ! En plus, c’est avec elle que je le voulais !!!
Vivienne se leva et ajusta sa tenue. Sans trop y penser, elle fit remarquer :
— Si elle a tout vu, il suffirait de lui faire endosser ses responsabilités en vous épousant, n’est-il point ?
Elle regretta aussitôt l’idée sortie de sa bouche dans un moment d’inattention : en réalité, elle ne voulait pas que qui que ce fût se mariât avec la princesse Shizuka… SA princesse Shizuka !
— Mmmm…
— Considérez que nous n’ayons rien dit ! Tout cela était une idée saugrenue, nous…
— Au contraire, ce serait la solution… Je n’y avais pas pensé. C’est fourbe et sournois… si j’étais capable de penser comme ça, je serais une bonne ninja en fait.
— Kunoichi, vous voulez dire… Mais de grâce, oubliez donc ces paroles ! Shizuka vous est inaccessible !
— Pourquoi le serait-elle ? Elle semble bien m’aimer. Puis, nous avons partagé des moments embarrassants ensemble.
Hakoto repensa aux pièges de la tour en rougissant.
— Nous… Nous allons vous réduire en charpie ! C’est notre Shizuka d’abord !!
— Hein ? Comment ça ? C’est avec moi qu’elle doit se marier !
— Dans vos rêves, misérable kunoichi !
— Pourquoi une ninja et une princesse ne le pourraient pas ?
— Cette discussion ne mènera à rien ! Réglons cela dans un combat et que la meilleure l’emporte ! Nous prendrons sa première fois dans ce lit de fleurs ! dit Vivienne en affichant un regard ardent.
— Kyaaa ! C’est pervers !! Dans ce cas… je… nous ferons pareil une fois que je t’aurais vaincue ! Sur ton propre lit ! Je t’obligerai même à regarder !!
Vivienne recula d’un pas sous le choc.
— Proposeriez-vous du… ? Nous n’osons le dire à haute voix…
Hakoto rouge comme une tomate, des larmes au coin de ses yeux, prit un air victorieux, bien qu’embarrassé au plus haut point.
— Eh oui ! Du N… T… R… Ninja Triolisme Reproduction. Héhé !
En prononçant quelque chose d’aussi pervers, Hakoto se sentit mourir. Elle avait juste voulu provoquer son ennemie, elle n’avait pas pensé aller aussi loin. Mais l’heure n’était plus à l’hésitation, elle était face à une succube, une lieutenante, elle devait triompher.
— Triolisme… ? Quel est donc le rapport ? demanda Vivienne perplexe.
— N’ai-je pas dit que je possède la capacité de créer des clones d’ombre ?
Vivienne recula de nouveau sous l’effet d’un choc extrême. Cette fois, elle tomba à genoux.
— Quelle technique redoutable ! Nous… comment pourrions-nous rivaliser ?
Mais elle réalisa soudain quelque chose. Elle se releva et se mit en garde en adoptant une expression furieuse :
— Cette technique NTR est trop dangereuse. Même parmi les démons, une telle capacité doit être scellée. Nous allons débarrasser le monde d’une perverse aussi terrible que vous !
— Si je gagne, peut-être l’utiliserais-je sur toi. Tu m’as humiliée tellement de fois !
— Nous ne le permettrons point ! En garde !
Un nouveau combat s’engagea alors que la pauvre Irina se fit traîner un étage au-dessus encore.
Celui-ci ressemblait à l’antre d’un groupe de bandits : la décoration n’avait aucune unité, faite de tout ce qui avait été récupéré. Des tas de pièces d’or s’amoncelaient dans les coins, des tentures et des tableaux de styles différents étaient accrochés sans aucune symétrie. On aurait dit un simple débarras.
Attendant debout, les bras croisés, se trouvait Sandy la lieutenant du sud : le bras gauche de Jessica. Cette femme à la chevelure blonde hirsute était borgne ; un de ses yeux était couvert par un bandeau. Ses cornes étaient longues et elle avait trois queues qui s’agitaient dans son dos. Sa peau, en grande partie dénudée, était couverte de fines écailles par endroit.
Elle portait un large pantalon, mais rien d’autre que des bandages pour couvrir sa large poitrine. Sur ses mains, elle avait des mitaines renforcées.
— Ah ! Vous êtes arrivées, les crevettes ? Ch’suis Sandy, lieutenant du sud de l’armée démoniaque ! J’vais pas vous laisser passer !
— Oh ! Elle a l’air cool celle-là ! dit Irina. Shizuka, tu vas te sacrifier pour me laisser passer ?
— Hein ? Mais je sais pas me battre !
— Mmm… Ouais, mais du coup, ça servait à quoi que les autres nous permettent de monter ? En plus, on aurait pu les affronter en groupe, ça aurait été plus rapide.
— Hein ? Mais j’en sais rien… c’est pas ce qu’on fait habituellement dans ce genre de situations ?
— Bah, tant pis ! En plus, elle, j’ai trop envie de l’affronter. Elle est cool !
Sandy afficha un sourire carnassier.
— La porte est fermée de tout’manière. La clef est là.
Elle tira la clef de l’échancrure de ses seins.
— Héhé ! J’étais sûre qu’elle était là. En fait, moi aussi j’cache pas mal de trucs dedans : j’ai de la bouffe, mes papiers d’identité, les clefs de ma maison, la baguette magique qu’on a pillé, un pot de fleur…
Irina se mit à faire l’inventaire de l’équipement qu’elle cachait entre ses seins. Une goutte de sueur apparut sur le visage de Sandy.
— T’arrive à cacher tout ça là-dedans ?
— Bah ouais. C’est un pouvoir des filles à gros seins, non ?
— Non, juste le tien, j’dirais…
Derrière Irina, quelqu’un mordait un mouchoir en émettant des gémissements de douleur :
— Mumumu ! Quelle injustice !! Dire que j’ai accompagné la première héroïne à gros seins depuis la 66e !!
Irina l’ignora et dégaina son épée longue.
— Battons-nous à la loyale ! De toute manière, mes potes sont en train de se battre contre les autres plus bas… j’ai même pas compris pourquoi…
— T’inquiète, je ne comprends pas pourquoi ces deux ne ferment jamais leur porte à clef. En plus, nous avions eu une réunion d’information qui nous avait prévenu de votre arrivée. Mis à part s’occuper de leurs petites affaires, celles-là j’te jure…
— Héhé ! On se comprend. Mais, j’dois monter et vaincre la maou Jessica !
— Pourquoi ? Tu voudrais pas te joindre à ma bande ? On s’éclate, j’t’assure…
— Ta bande ? Tu bosses pas pour Jessica ?
Sandy soupira et leva les épaules.
— Tu penses quand même pas que j’reste là toute l’année à attendre l’arrivée des héroïnes, si ? Ou que j’me tape l’administration et tout ces trucs chiants ? Non, non, en général, j’ai ma petite bande, on chevauche des raptors…
— Les raptors ont la taille de poulets, fit remarquer Shizuka sur un ton désabusé.
— Les raptors de chez nous y sont plus grands que toi, princesse de mes deux !! protesta Sandy en colère.
— Ouais, ouais, c’est pas poli de l’interrompre comme ça. En plus, ça m’a l’air intéressant ce qu’elle dit.
— Héhé ! J’savais qu’on serait sur la même longueur d’onde magique toutes les deux !
Irina leva le pouce, Sandy répondit par la même avant de reprendre son explication. Shizuka croisa les bras et soupira longuement par le nez.
— Je disais donc… Avec la bande, on chevauche les RAPTORS démoniaques et on se balade dans tout le pays. Le soir, on faut la teuf. On tague les villes qu’on traverse. On chante jusqu’au matin et on tabasse les connards qui sont pas contents.
— En vrai, ça à l’air super rigolo.
— Pas vrai ? Alors, tu viens nous rejoindre ? Rien à foutre de la politique et tout ça. La vrai vie, c’est la route !
— Bah, pourquoi pas ? Allez !
Sur ces mots, Irina rangea son arme et rejoignit Sandy. Bras dessus bras dessous, elles devinrent les deux loubardes les plus redoutables du royaume démoniaque et bientôt, elles finirent même par aller klaxonner (car elles en avaient installés sur la tête des raptors) sous les murs du palais royal de Floralys.
La menace de la maou Jessica devint secondaire face au gang des « Hell Raptors (but they are not raptor) ». Les royaumes se réunirent pour envisager une alliance contre ces anarchistes qui remettaient tout le système, aussi bien humain que démoniaque, en question.
À l’heure où est écrite l’histoire, personne n’a réussi à les arrêter.
Cette nuit-là, comme toutes les nuits, Sandy et Irina semaient la destruction et le chaos en riant aux éclats.
FIN
Ou, c’est ce qui aurait pu arriver… (lisez la suite, car il y a une suite, je vous le promets)
Mais Shizuka s’interposa entre les deux et, avec un air courroucé, les mains sur ses hanches.
— Irina !! Tu es l’héroïne de l’humanité ! Tu ne peux pas faire ça !!
— Ah bon ? J’peux pas ? Pourquoi ?
— Tu ne comprends pas ? Elle va semer le chaos partout : détrousser les gens, les brutaliser, les torturer, faire tomber l’économie des pays, abattre la religion…
— Les deux derniers sont réellement aussi grave que le reste ?
— Puis… Puis… C’est pas une tenue correcte ! Qui a l’idée d’exposer ainsi sa poitrine de vache à lait ?!
C’était sûrement les réels sentiments de Shizuka à cet instant. Elle ferma son poing avec colère et fixa la poitrine de Sandy qui n’était cachée que par quelques bandages.
Irina l’observa en penchant la tête de côté, elle paraissait ne pas avoir tout compris, mais…
— J’ai accepté la quête, c’est vrai… En tant qu’héroïne, faut que j’tienne parole. Puis, j’aurais pas de reconnaissance si j’bats pas la maou. T’as raison, Shizuka.
— Euh… oui, c’était exactement ce que je voulais dire…
Ce n’était pas le cas, mais cela aurait été assurément de meilleurs arguments.
— Désolée, Sandy. Faut qu’on se batte. Mais si tu survis au combat et que j’arrive à battre Jessica, on pourrait se revoir par la suite.
— Ah, je vois… Dommage, mais mon invitation tient toujours.
— Héhé ! Je note !
Le combat eut lieu, Irina parvint à battre Sandy à qui elle laissa la vie.
Ce fut ensuite au tour de Jessica.
Après tout ces combats héroïques, Irina erra pendant quelques temps. Sa renommée n’était plus à faire, tous les royaumes ne parlaient que d’elle.
Néanmoins, il lui manquait quelque chose : l’excitation.
C’est en se souvenant de la proposition faite par Sandy quelques années plus tôt qu’elle décida de la retrouver afin de rejoindre son gang. Une nouvelle ère…
— Non mais la narration va arrêter de dire des choses pareilles ?!!! Irina est une héroïne ! Pourquoi deviendrait-elle un membre du gang de Sandy ?! Concentrez-vous plutôt sur son juste combat !!! cria Shizuka en observant le plafond de la salle.
Les deux autres filles fixèrent le même endroit sans rien y voir de particulier ; elles haussèrent les épaules en se disant que quelque chose ne tournait pas rond dans la tête de la princesse, puis elles se mirent en garde.
— Whaaaaaaaaaaaa !!!
— Oooooooooohhhh !!!
Elles chargèrent l’une sur l’autre, sans aucune subtilité ou stratagème. L’épée d’Irina vint s’enfoncer dans l’épaule de Sandy tandis que le poing de cette dernière percuta la joue d’Irina. Malgré la douleur, elles ne cessèrent d’afficher un large sourire.
— Ce combat risque d’être intéressant.
— Ouais !
La blessure de Sandy commença à se refermer sous l’effet d’une régénération diabolique extraordinaire, tandis qu’Irina parut à peine affectée par le coup.
Finalement, elles entrèrent dans un échange de coups à une vitesse effroyable. Shizuka qui les observait écarquilla les yeux :
— Je… je n’arrive pas à suivre leurs mouvements.
Des bourrasques de vent soufflaient en réponse à chacun de leurs coups. Les tentures s’agitèrent sous l’effet des ondes de choc. Et le sol trembla.
Les coups pleuvaient, les deux belligérantes paraissaient de puissance équivalente, il serait difficile de les départager.
Aussi, l’échange se poursuivit un moment.
Cinq minutes plus tard, Shizuka s’était assise sur une pile de pièces d’or et observait distraitement.
Quinze minutes plus tard, elle se mit à lire un livre qui se trouvait dans le butin, elle entendait les bruits provoquées par les ondes de chocs, mais ses yeux ne se tournaient plus vers le combat.
Trente minutes après le début de l’affrontement titanesque qui n’avait pas connu de pause.
— J’EN AI MARRE !!! FAITES MOINS DE BRUIT !! J’ARRIVE PAS À ME CONCENTRER !!!
Dans un élan de colère, elle tira sur la manivelle qui se trouvait non loin d’elle et…
— Qu’est-ce que… ? Je… je tombe !!!
Une trappe s’ouvrit sous les pieds de Sandy qui commença à chuter.
— Sandyyyyyyyyyyyyy !!!
La scène s’écoula au ralenti sous les yeux Irina qui tendit la main mais manqua de la rattraper : la silhouette de son ennemi quitta son champ de vision alors qu’elle pénétra dans les ténèbres de ce conduit d’évacuation qui était, en quelque sorte, la poubelle de l’étage.
— Sandyyyyy !! On remettra çaaaa !! Je sais pas pourquoi j’ai pas réussi à t’attraper alors que tout était lent sauf moi !
La trappe se referma sur la victoire (par élimination) de son ennemie.
Des applaudissements se firent entendre, Shizuka s’approcha d’Irina :
— Bravo ! Quelle victoire ! Je n’avais jamais rien vu de tel ! C’était vraiment digne d’une héroïne !
Mais Irina plissait les yeux et la fixa, mécontente.
— Bon, puisque Sandy n’est plus là et que les filles sont en retard… pourquoi n’ont-elles pas fini leur combat, d’ailleurs ? Nous pourrions monter !
— Sandy avait la clef sur elle, non ? On ouvre comment ?
— Oups ! Et bien…
Shizuka s’approcha de la lourde porte en bois et l’examina en détail.
— Elle a l’air solide…
— Bah oui, c’est une porte de donjon. En plus, doit y avoir un piège ou autre…
— Sûrement… Oh ? C’est quoi là-bas ?
Irina tourna sa tête dans la direction indiquée par Shizuka et chercha ce qu’elle avait pu voir d’étrange.
— Le calendrier avec les meufs à poil ?
— Non, non, à côté…
— Mmm… La tapisserie de dragon ?
— Oui, juste en-dessous.
Irina s’approcha en manifestant une certaine impatience : pourquoi Shizuka ne parlait-elle pas clairement ?
Il y avait un coffre sous la tapisserie en question, elle l’ouvrit sans tarder.
— Des pièces d’or… des sous-vêtements… Oh ! Une épée ! Comment t’as fait pour savoir qu’il y avait une épée dans le coffre ?
— Hein ? Non, je ne parlais pas de l’épée ! Regarde mieux…
Shizuka s’approcha du coffre et trouva une clef.
— Et si on essayait pour voir si c’est la bonne ?
— Pourquoi y aurait une autre clef ici ?
— On fait souvent des doubles pour les offrir à ses amies, non ?
— Ouais, mais pourquoi elle la gardait ici au lieu de la donner à ses amies ?
Shizuka fit la moue tandis que des gouttes de sueur apparurent sur son visage ; elle leva le regard et finit par dire :
— Je sais ! Elle voulait te l’offrir à toi quand tu l’aurais battue. Vous êtes devenues copines, non ?
— Ouais, c’est vrai.
— Bah voilà !
— Ah ouais… J’pensais qu’elle me filerait celle entre ses nichons… J’aurais préféré, c’est plus amical.
— En quoi c’est plus amical ? Tu serais pas une perverse ?!
Irina afficha un large sourire jusqu’aux oreilles :
— Héhé ! Peut-êt’ bien un peu…
Sur le visage de Shizuka apparut une expression de dégoût, tandis qu’elle recula.
— Quoi… quoi qu’il en soit ! Essayons la clef !
— Ouais, faisons ça. J’suis contente que tu sois venue, j’aurais jamais pensé à chercher dans le coffre.
— Heureusement que je suis là. Haha !
Le rire de Shizuka était nerveux, mais Irina n’y prêta pas la moindre attention. Elle ouvrit la porte à l’aide de la clef, qui était apparemment la bonne, puis elle la rangea dans l’espace (dimensionnel) entre ses seins, sous le regard accusateur de Shizuka, qui s’abstint de faire une remarque.
La maou n’était plus très loin.
Comme l’avait dit Elin en arrivant, l’étage de la lieutenante du nord était vide, et pour cause, c’était l’ancien poste de cette dernière et elle n’avait pas encore été remplacée.
Elles traversèrent la chambre la plus sobre de toutes, celle qui avait le plus l’air d’appartenir à un lieutenant, puis franchirent la porte vers le dernier étage appartenant à la leader incontestée de la tour.
— Nous y sommes presque, dit la princesse.
— Ouais, j’vais devenir une vraie héroïne ! Et je vais venger toutes celles qui sont mortes pour nous ! Comme Elieli et Hakoto !
— Je suis là, tu sais ? dit la voix d’Elin derrière elles.
— Moi aussi… Princesse, vous êtes toujours en beauté.
Toutes les deux venaient de se joindre à leur montée qui semblait aussi longue qu’interminable.
— Vous êtes arrivées quand ? J’vous ai pas entendues ?
— En fait, il y a des passages secrets destinées aux compagnons du héros. Je ne pouvais pas t’en parler, dit Elin.
— La sortie est juste là derrière, dans l’escalier…
Le groupe, venant d’interrompre sa progression, Hakoto montra un mur coulissant qui menait dans l’escalier.
— C’est complètement con. En fait, on aurait pu s’occuper de Gloria et ensuite toutes passer par là, fit remarquer Irina.
Mais…
— Irina, il y a des règles à respecter ! la gourmanda Shizuka en agitant son index. Depuis tout à l’heure tu sembles croire que c’est un jeu, mais nous parlons de choses sérieuses !
— Le but c’est pas de sauver les populations du contrôle de Jessica ?
— Non, non, non… Enfin, si, mais c’est pas aussi facile, tu vois ?
Shizuka se mit à lui expliquer les implications économiques et politiques que leurs actions allaient avoir. Elin et Irina finirent rapidement par s’asseoir dans l’escalier, fatiguées de l’écouter ; après peu, elles se couchèrent chacune sur une marche et elles se mirent à manger des « pommes de terres frites qui font crack », autrement nommées des crackteurs, qu’Irina avait sorti de son décolleté magique.
— Même si c’est de la nourriture grasse, ça n’a pas pris le goût de tes nichons, fit remarquer Elin en ignorant la princesse.
— Eh oh ! Tout ce que j’cache à cet endroit est parfaitement conservé ! Puis, c’est pas du gras !
— Mmmmm… permets-moi d’en douter. En tout cas, bien joué d’avoir amener des crackteurs, c’est la meilleure des nourritures.
— Héhé ! C’est pour ça que tu es ma meilleure pote au monde, Elieli !
Hakoto, pour sa part, observait Shizuka avec des yeux pétillants :
— Tu es si belle, princesse ! J’ai bien fait de risquer ma vie pour toi ! Kyaaaaa !!! Mes pensées vont me perdre !!
Elle s’agitait sur place en proie à des pensées indécentes.
Quelques temps plus tard, elles arrivèrent à l’étage de la maou, mais elle était absente.
— Hein ? Y a personne ?
C’était luxueux. La chambre était gigantesque avec une piscine dans un coin. La baie vitrée faisait le tour de la circonférence de la tour et, comme l’avait expliqué Elin, elle permettait de voir le soleil briller au-dessus d’un vaste tapis de nuage s’étendant jusqu’aux pics montagneux.
C’était le seul lieu dans ce royaume qui était éclairé par le soleil, elle n’avait pas menti.
On pouvait voir à cet étage également un immense canapé avec des coussins moelleux, des statues des maou, des tableaux, un lit maxi size en forme de cœur, un immense chandelier et des tapis hors de prix un peu partout.
— Comme dans mes souvenirs…, dit Elin. Au fait, si vous vous couchez sur le lit vous…
Hakoto s’était déjà assise dessus pour en tester le moelleux. Ses yeux se mirent immédiatement à pétiller et ses joues devinrent rouges.
— …il y a un enchantement aphrodisiaque dessus. Je te conseille d’aller aux toilettes avant de nous sauter dessus.
— Quoi ? Je… je n’oserais jamais… Mais… quelle est cette sensation ?
Hakoto toucha son ventre avant de se mettre à trembler, elle courut aux toilettes sans demander plus d’explications. Elin soupira.
— Eh ! Elieli ! Regarde, elle a un machin super louche ! C’est quoi ça ?
— C’est un golem de cuisine. Évite de le casser, ça vaut super cher.
— Et ça ?
— C’est une pierre d’acquisition. Jessica enregistre dedans tout ce qu’elle fait de pervers. Avec un mot de commande, on peut le diffuser sur le mur là.
— Tu connais vraiment tout ici, fit remarquer Shizuka. Tu étais si proche de Jessica ?
Elin tourna la tête de côté et grimaça sans répondre immédiatement.
— Les promotions se font toujours sur le canapé chez les démons.
Shizuka déglutit et s’éloigna du canapé où elle allait s’asseoir.
Irina finit par demander :
— Mais du coup, elle est où ?
— Peut-être au-dessus en train de faire du golf ? Allons voir.
— Et Hakoto ?
Elin observa du côté des toilettes et leva les épaules :
— Je suppose qu’elle va en avoir pour un petit moment…
Les trois filles montèrent l’escalier menant au toit de la tour qui était un centre sportif tout équipé. Outre le terrain de golf, il y avait d’autres activités comme une salle de danse, de baseball et autres.
— Pouahhh !! C’est énorme ici !!
La vue était imprenable en plus. Tout le pourtour était cerné par des grilles qui ne bloquaient pas la vue.
Mais elles ne s’attardèrent pas et se mirent à chercher Jessica qui demeura introuvable.
— Sandy a dit qu’elles savaient que nous venions. C’est malpoli de ne pas se présenter à nous !
— Ouais, c’est étonnant de sa part. J’ai ma petite idée de là où elle pourrait être en fait : à la source d’eau magique. Elle va sûrement chercher à la défendre.
— On va là-bas ?
— Ça vaut le coup d’essayer. Je connais le chemin, c’est pas trop loin.
Les filles redescendirent la tour et furent rejointes par Hakoto qui faisait mine de rien, mais qui jetait malgré tout des coups d’œil furtifs en direction de la princesse.
Mais, arrivant à l’étage désert qu’avait jadis occupé la lieutenant nord…
Une cage électrique s’activa autour d’Elin, Irina et Hakoto. Un piège !
Mais pourquoi ne s’était-il pas activé lors du premier passage ?
— Qu’est-ce qui se passe ?
— Shizuka ! Vous allez bien ?
— Elle va bien, répondit à sa place Elin. C’est elle qui a activé le piège, elle va forcément bien.
— HEIN ?!
— C’est une cage électrique d’annulation magique. C’est un mécanisme de défense que j’avais mis en place à l’époque. Les prisonniers du piège sont privés de leurs pouvoirs magiques. Les barreaux électriques équivalent à l’intensité de plusieurs foudres et toutes les trois minutes, un éclair tombe du plafond pour tuer les occupants. Même moi qui l’ait conçu je suis incapable de le défaire.
Elin s’assit en tailleur, puis bâilla, comme résignée à mourir.
— Mais… C’est horrible ! Heureusement que la princesse Shizuka a réussi à se mettre à l’abri.
— Plus important ! Elieli ! Pourquoi trois minutes ?
— Pourquoi pas ? C’est la durée pour créer le monde, non ? Même les ramen cuisent en trois minutes.
— Tu es redoutable, mon amie !
Irina fut totalement convaincue par cette explication pourtant des plus absconses.
Hakoto paraissait à mille lieues de comprendre ce qu’Elin avait dit, elle penchait la tête de côté avec le manque de compréhension d’un chiot.
— Et la princesse… ?
— J’avais des doutes sur toi, Shizuka, mais donc tu étais donc bien une traîtresse, dit Elin en ignorant Hakoto. Pourquoi fais-tu cela ?
Shizuka observa le groupe de l’autre côté de la cage, elle affichait à présent un sourire maléfique.
— Hohoho ! J’ai eu peur de toi à un moment donné, tu posais trop de questions, mais finalement tu t’es laissée avoir. Hohoho !
Elin ne répondit pas, elle fixa simplement la traîtresse.
— Dites-moi que ce n’est pas vrai ! Je… je…
— Ma pauvre Hakoto, que peux-tu comprendre des obligations d’une princesse ? Tout d’abord, parlons économie, une princesse se doit de…
— Si tu n’abrèges pas, nous serons toutes mortes avant la fin de ton discours, l’interrompit Elin.
Irina acquiesça frénétiquement.
— Et j’m’en fiche de l’économie et tout ça ! C’est les gens qui sont importants !
— Pffff ! Des paroles dignes d’une héroïne écervelée qui manque du sens des réalités. Tout passe par l’économie et la politique… et les seins. La prochaine ère sera dominée par les poitrines. Depuis que Jessica a découvert cette source thermale, le destin de ce monde est scellé. Un immense pouvoir de cette sorte… si seulement le royaume de Floralys avait pu le trouver avant elle !
Shizuka serra son poing avec vigueur en se tournant vers un interlocuteur invisible. Elle avait l’air plus que jamais d’une conspiratrice, d’autant plus que son visage était illuminé par les arcs électriques proches, accentuant les zones d’ombres.
— Ouais, mais les tiens ils sont riquiqui.
— Hein ? Non, ce n’est… Justement ! C’est pour cette raison que je me devais de m’associer à Jessica ! Floralys n’a que des bras du fleuve, si Jessica refuse que nous profitions des bienfaits de la source mammaire, dans un futur nous serons le seul pays de plates ! Discriminées à l’échelle politique, refusées sur le plan commercial, le pays tombera dans la misère, la déchéance et la corruption ! En tant que princesse, c’est à moi qu’il incombe de le sauver !! Je dois être le phare de mon peuple ! J’aurais les plus gros seins du royaume et tous me suivront !
— Mais tu seras à la solde de Jessica.
— Qu’importe ! Je l’aurais aidée à se débarrasser de l’héroïne ! Les autres royaumes, non ! Puis, elle a déjà fait de moi sa lieutenant du nord, mon royaume aura nécessairement plus de privilèges que tous les autres. Hahahaha !
— Comme si j’allais laisser faire quelqu’un d’aussi lâche que toi !
À cet instant, une voix qui n’était pas celle d’une des prisonnières s’éleva. Lorsque Shizuka se tourna vers elle, elle vit Sandy se tenir devant elle, les bras croisés. Elle était sale, puait et des ordures se trouvaient encore dans ses cheveux.
— Hein ? Tu…
— Je déteste les traîtresses ! En plus, je m’en fous que les raptors fassent la taille de poulet et aient des plumes, MES raptors sont pas comme ça !!! Ils sont cool et grands !! Puis… Puis tu m’as jetée dans le vide-ordure, espèce de salope !!
Sans lui laisser le temps de s’expliquer, Sandy porta un coup de pied à Shizuka et la poussa sur la barrière électrique.
— Aaaaaaaaaaaaahhhhhhh !!
La princesse carbonisée s’effondra rapidement au sol.
— Tu as fait fondre… le peu de seins que j’avais…, furent ses derniers mots.
— Princesseeeeee !! hurla Hakoto.
Mais les deux autres prisonnières l’ignorèrent, la situation devenait dramatique.
— Mon instinct de bouffeuse de ramen me fait dire que c’est bientôt l’heure. Sandy, tu peux nous sortir de là, ma pote ?
— Yeah ! Plutôt deux fois qu’une. Hahahaha !
— Je ne vois pas comment tu comptes t’y prendre. Une fois le piège activé…
Mais Elin n’eut pas le temps de finir sa phrase. Sandy frappa le sol de toutes ses forces et le fit trembler avec violence.
— Ça ne suffit pas ! Allez ! Une nouvelle fois !!
— J’vais t’aider, ma pote !
— Whooooooooooooooooooo !!
Irina l’imita et frappa le sol simultanément, de toutes ses forces. Il trembla, se craquela et finalement s’effondra.
— J’avais pas pensé à cette possibilité…, dit Elin en chutant à l’étage inférieur.
Elles se rattrapèrent toutes les trois sur les parterres de fleurs de Vivienne, qui K.O., nue, traînait un peu plus loin. Personne ne voulut réellement savoir ce que Hakoto lui avait fait subir…
— Irina !
— Sandy !
Cette dernière avait sauté pour les rejoindre, elle ouvrit ses bras. Irina vint se coller à elle et toutes les deux se donnèrent des tapes amicales.
Elin soupira et se gratta la tête.
— Je ne comptais pas sur un tel dénouement, mais bon…
— Princesseeeee… Ouinnnn !!
— Sandy, tu viens avec nous, ma pote ?
— Ouais, carrément ! J’en ai marre des ordres de Jessica de toute façon. La vraie âme d’une raptorienne c’est la liberté ! Fuck les règles ! Rock in the hell !! Yeahhhh !
— Yeaaaahhh !!
Le marché fut scellé par un tope cinq entre les deux filles. Le groupe, en traînant une Hakoto en larmes, se rendit immédiatement à la source thermale responsable de la situation de crise actuelle.
Elle se trouvait à une demi-heure à peine en passant par la forêt.
C’était un véritable onsen qui avait été installé là, avec une auberge traditionnelle pour en faire payer l’entrée. Un peu plus loin, des travaux d’excavation avaient commencé : comme l’avait dit Shizuka, le projet était de relier la source au fleuve Dragon pour toucher toutes les femmes du monde.
Ni une ni deux, le groupe d’aventurières entra dans l’établissement. Les démons à l’entrée ne cherchèrent même pas à les arrêter : ils étaient vieux et myopes.
Lorsqu’elles arrivèrent dans la partie où se trouvaient les bassins, elles trouvèrent Jessica au milieu d’une vingtaine de filles, des soldates et des citoyennes.
— Planche à pain ? Qu’est-ce que tu fiches ici ?
Jessica était une démone à la peau blanche avec des tatouages naturels sur le corps. Outre sa superbe chevelure rose et ses yeux bleus, ce qui attirait l’attention —d’autant plus nue qu’elle était— était sa poitrine abondante. La qualifier simplement d’imposante ou de grosse aurait été impropre, le terme qui la désignait le plus correctement était : massive. C’était une poitrine XXL !
Sans aucune pudeur, Jessica se leva et dévoila toute sa nudité. Le reste de ses courbes n’étaient pas en reste, ses hanches étaient larges et féminines, ses cuisses fermes. Contrairement aux autres démons, elle avait deux paires d’ailes membraneuses et près de six queues diaboliques.
— Toujours aussi vulgaire, Jessica.
— C’est toi qui est vulgaire et une offense à la condition féminine, planche à pain !
— Une femme ne se résume pas à une paire de seins, tu sais ?
— En ça, comme dans le reste, tu es une ligne droite. Tu ne tiens pas la comparaison. Kukuku !
En s’esclaffant, la poitrine de Jessica ne cessait de remuer. Les yeux des intruses étaient rivés dessus, comme si elles étaient hypnotisées.
À l’opposé, ses concubines —puisqu’il s’agissait là du harem de la maou— étaient timides et sortirent du bassin en se couvrant et en se dirigeant vers les vestiaires.
Elin soupira et retira ses vêtements. Sans se laisser intimider le moins du monde, elle fit face à Jessica jusqu’à se coller à elle.
— Tu crois m’intimider, vache démone ?
— Dégage de là, planche à pain.
Mais lorsque Jessica chercha à la repousser, Elin ne bougea pas. Au contraire, c’est Jessica, sous l’effet de la force de retour de sa poitrine qu’elle avait utilisé pour la pousser, qui tomba en arrière, éclaboussant celle qui se tenait devant elle.
Aucune réaction différente d’une eau normale sur le corps de la demi-démone, sa poitrine demeurait inchangée.
— C’est la fameuse source ? demanda Irina un peu perplexe. On dirait qu’elle est normale…
— C’est bien elle. Si tu veux pas étouffer sous le gras, tu ferais mieux de pas t’approcher, dit Elin.
Sandy acquiesça à de multiples reprises, elle était forcément au courant puisqu’elle avait servi la maou.
D’ailleurs…
— Pouah ! J’ai bu la tasse à cause de toi !
— Apparemment, tes morceaux de saindoux ne peuvent pas devenir plus gros.
— Il y a une limite pour chaque femme, expliqua Sandy. À la base, les miens étaient plus petits que ceux d’Irina et je me suis baignée des tas de fois là-dedans.
— Ah bon ?
— Sandy… Que fais-tu avec la planche à pain ? demanda Jessica avec colère.
— Jessica. Écoute, j’ai décidé qu’il était temps pour moi de repartir à l’aventure. J’ai rien contre toi et j’espère que tes plans marcheront, mais les règles et tout ça… En fait, je m’en cogne le steak, t’sais ? Et j’ai trouvé une bonne pote et ma future recrue !
Elle passa son bras autour d’Irina et posa sa tête sur son épaule en affichant un large sourire. Irina fit de même.
— Ainsi donc tu me trahis ?
— Fallait bien t’y attendre avec ton plan pourri. Je t’avais établi un plan quinquennal qui aurait été discret et efficace, mais toi tu t’es mise à boobifier toutes les pouffes qui passaient.
Elin soupira longuement.
— Toi !!! Je… Si seulement ça marchait sur toi !!
Agitant ses ailes, Jessica projeta de l’eau sur Elin. Bien sûr, elle n’eut aucun effet, mais elle manqua d’éclabousser également les filles derrière elle. SSandy et Irina eurent le réflexe de bondir en arrière pour l’éviter, mais Hakoto fut trempée.
Bientôt sa tenue noire de ninja (de Floralys) commença à être serrée au niveau du torse…
— Aaahhhh ! Je sens une sensation chaude en moi… je… Aaaaaaaahhhh !
* Crac *
Ses vêtements se déchirèrent alors qu’un imposant bonnet E s’y logea.
— Ça marche vraiment !
— Ouais… sauf sur Elin, dit Sandy.
— Hahahaha ! À présent, passe sous mon contrôle et tue la traîtresse !
Comme l’avait expliqué Elin, par le biais des seins, Jessica se mit à influencer les pensées d’Hakoto qui se tint la tête en hurlant. Puis… une aura noire se mit à exhaler d’elle, une aura malveillante.
— Vous… vous… vous… allez payer… pour Shizuka…
Hakoto tira de ses manches des kunai et des shuriken, elle était prête à se battre aux ordres de Jessica. Les soldates parties s’habiller revinrent également, toutes en armes.
Irina dégaina la sienne et Sandy se mit en position aussi.
Le combat s’annonçait périlleux, voir impossible. Le vrai problème qu’envisageait Elin était surtout l’eau de la source. Si elle atteignait Irina, il était possible que Jessica la contrôlât par sa magie.
D’ailleurs, d’un seul coup, le regard de Sandy se vida et elle se tourna vers Irina prête à l’affronter. Elle avait également bénéficié des effets de la source, il fallait s’y attendre.
— Irina, jette Sandy dans le bassin et évite de te faire toucher par l’eau, ordonna Elin en enfilant juste sa cape qui lui donnait résolument l’air d’une perverse exhibitionniste.
— Hein ? Pourquoi j’ferais ça !
— Fais ce que je te dis, nous allons reprendre le contrôle de toutes ces filles.
— Je ne vous laisserais pas faire !
Sandy sauta sur Irina, qui entra tant bien que mal en lutte. Jessica fit apparaître magiquement des vêtements, si tant est qu’on pût appeler cela des vêtements : presque rien n’était couvert. Un bâton magique apparut dans sa main et elle le pointa en l’air.
Probablement avait-elle compris le plan d’Elin, puisqu’un dôme magique apparut pour protéger la source thermale.
Elin fit claquer sa langue, puis incanta à son tour : une colonne de flammes tomba sur le dôme, elle était surpuissante, mais son adversaire n’était autre que la maou, Elin seule n’était pas de taille.
Néanmoins, la principale force de la lieutenant du nord était non seulement sa pyromancie, mais également son intelligence. Elle connaissait très bien Jessica et c’est pourquoi, elle avait tout prévu à l’avance.
Lorsque le pilier de feu se dissipa, Elin afficha un large sourire moqueur, cette fois elle ne s’en cacha pas. Elle fit claquer ses doigts et activa un sort préparé à l’avance.
Irina, qui était aux prises avec Sandy, vit son plastron se détacher et tomber d’un seul coup alors que ses vêtements se déchirèrent et exposèrent sa poitrine.
— Kyaaa ! Y se passe quoi ?!
— Maintenant, Irina !
Comme l’avait pensé Elin, Jessica resta bouche bée en voyant apparaître sous son regard cette belle poitrine parfaitement sculptée. Elle qui ne pensait et ne vivait que pour les seins, elle ne pouvait rester indifférente.
Cet instant de négligence était tout ce qu’Elin espérait. Une nouvelle colonne de feu tomba sur le dôme qui se fractura en mille morceaux. En même temps, Irina projeta Sandy dans le bassin.
À ce moment-là, l’eau se colora d’une tâche brune écœurante.
— Cette source est très sensible aux impuretés. Jessica oblige tout le monde à se laver avant d’y entrer. Sandy est tombée tout à l’heure dans le vide-ordure de l’Ultime Donjon.
Son sourire diabolique arrivait jusqu’aux oreilles. Personne n’avait osé le dire à Sandy, mais elle puait terriblement.
— NOOOOOOOOOOOONNNN !!!*
L’effet fut immédiat, les soldates sous son contrôle recouvrèrent leurs esprits et leurs poitrines réduisirent de volume. Celle qui lui étaient loyales avant leur immersion, le demeurèrent certes, mais elles étaient trop confuses pour agir de suite.
— Irina, c’est le moment ! C’est toi l’héroïne, affronte Jessica !
— Ouais !!!!
Sur ces mots, l’épée d’Irina se mit à briller et elle chargea la maou.
— Je ne compte pas me laisser faire ! Même si… Kyaaaa !!! Couvre donc cette poitrine !!
Irina n’avait pas remis son plastron, ce qui déconcertait Jessica. Elle para néanmoins l’attaque après avoir fait apparaître une épée de ténèbres.
— Je n’en ai pas fini, maou ! Aaaaaahhhh !! Vertical Slash… je-sais-plus-quoi !!
Irina porta deux coups si rapides qu’ils formèrent une croix. Mais Jessica n’était pas si faible, malgré sa déconcentration, elle bloqua l’attaque spéciale et concentra dans une main une sphère de ténèbres. Elle s’apprêta à décharger l’attaque en touchant directement le torse d’Irina, en train de tomber, lorsqu’une voix lui susurra :
— Abîmer de si beau seins ? Quel crime…
Jessica hésita et grimaça, mais sa main se tendit devant elle. Elle mit fin à son sortilège mortel, instinctivement ses doigts s’enfoncèrent dans cette douce chaire.
— Kyaaaaaaa !!! Elle est divine ! Et ils sont naturels en plus !!
— Oh là ! Maou perverse ! Je vais pas me laisser faire !
Irina concentra sa magie dans sa jambe et lui porta un coup de pied.
— Boobs Shield !
Jessica recula d’un pas et bloqua le coup de pied à l’aide de sa poitrine renforcée par magie. Grâce à ses ailes, elle flottait à quelques centimètres au-dessus de la surface du bassin.
— Abyssal Vortex !
Une nouvelle fois, Jessica rassembla sa magie de ténèbres : un vortex qui mettait en pièces tout ce qui entrait en contact avec lui, mais…
— Elle était si douce… et les tétons étaient si roses…
Une nouvelle fois, elle interrompit son attaque avant d’atteindre Irina. Cette dernière posa enfin le pied au sol, elle prit appui et décida de porter son attaque ultime.
— Heroic Overact… euh… Spirit… Soul… Bon sang ! Elieli, c’est quoi le nom au juste ?
Elle tourna sa tête en direction de la demi-démone, mais ne la trouva pas à sa précédente position. Finalement, impatiente, elle concentra toutes ses forces dans son arme qui se mit à luire de plus belle.
— Rien à faire du nom de l’attaque : Irina Slash !!!
Elle pointa son arme vers Jessica alors qu’une foudre tomba dessus. Hakoto qui avait bien appris de la dernière fois, elle mit ses lunettes de soleil.
Un rayon aveuglant quitta la lame d’Irina.
— Deicide Canon !
Jessica tendit ses mains devant elle et fit apparaître autour d’elle six cercles magiques. Chacun projeta un rayon qui vint fusionner avec les autres à quelques pas devant Jessica, formant une puissante vague d’énergie ténébreuse qui s’entrechoqua avec celle d’Irina.
— Tu ne me vaincras jamais ! Si c’est tout ce que tu sais faire, héroïne !
Mais, c’était sans compter sur les plans sournois de l’alliée d’Irina.
Tandis que les deux se faisaient face et qu’Irina perdait du terrain face à la puissance impressionnante de la maou, la petite silhouette d’Elin apparut derrière son alliée ; son sourire était fourbe, mais encore une fois seule Jessica pouvait le voir, Irina lui faisait dos et Hakoto ne voyait plus rien avec ses lunettes particulièrement épaisses.
— Ce serait dommage de ne pouvoir plus jamais la tripoter, pas vrai, Jessica ? Regarde comme ils sont fermes et tendres à la fois. Kukuku !
Sur ces mots, elle commença à tripoter Irina avec ses petites mains.
— Tu… tu fous quoi, Elieli ?
— Reste concentrée, c’est ton devoir de héros. Bientôt tout le monde t’applaudira et on érigera une statue de toi dans la capitale.
— Vraiment ? Whooooo !!
Il n’en fallut pas plus pour que l’esprit fort simple d’Irina resta concentré et alimenta sa magie. Elle ignora totalement les sensations provoquées par les mains d’Elin.
Mais ce n’était pas la même chose en face. Le visage de Jessica était en sueur. Ses yeux étaient rivés sur la poitrine avec laquelle jouait Elin : elle voulait faire la même chose ! Elle voulait la toucher à nouveau ! La mémoire de ce contact lui restait dans les mains : elle avait eu l’impression de fusionner avec elle, elle avait été si moelleuse et accueillante !
Pour donner un coup de grâce à la concentration de la maou Jessica, une des plus puissante que le royaume démoniaque ait jamais connu, Elin approcha son visage de la poitrine d’Irina et tira lentement la langue. Ses yeux continuaient d’observer Jessica tandis que sa langue s’agitait et s’approchait lentement… très lentement… de l’objet de son désir.
— Tu… TU N’AS PAS LE DROIT DE FAIRE ÇA !!! Tu es dans le groupe de l’héroïne !!! cria Jessica qui perdait de plus en plus de terrain.
— Mais je suis une démone… Ils ont l’air appétissant, pas vrai ? Kukuku !
Au moment où Elin les toucha avec ses lèvres, elle scella la défaite de Jessica. Son mental ne pouvait plus le supporter, elle hurla et fut traversée par le rayon d’Irina qui dessina dans le ciel obscur du monde démoniaque une ligne lumineuse.
Lorsque le calme revint, on découvrit une Jessica fumante, blessée, mais encore parfaitement en vie.
— Toi !! Je vais te trucider espèce de suceuse de seins planche à pain !!
Mais Elin n’avait pas encore dit son dernier mot. À ce moment-là…
— Cadeau !
— Aaaaaahhhh !
Elle lança Hakoto sur Jessica à l’aide de sa magie. La pauvre maou n’avait plus la force d’esquiver, elle fut percutée par le corps d’Hakoto et toutes les deux tombèrent dans le onsen souillé.
Mais, lorsque Jessica ressortit la tête de l’eau…
— Elin !! Tu es méchante ! Je… Ouinnnnnn !!!
C’était une version enfantine de Jessica. Sa fière poitrine n’était pas plus gonflée que celle d’Elin et sa taille était encore plus basse.
— C’est Jessica ? demanda Irina essoufflée, mais contente de sa victoire.
— Oui, c’est sa vraie forme. Elle utilise sa magie démente pour prendre une forme sexy, mais à cause de la souillure de l’eau, ses effets se sont inversés et elle a repris sa réelle apparence. Pendant quelques décennies, voire siècles, elle ne pourra plus faire de mal.
— Mais… j’ai donc combattu une gamine tout ce temps ? C’est bien héroïque tout ça ?
Tandis que Jessica continuait de pleurer, Sandy émergea du bassin : sa poitrine avait réduite de taille, mais elle était loin de s’en offusquer.
— C’est bien plus pratique pour une raptorienne comme moi ! Héhéhé !
— Ouinn !! Je veux revoir la princesse ! Et en plus j’ai perdu l’espoir d’avoir de gros seins !!
L’eau, même souillée, n’eut aucune influence sur la poitrine d’Hakoto.
Les projets de Jessica arrêtés, Elin reprit les rênes du monde démoniaque. Elle commença par faire verser des produits toxiques dans la source pour la sceller à jamais. Si officiellement, Jessica demeurait à la tête des démons, en réalité, c’était Elin qui commandait à présent.
Jessica commença par arrêter toutes les guerres avec le monde des humains et présenta ses excuses pour la gêne occasionnée. Elle ne se défendit pas d’aimer « les gros nichons », selon le communiqué officiel des média démoniaques, une chanson fut même écrite en l’hommage de ses excuses publiques. La population, tout démon qu’elle fût, ne put garder rancœur face à une si petite fille, Jessica fut pardonnée et on finit par rire de tout ce qui s’était passé.
On alla même jusqu’à créer la fête des Seins, le 8 août, et diverses expressions virent le jour sur ce thème.
Hakoto, de son côté, s’en alla rechercher le cadavre de sa princesse. Elle n’était pas morte, contrairement à ce qu’elle avait pensé. Mais sa poitrine était encore plus petite qu’auparavant. Hakoto n’apprit sa survie que par le biais d’un message accroché à une rose qui venait de Vivienne. Une fois de plus, elle avait séquestré la princesse agonisante.
La trahison de Shizuka ne fut pas rendue publique, mais en raison des disputes entre Hakoto et Vivienne, elle passa la majeure partie de son temps captive de ces dernières. Lorsque l’une parvenait à la récupérer, elle l’amenait dans un obscur donjon où elle la dorlotait.
Finalement, Shizuka y prit goût. Même si elle passait de mains en mains comme un objet, elles accomplissaient par amour ses moindres volontés. Elle décida de profiter de la situation en se montrant de plus en plus arbitraire. Au fil du temps, elle fut nommée la Princesse Captive par certains bardes, mais d’autres, plus au courant de la réalité, la surnommèrent la Princesse Capricieuse. Un groupe de bardes composé uniquement de femmes produisit un hit avec une chanson portant ce nom et inspirée du personnage de Shizuka.
Dans une des légendes qui courut dans les royaumes, il apparut qu’après des années à passer d’un donjon à un autre, la princesse demanda finalement à son père de faire passer une loi pour le mariage polygame homosexuel. Étant roi, il avait la possibilité de faire ce qu’il voulait et adorant au plus haut point sa fille bien-aimée, il accepta. Mais la vie de couple à trois ne cessa jamais d’être alimentée par des disputes et de la jalousie.
Gloria resta au service de Jessica, malgré son apparence enfantine. Bien qu’ayant combattu Elin, elle avait toujours eu une grande estime pour la lieutenant du nord. Elle protégea Jessica des décisions parfois vindicative de cette dernière et s’occupa d’elle comme s’il s’agissait de sa propre fille. Jessica répétait sans cesse qu’un jour elle aurait une poitrine aussi grosse que celle de « maman Gloria ».
Irina, comme elle l’avait annoncé, revint auprès de Sandy après quelques années. Elle profita de sa renommée héroïque dans les royaumes humains quelques temps, mais remarqua bien vite que ces derniers étaient prompts à oublier la reconnaissance.
Séparée d’Elin, elle finit de surcroît par s’ennuyer et se rappelant qu’on lui avait fait une proposition intéressante, elle partit dans le royaume démoniaques. Elle intégra le gang de Sandy et devint une véritable raptorienne, une des plus réputée de son temps. Elle entretint de bonnes relations avec Elin, bien que Jessica garda à jamais une certaine réticence à son égard.
Finalement, Irina réforma le gang de Sandy grâce à son influence. D’un petit groupe de raptoriennes chaotiques craintes par toutes et rejetées, elles devinrent les défenseuses du royaume. On les comparait souvent à des chevaliers errants au service des faibles.
Bien plus que dans les royaumes humains, c’est dans celui des démons qu’on vit poindre des statues célébrant la grandeur d’Irina. Au passage, au grand damne de Shizuka, le terme raptor fut adopté par tous pour décrire ces dinosaures que le gang chevauchait. Sandy alla même jusqu’à envoyer un dictionnaire réformé de langue commune à la princesse en guise de vengeance.
Tout est bien, qui finit bien.
FIN – La vraie cette fois
Merci d’avoir lu jusqu’au bout !
Doublement merci si en plus vous avez ri !