Magical Syrens – Chapitre 6

La mer au-dessus de la cité d’Ys étaient particulièrement agitée, le navire y jeta malgré tout l’encre pour se mettre en panne.

Incapables de descendre profondément, Iris et Fulvia devraient une fois de plus faire équipe pour le protéger.

Le temps n’était pas exécrable qu’à la surface. À peine plongées, les syrens se rendirent compte que le sable fin des fonds marins formait une sorte de tourbillon rendant la vue impossible à quelques mètres devant elles. Les courants marins étaient également très forts et capables d’emporter animaux et nageurs.

— Qu’est-ce qu’on fait, capitaine ? demanda Yuna.

— Continuons en nous tenant par la main, ordonna-t-elle. Il est trop tard pour rebrousser chemin.

La progression était lente et devait se faire à l’aveugle : il était difficile d’estimer la profondeur et la direction. Mais soudain elles ne sentirent plus ces griffures sur leur peau et l’eau ne les poussait plus.

Se hasardant à rouvrir leurs yeux, elles se rendirent compte que l’étrange phénomène avait cessé.

Plus précisément, elles étaient passées au travers.

Formant une sorte de dôme autour d’elle, un spectacle époustouflant s’offrit à leurs regards, en contrebas : une ville entière était engloutie.

— La cité d’Ys ! s’écria Maëwenn avec joie.

Malgré le temps passé sous l’eau, dans les fonds marins, les murs des bâtiments étaient parfaitement blancs. Une douce lumière filtrait comme par magie à travers la tempête de sable. C’était un phénomène incroyable, il n’y avait pas de soleil visible à la surface en raison de la couverture nuageuse, mais ici bas l’eau était azur comme en plein jour.

D’un bout à l’autre, la cité de forme ovale devait mesurer quelques dix kilomètres de diamètre. Elle était entourée d’un haut rempart de plus de quinze mètres qui en faisait le tour. Bien sûr, à présent engloutie ce rempart n’avait aucune utilité, il était facile de passer par-dessus en nageant.

La ville était en escalier, l’avait-elle été également autrefois également, avant d’être emporté au fond des océans ?

Les maisons simples étaient à toit plat, dans une architecture inattendue pour une ville bretonne antique, évoquant plus des constructions moyen-orientales. Les édifices étaient collées les uns aux autres, formant un bloc compact, en demi-cercle, autour du palais.

Ce dernier était tout bonnement colossal. Haut de plus d’une centaine de mètres, il occupait tout le sommet d’une colline et était perché à flanc de falaise. En effet, une fosse gigantesque descendait à perte de vue derrière lui, à la frontière de la cloche de sable.

Son architecture n’avait rien de connu.. du moins, pour les quatre filles. Le palais ne ressemblait à aucun château fort européen médiéval, pas plus qu’il ne ressemblait à une structure japonaise ancienne. Ses formes étaient droites, composées de nombreuses terrasses et décoré de multiples statues colossales. Il y avait peu d’arcs, mais énormément d’ouverture et de colonnes. Son style général évoquait l’architecture antique, un mélange d’architecture hellénistique, byzantine et babylonienne.

— Whooo ! C’est énorme !

— Une ville entière engloutie ! C’est… la première fois que je vois ça !

— Je le savais ! Je le savais !

Les réactions des filles étaient toutes différentes, seule Everly garda le silence mais resta bouche bée.

Ce qui était impressionnant et paranormal également était le fait de ne voir dans tout cet espace aucun corail, aucun poisson, aucun coquillage. Tout ce qui témoignait du passage du temps sur les épaves sous-marines était absent dans cette cité et donnait l’impression qu’elle était comme neuve.

Plus on la considérait, plus on pouvait se rendre véritablement compte que c’était comme si elle avait été entièrement déplacée de la surface pour être posée sous les flots. Rien ne laissait supposer qu’elle avait été construite à la base sous l’eau et les dimensions des maisons certifiaient qu’il s’agissait d’humains qui l’avaient habitée et non des Anciens.

— Allons voir ça de plus près…, ordonna Akemi une fois la stupeur passée.

Elles plongèrent en direction du palais. Elles se doutaient que c’était là qu’elles trouveraient les choses les plus intéressantes et le butin de valeur.

Mais, à peine nagèrent-elles au-dessus de la cité qu’elles virent des silhouettes sortir de certains édifices et se diriger vers elles à grande vitesse.

— Quelque chose arrive ! En garde !

Les filles se mirent immédiatement dos à dos pour se couvrir l’une l’autre.

Les créatures étaient au nombre de huit, elles ressemblaient à d’énorme hippocampes mutants. Leur longueur devait atteindre au moins dix mètres et elles étaient hautes comme deux humains, voire plus. Même si leur forme générale évoquait sans conteste cet animal, il s’agissait bien d’Anciens.

Leurs têtes se terminaient par un long museau en pointe. Elles avaient en plus de leurs quatre yeux—deux de chaque côté de la tête—, deux yeux pédonculaire qui sortaient du cou. Deux pattes antérieures se terminaient par des excroissances osseuses semblables à des lames de faucilles, en croissant de lune, particulièrement acérées.

Au centre de leurs ventres gonflés se trouvait une sorte de gueule fermée, tandis que dans leur dos, sortait d’une protubérance de chair et s’agitaient une dizaine de fins tentacules terminés chacun par une griffe impressionnante.

Enfin, leurs queues enroulée était couverte de piquants menaçants.

— Qu’est-ce que c’est que ces créatures ?! s’exclama Maëwenn.

— Aucune idée… Quelqu’un les connaît ?

Les réponses de Yuna et d’Everly furent négativement également.

Akemi grimaça et décida de la marche à suivre :

— Quoi qu’ils soient, puisqu’il est impossible de déterminer leur niveau de menace, restons sur nos gardes et combattons côte à côte. Gardons un œil l’une sur l’autre !

Akemi était confrontée à des ennemis totalement inédits. Elle se rendait compte une fois de plus à quel point elle était une piètre capitaine.

Kayomi connaissait sommairement la plupart des Anciens qu’elles avaient rencontrés et adaptait la stratégie des syrens en conséquence. Akemi ne pouvait qu’espérer gérer le problème par la force brute, elle ne pouvait rien proposer de plus.

Un premier ennemi projeta ses longs tentacules dans sa direction, ils formaient un faisceau difficile à esquiver tant il y en avait. Pendant que le premier ennemi attaquait, le second continuait de se rapprocher d’Akemi pour arriver au contact, il comptait sûrement l’attaquer à l’aide de ses bras-faucilles.

Akemi fit apparaître sa barrière réactive et arma son coup. Les tentacules n’étaient pas si rapides, elle espérait qu’ils fussent également peu puissants. Ils la heurtèrent sans parvenir à la détruire, c’était bon signe. Néanmoins, les attaques n’étaient pas faible au point de pouvoir encaisser plus de deux assauts du genre.

Le second ennemi arriva à portée, il se déplaçait plutôt vite. Il frappa Akemi avec de ses deux bras-faucilles, mais cette dernière l’esquiva sans grande difficulté. Passant à ses côtés, elle en profita pour porter un coup horizontal qui entailla le ventre sur sa largeur.

« Shinen Saidan — 深淵裁断 ! »

Elle utilisa une de ses techniques spéciales. Elle cherchait à lui sectionner les tentacules afin d’éviter d’être submergée d’attaques. Les multiples coups de katana effectués à une vitesse extrême, à peine visible même sous l’eau, lacérèrent la créature et tranchèrent un à un les tentacules.

— Le coup de grâce !

Mais elle n’eut pas le temps de le porter que le second monstre repassa à l’offensive, l’obligeant à esquiver. Un troisième monstre la prit également pour cible. Ce dernier lança des projectiles par son ventre, des sortes de sphères verdâtres qu’Akemi identifia comme du poison.

Elle ne pouvait pas s’arrêter un seul instant, elle était sous le feu ennemi. Malheureusement, elle venait elle-même de contrevenir à ses propres ordres en s’éloignant de ses alliées.

Pendant ce temps, un de ces monstres ouvrit le feu sur Maëwenn. Surprise, elle commença à esquiver en tentant de ne pas s’éloigner des autres syrens, lorsque les tentacules d’un second vinrent lui saisir les jambes.

— Aaaaaaaahhh ! cria-t-elle alors que deux griffes s’enfoncèrent dans ses cuisses.

Même si elle se considérait comme la plus faible du groupe, elle restait une syren. Serrant les dents, elle saisit deux des tentacules et libéra une violente décharge électrique qui commença à griller la créature, mais elle également. À la surface, ce pouvoir permettait de créer une épée de foudre, mais en raison des propriétés physiques de l’eau elle se manifestait différemment.

Après quelques secondes, elle parvint à se libérer de l’étreinte et aussitôt chercha à s’enfuir, mais elle fut touchée à l’épaule par un projectile. Un autre de ces monstres plus loin venait de lui cracher une sphère d’’acide. La brûlure était horrible et douloureuse, mais elle continua de se déplacer pour esquiver d’autres tirs.

Peut-être que dans d’autres circonstances, elle aurait mieux gérer le conflit. Peut-être qu’avec les ordres de l’ancienne capitaine elle se serait sentie moins stressée. Maëwenn perdit peu à peu son calme, elle bloqua trois projectiles à l’aide de sa barrière réactive avant de remarquer que le premier ennemi qu’elle avait électrocuté se régénérait et allait reprendre le combat.

— Si près du but… je… je ne peux pas mourir !

Elle tendit les mains alors que son regard fut pris de démence. Elle se voyait déjà morte au-dessus de la cité de ses rêves. Son but était là, à portée de main.

Elle devait comprendre !

Pourquoi Dahud l’avait appelée ? Pourquoi ?

Mourir était la dernière option envisageable !

Ciblant le monstre qui lui tirait dessus, elle employa son plus puissant pouvoir. L’eau s’agita sous l’effet de sa magie pour former une sorte de maelstrom. Ce phénomène n’avait rien de naturel, l’eau tournait en tout sens de manière chaotique, formant une barrière compacte de cinquante mètres. À l’intérieur, il y avait des courants électriques qui se formaient et des bulles d’air tranchantes se faisaient emporter par les courants aquatiques.

Le réel problème était l’effet d’aspiration de cette attaque. Certes, les deux monstres (dont un en pleine régénération) furent aspirés à l’intérieur de la sphère, mais c’était également le cas d’Everly. Elle luttait contre l’attraction qu’elle provoquait.

— Qu’est-ce que… j’ai fait ?

Le visage de Maëwenn exprimait son profond regret, elle était à deux doigts de se mettre à pleurer, lorsqu’elle se reprit. Elle fonça droit sur Everly et lui attrapa la main.

— Je… suis désolée !!

— Tu ne peux pas… l’arrêter ?

— Non… Mais je ne te laisserais pas y entrer. Je… vais t’aider…

En vérité, Maëwenn était affectée par sa propre attaque. À peine entra-t-elle dans la zone d’attraction qu’elle dût lutter pour lui résister. Elle n’était pas meilleure nageuse qu’Everly, mis à part ses bonnes intentions, elle n’avait rien pour réellement l’aider. Au contraire, c’était peut-être bien cette dernière qui l’empêchait de se faire aspirer.

Le maelstrom durerait quelques minutes, elle n’était pas pour rien l’attaque la plus puissante de Maëwenn. Elle ne pouvait l’utiliser qu’une seule fois par heure sans prendre de risque pour son corps. À ce rythme, elles ne tiendraient jamais toutes les deux, la situation était déjà critique lorsqu’un des monstres leur fonça dessus.

Les yeux des deux filles s’écarquillèrent, elles n’étaient pas en mesure d’efficacement s’en protéger. Néanmoins, instinctivement, Everly créa une demi-sphère d’eau autour d’elles pour les protéger.

Le monstre heurta la barrière, la détruisit sous la violence de l’impact, puis poursuivit sa trajectoire et percuta les deux filles, les projetant au loin.

Le côté positif était que sous la violence du choc, elles venaient de sortir de la zone d’attraction. Le mauvais côté était qu’elles étaient sonnées.

— Maëwenn, arrête de faire n’importe quoi ?! cria Akemi qui était en combat contre deux ennemis.

Elle était la véritable cause du projectile vivant inattendu. Lorsqu’elle avait pris compte de la situation de ses deux subalternes, elle avait pensé à cette solution pour les tirer de là. Elle avait jeté sur elles l’Ancien qu’elle avait précédemment démembré.

Le monstre blessé fut d’ailleurs emporté dans le maelstrom et subit le même sort que ses deux compagnons : lacéré et électrocuté à de multiples reprises.

Pendant ce temps, Yuna combattait deux ennemis.

L’un des monstres lui avait entaillé légèrement le bras, elle avait aussitôt lancé un sort créant des mâchoires de glaces et lui avait rendu la même en le privant des siens.

Elle profita de cet instant de répit pour s’éloigner, mais elle fut prise pour cible par le second monstre qui se mit à lui tirer dessus.

— Vous… êtes violents… contre une pauvre fille comme moi…

Comme à chaque combat, elle souffrait de ses propres pouvoirs. Elle se recroquevilla en faisant apparaître sa barrière magique, elle avait l’air terrifiée. Mais, sans tarder, huit serpents de glace s’extirpèrent de son dos et pointèrent leurs gueules vers les deux ennemis.

— Aaaaaaaaaaaahhhhh !!

Elle criait de douleur en se tenant le ventre et la poitrine ; les serpents tirèrent chacun des pics de glace noire qui ne tardèrent pas à creuser des trous dans le corps des Anciens. Yuna ne cessa pas pour autant, elle continua jusqu’à les transformer en passoires.

— Han… han… han…

À bout de souffle, elle aperçut au loin trois autres silhouettes monstrueuse sortir de l’intérieur de la cité.

— Il… y en a… d’autres… ?

Elle avait du mal à parler, sa voix ne parvenait pas jusqu’aux oreilles ses alliées. Elle décida donc de les intercepter et s’éloigna en désobéissant aux ordres.

Malgré sa vive douleur, elle fit apparaître dans ses mains deux sphères de glace noire qu’elle lança. Les monstres les esquivèrent, malgré leur vitesse.

Elle recommença, mais cette fois elle ne put contenir des petits gémissements de douleur. L’offensive échoua à nouveau.

— Je vois… vous êtes… rapides…

Inspirant profondément, elle ferma les yeux et rassembla sa magie. Le sort qu’elle comptait utiliser était dangereux pour elle, il exigeait d’elle une partie de son sang et, de fait, ne pouvait l’utiliser plus de deux fois par jour sans risquer l’anémie.

Elle rouvrit les yeux calmement. Ses ennemis avançaient en formation, non pas les uns à côtés des autres, mais en tournant les uns autour des autres. Ils étaient encore à deux cent mètres.

— Trop loin… Il faut attendre le bon moment, se dit-elle.

Soixante mètres. C’était la portée limite de son sortilège.

Elle tendit les mains qui suintaient du sang et relâcha sa magie : une petit sphère de glace noire. Elle avait l’air de rien, mais à peine arriva-t-elle à l’endroit désigné elle explosa et engloba les trois créatures. Cette fois, leur vitesse de les sauva pas, la zone d’explosion était trop vaste pour qu’ils puissent l’esquiver comme précédemment.

Leurs corps se retrouvèrent pris dans une couche de glace noire qui avait pour propriété particulière —puisqu’il s’agissait d’un mélange de glace et de ténèbres— de dévorer ses proies. Leur régénération ne ferait que retarder leur échéance, leur mort était inéluctable. Incapables de bouger, leurs corps se désagrégeraient jusqu’à disparaître.

L’expression de Yuna exprimait sa douleur et sa fatigue. Elle était pâle…

Akemi était encore aux prises avec deux de ces monstres. Elle avait rapidement déterminé qu’ils n’étaient pas aussi fort qu’elle l’avait pensé. Si elle devait leur attribuer un niveau de menace, elle leur donnerait un rang « Moyen », soit deux sur cinq. En combattre deux en même temps n’était pas insurmontable pour une syren aussi forte qu’Akemi.

Voyant leurs tentatives échouer, les monstres avaient un peu changé de stratégie d’attaque : ils misaient plus sur leurs attaques caudales qui devaient injecter quelques toxines. Face à un adversaire physiquement supérieur, c’était leur meilleure manière de faire pencher la balance de leur côté.

Néanmoins, Akemi ne comptait pas de laisser faire.

« Kaishin Seihenka – 海神聖変化 !! »

Puisque son ennemi avait eu l’impertinence de venir au corps-à-corps, elle en profita pour relâcher l’une de ses plus puissantes techniques. Lorsque l’emblème de chrysanthème à huit pétales se dessina, le corps de l’Ancien se sépara en plusieurs morceaux.

— Au suivant !

Le dernier monstre, à l’opposé, semblait d’un coup désireux de rester à distance. Mais ce n’était pas vraiment un problème pour Akemi. Après avoir esquiver quelques tirs, elle changea de position et tira à son tour une onde d’eau à distance :

« Horou Hounou – 波浪奉納 !!! »

L’attaque toucha l’énorme hippocampe en plein dans le ventre ; il s’arrêta d’agir.

Aussitôt, Akemi enchaîna avec une seconde technique.

« Kougou Shikku – 神々疾駆 !! »

Elle fonça sur lui à une vitesse incroyable, inattendue, et porta un unique coup de haut en bas. Le corps de la créature se sépara en deux, même sa régénération ne lui permettrait pas d’en guérir.

Akemi se mit à chercher d’autres ennemis, elle considéra le reste du champ de bataille et vit Everly en train d’achevert la dernière créature en lui plantant ses bras-vrilles dans le corps.

Elle souffla et s’approcha de Yuna qui semblait figée :

— Beau combat. Tu as assuré. Bravo !

— Merci… Akemi…

— Tu vas bien ?

— Oui… ça ira…

La capitaine ne semblait pas très convaincue, elle lui prêta son épaule pour lui éviter de devoir nager. Yuna l’accepta et elles rejoignirent les deux autres filles.

— Bien joué. Ton attaque était un peu trop risqué, cela dit, Maëwenn.

— Désolée… j’ai perdu mon sang-froid. Je…

Elle ne finit pas son explication et baissa la tête honteuse. Everly levas simplement le pouce.

— Pas de problème.

— Enfin, évite quand-même de le refaire à l’avenir, hein ? lui reprocha Akemi.

Maëwenn s’excusa à la kibanaise quelques fois avant qu’Akemi lui fit signe de la main d’arrêter. Cette dernière reprit la parole :

— Ne restons pas plantées là, il pourrait y en avoir d’autres. Allons plutôt au palais, je pense que c’est le lieu le plus intéressant.

— Mais… on ne visitera rien d’autre ?

— Tu as envie d’en affronter d’autres, Maëwenn ?

La jeune femme grimaça et secoua de la tête.

— C’est ce que je pensais. En plus, Yuna-chan est blessée. Nous pourrons toujours revenir plus tard, notre priorité est d’en apprendre davantage sur cet endroit et de trouver son trésor. Ce lieu mystérieux sent la magie à plein nez… Restons sur nos gardes ! Et dernière chose, prévenez si vous sentez qu’on descend trop bas. Je ne suis pas à l’intérieur de vos corps, je ne peux pas savoir si c’est trop profond ou non. Ne prenons pas de risques inutiles, nous ne sommes que quatre.

Les filles acquiescèrent et ensemble elles se dirigèrent vers le palais.

***

À l’intérieur, l’endroit était tout aussi mystérieux qu’à l’extérieur.

Les matériaux utilisés pour la construction du palais permettait à la lumière extérieure de se refléter à l’intérieur en donnant une teinte bleue caractéristique.

Au début, leur exploration se fit dans d’immenses salles ouvertes, mais parfois elles passaient par des couloirs courbes et obscurs. Outre les statues, il y avait des gravures à de nombreux endroits, mais, bien sûr, aucun mobilier.

Elles découvrirent néanmoins leurs premiers cadavres. Ils étaient totalement fossilisés par un phénomène qui leur parut peu naturel, mais aucune d’elle n’étant géologue ou archéologue elles ne pouvaient réellement le comprendre. Les os étaient devenus aussi durs que la pierre et les cadavres totalement rigides. Il était impossible de les tirer de leur position sans forcer et prendre le risque de les briser.

Elles ignoraient combien de temps elles avaient passé sous l’eau depuis leur descente, mais soudain cette question devient importante : Yuna s’accrocha à Akemi, lui attrapa la manche tout appuyant sur sa propre poitrine.

— Je… vais manquer d’air…

Une heure s’était passé depuis le début de leur exploration. Yuna, contrairement aux autres ne respirait pas sous l’eau, elle retenait simplement l’air dans ses poumons.

— Il n’y aucun endroit avec de l’air ici ! dit Akemi en commençant à paniquer.

— On pourrait lui faire du bouche-à-bouche, proposa Maëwenn.

— Je… je ne suis pas sûre que cela fonctionne, expliqua Everly. Nos poumons… respirent de l’eau, nous ne pouvons que lui souffler de l’eau.

— Arg ! Je n’avais pas pensé à ça ! Nous allons rebrousser chemin ?

— Trop tard…, dit Yuna. Je mourrais asphyxiée avant…

— Que pouvons-nous faire ?!

Akemi ne cachait plus sa panique, elle avait saisi Yuna par les épaules et jetait des coups d’œil autour d’elle à la recherche de quelque chose d’utile.

Mais il n’y avait rien, juste un immense palais vide.

— Il faudrait trouver une bulle d’air…, dit Everly.

— Ah ! J’y pense ! Peut-être que je peux en créer une ! Enfin, j’ai jamais essayé, mais mon pouvoir de tempête mélange eau, air et foudre. Avec de l’électrolyse…

— Ça pourrait marcher ! dit Akemi avec entrain. Faisons ça !

— Le problème, c’est que tout est trop grand ici…, fit remarquer Everly. Il faudrait un endroit hermétique… Maëwenn pourrait détruire l’eau avec sa foudre, mais… où ?

— Je vais chercher ! Je suis plus rapide. Restez ici, je vais explorer les environs, dit Akemi.

Yuna prit la main d’Akemi, son regard était triste et pitoyable.

— Désolée… je…

— Ne t’excuse pas ! Tu aurais dû le dire avant. Nous aurions pu amener des bombes d’oxygène.

— Désolée…

Akemi lui caressa le visage, puis s’en alla à la hâte.

Un lieu confiné, c’était ce qu’elle cherchait. Mais toute l’architecture de cet endroit était ouverte et imposante. Y avait-il réellement un tel endroit ?

— Considérant sa taille, il doit y avoir un endroit qui correspondrait à ce que nous cherchons, j’en suis sûre ! Il en faut au moins un !!

Elle prêtait peu d’attention aux ennemis éventuels, elle avait peur de revenir pour ne trouver que le cadavre asphyxié de Yuna.

Son esprit plongeait de plus en plus dans le désespoir, à mesure qu’elle traversait ces immenses pièces. Puis, tout à coup, elle trouva une porte surmontée de nombreuses gravures sur le linteau. C’était la première porte qu’elle avait trouvé.

— S’il y a une porte, il y a une salle fermée, non ?

Elle devait se raccrocher à ce petit espoir. Sans hésiter, elle chercha la poignet mais fut terrifiée de ne point en trouver.

— Qu’est-ce que c’est que ça ?!

Le fonctionnement était sûrement inscrit dans ces mystérieuses écritures, mais Akemi n’y comprenait goutte. Elle prit de l’élan et se décida à simplement la défoncer. Même si elle était en pierre, elle était une syren, elle ne résisterait pas longtemps.

* Baaam *

Le choc retentit mais la porte tint bon. Non seulement, elle ne parvint pas à la détruire, mais soudain les écritures se mirent à luire et un arc magique prit Akemi pour cible.

Elle eut de justesse le temps d’interposer son bouclier réactif.

— Cet endroit dispose de magie ? Où avons-nous mis les pieds au juste ?!

Akemi grinça des dents. Il fallait absolument qu’elle ouvre la porte, quitte à y perdre la vie.

Elle prit à nouveau de l’élan et s’élança.

Le résultat fut le même, si ce n’était l’affaiblissement de sa propre barrière réactive qui subit une seconde attaque. La troisième fois, elle volerait sûrement en éclats.

— Laissez-moi sauver Yuna-chan, merde ! Fichue porte !

Elle fonça sur la porte une troisième fois, comme prévue sa barrière éclata et l’arc électrique la blessa au bras.

— Si tu crois m’arrêter comme ça !

— Arrête, Akemi ! cria Yuna.

La capitaine tourna son regard pour trouver les trois filles à l’entrée du couloir.

— Si tu détruis la porte… la pièce ne sera plus hermétique…

Comme venait de le dire Everly, la porte était l’espoir de trouver un endroit clos. Akemi, dans sa colère, avait totalement omis ce détail pourtant vital. Sa propre impatience aurait pu coûter la vie de Yuna qu’elle cherchait désespérément à sauver.

— Laisse-moi voir cette porte, dit Maëwenn. C’est peut-être de l’ancien breton…

Mais avant même qu’elle n’arrivêt en face, la porte s’ouvrit toute seule.

— Elle a réagi à ma voix ?

Bien que cette découverte fut très surprenante, elles n’avaient pas le temps de s’y pencher dessus. Elles entrèrent. De l’autre côté se trouvait effectivement une chambre à coucher avec une seconde porte à l’opposé de la première.

— À toi de jouer, Maëwenn. Je compte sur toi !

— Je vais essayé…

La jeune syren inspira profondément, puis entra dans la pièce.

À peine fut-elle à distance que la porte se referma. Cela confirmait le fait qu’elle réagissait bel et bien à la présence de Maëwenn.

Cette dernière laissa tomber ses interrogations et donna pour l’heure la priorité à Yuna, sa nouvelle alliée. Contrairement à d’autres à bord, elle la tenait en sympathie.

Elle tendit ses mains devant elle et activa sa magie. D’une main, elle inocula de l’électricité et l’autre elle projeta du vent, donc de l’air. Malheureusement, comme auparavant, elle était victime de ses propres électrocutions, elle commençait à accuser le coup.

— Je… vais tenir bon…

C’était douloureux. Elle ne pensait pas que sa propre magie puisse à ce point lui faire mal, elle l’avait subie plusieurs fois dans la journée déjà. Mais c’était pour la bonne cause !

Après quelques minutes, elle rouvrit la porte, elle était dans un état aussi pitoyable que Yuna, dont elle saisit la main pour l’attirer dans la pièce où elle avait créé une bulle d’air dans un coin ; le lit en pierre et d’autres meubles qu’elle avait déplacé empêchait l’eau de s’y infiltrer. Bien sûr, ce ne serait qu’un arrangement temporaire.

Yuna parvint à reprendre sa respiration en respirant profondément. L’air ainsi créée aurait peut-être été difficile à assimiler pour un humain normal, mais aucune d’elle n’était normale.

Maëwenn s’écarta et laissa Yuna seule en profiter, elle s’assit dans un coin pour se reposer un bref instant. C’est là qu’elle observa ses mains brûlées. Elle espérait que sa guérison naturelle les soignerait correctement.

À peine le put-elle, elle s’en alla ouvrir aux deux autres syrens.

— Merci infiniment, Maëwenn. Tes efforts sont admirables !

— Héhé ! De rien, capitaine.

Akemi tapota l’épaule de Maëwenn avec camaraderie avant d’inspecter la pièce.

— Nous devrions nous reposer un peu, cap… capitaine.

Everly n’était pas encore habituée à cette nomination, elle avait hésité un instant. Mais Akemi n’y prêta nulle attention, elle acquiesça et s’en alla voir Yuna.

Pour ne pas puiser son oxygène, elle resta dans la partie immergée de la salle mais, de fait, elles ne pouvaient pas communiquer.

De base, n’y avait rien de logique au fait que les syrens puissent communiquer normalement sous l’eau, mais pour une raison tout aussi inexpliquée, celles avec leur tête hors de l’eau n’entendait pas celle qui s’y trouvaient.

Akemi fit signe de la main, demandant à Yuna si « c’était OK ? ». Elle répondit positivement.

Akemi soupira de soulagement tandis que Yuna rougit et darda un sourire radieux.

Elle articula quelque chose, ses lèvres se rapprochaient, puis s’écartaient de façon exagérée, puis se se refermaient à nouveau.

Le cœur d’Akemi se mettre à battre la chamade tandis que ses joues se teintèrent de rouge. Elle ne savait pas si c’était simplement son imagination ou la réalité, mais elle avait l’impression que les trois syllabes qui venaient d’être prononcée étaient : « Je t’aime ! » en français.

Elle n’était pas linguiste, elle n’avait jamais étudié la phonétique, et d’ailleurs le français n’était pas sa langue maternelle, c’était bien plus son instinct qui lui le faisait déduire.

Comme pour dissiper totalement ses doutes, Yuna lui attrapa la main et dessina deux kanjis dans sa paume : « 好 »et « き ».

« Suki », ce qui voulait effectivement dire « je t’aime » en japonais.

Akemi écrivit en retour dans celle de Yuna : « ぼくも » (« Moi aussi »).

Elles entremêlèrent leurs doigts et restèrent ainsi dans un silence langoureux. À distance, Everly les observait sans mot dire.

***

La salle où elles se reposaient faisait partie d’un petit complexe. Un couloir succédait à la porte suivant, lui-même relié à trois autres pièces. Si deux d’entre elles étaient totalement vides, ce n’était pas le cas de la troisième.

La pièce où elles entrèrent, une fois Yuna en état de les accompagner, était plus grande que les autres ; elle était de forme rectangulaire. Des colonnes partaient d’un bout à l’autre sur toute la longueur. On aurait un peu dit une salle de trône issu d’une œuvre de fantasy. Bien qu’il n’y avait aucune source de lumière, l’endroit était plongé dans une lueur tamisée qui n’avait rien à voir avec le reste de la cité.

Des statues de femmes ornaient le fond de la pièce. Au pied de chacune, un sarcophage en pierre, lourd, imposant, orné de décorations dont des pierres précieuses.

— C’est toujours plus mystérieux…

— Oui…

Mais, à peine, la capitaine eut-elle approuvé ces mots qu’elle ressentit une vive brûlure contre sa poitrine. Elle glissa la main dans son haut et tira un parchemin. C’était lui qui émettait cette chaleur brûlante.

— Pourquoi ne s’est-il pas transformé ? s’étonna-t-elle à haute voix.

En effet, elle l’avait sur elle lors de sa transformation, logiquement, il aurait dû se fondre dans sa forme. Or, cela n’avait pas été le cas.

Mais elle n’eut pas le temps de s’interroger longtemps, il était devenu si brûlant qu’elle dût le jeter devant elle. Au même instant, le parchemin s’embrasa littéralement, même s’il se trouvait sous l’eau, et les flammes bleues se déplacèrent d’elles-mêmes comme animées d’une volonté propre. Elles s’intensifièrent et s’étendirent jusqu’à former deux murets de flammes de chaque côté de la pièce, la coupant dans sa longueur ; c’était comme si elles traçaient une voie jusqu’aux sarcophages.

Au lieu de laisser des traces de brûlures, les flammes révélèrent sur les parois des textes et des dessins, jusque là invisibles.

— L’histoire d’Ys…, dit Everly d’une voix émerveillée.

Elle n’avait pas besoin de connaître la langue pour le déduire, les dessins parlaient d’eux-mêmes. Le thème des vagues qui engloutissaient la cité apparaissait à de nombreuses reprises. Les créatures qu’elles avaient précédemment combattues également.

— Impressionnant…

— En effet, Yuna… Cependant, même si c’est endroit est juste fou, avant que tu ne manques d’air à nouveau, il serait bon d’écourter la visite, non ?

Akemi était à présent très soucieuse du temps qui passait. Pour sa part, Maëwenn s’approcha d’un des murs et trembla d’excitation.

— J’ar… j’arrive à les lire !

Les trois autres filles se jetèrent des regards interdits. À l’opposé, elles ne comprenaient rien à part les dessins et encore, les proportions étaient particulières, plus représentatives que ce qu’elles connaissaient, elles ne reconnaissaient pas tout.

— Je… je ne comprends plus rien, dit Akemi. Il y a trop de choses incompréhensibles autour de nous… Les Anciens n’étaient pas sur notre monde avant l’Invasion, non ? Pourquoi sont-ils représentés sur ces murs ? Puis, pourquoi Maëwenn arrive à ouvrir les portes et lire ces écritures inconnues ?

— Maëwenn est une fée, expliqua Everly. Une Morgane du folklore breton.

— Hein ?

Maëwenn se retourna embarrassée et expliqua son histoire : son éveil par ce mystérieux coquillage, mais aussi la raison de son périple et sa nature de Mari Morgane.

Ses interlocutrices restèrent silencieuses jusqu’à la fin et l’observèrent ne sachant réellement qu’en penser. Son histoire aurait certainement été douteuse dans d’autres circonstances.

— Tout semble prendre du sens, dit Yuna. Et qu’est-il écrit sur ces murs ?

— Whaaa ! Tu avais un tel passé ?! Incroyable ! dit Akemi. Toutefois, nous ne pouvons pas passer trop de temps, il y a le problème d’air de Yuna-chan… Tu comprends ?

Akemi n’en démordait pas, sa priorité n’était plus vraiment le trésor d’Ys.

— Akemi, si nous ne découvrons rien ici, l’équipage risque de se mutiner, fit remarquer Yuna. Je te remercie de ta bienveillante sollicitude, mais quand je me sentirai mal, je retournerais prendre de l’air dans la salle voisine. Il y en a encore suffisamment, je pense.

— Oui, tu as sûrement raison, désolée… Maëwenn, nous te laissons étudier tout cela !

Quelques dizaines de minutes plus tard, après le retour de Yuna et d’Akemi qui étaient retournée jusqu’à la bulle d’air, Maëwenn leur expliqua ce qu’elle venait de lire.

Même si elle parvenait à lire et comprendre, la pauvre jeune femme était trop jeune et peu instruite pour saisir le sens de tout. C’est pourquoi, elles tentèrent toutes les quatre ensemble de démêler la réelle histoire d’Ys de celle de la légende.

Tout d’abord, il apparut que la cité était plus ancienne que ce qu’on prétendait. Bien sûr, malgré les dates indiquées sur les gravures, le système de calendrier était différent et ne pouvait être compris que par un spécialiste. Il était question sur certains passages de relations diplomatiques avec une grande civilisation au sud-est, dans des terres arides et chaudes. En partant de la base qu’Ys s’était bien trouvée en Bretagne, il était possible qu’il se fût agi soit de la civilisation égyptienne, soit sumérienne, soit babylonienne.

En tout cas, Ys semblait datée de l’Antiquité, d’une époque bien antérieure à la christianisation.

La ville était connue pour être un refuge contre des monstres marins, des sortes d’hippocampes (ceux qu’avaient combattu les syrens auparavant) qu’on nommait les Morvark (ou Morvarc’h). Dans la légende communément admise, ce nom était devenu celui du cheval du roi, mais la réalité différait quelque peu.

Le terme qui était appliqué à ce type de monstre était proche de « sombres fées des flots » et englobait tout un tas de créatures maléfiques et inhumaines.

— Il y avait donc des Anciens avant l’Invasion ?! s’était étonnée Akemi pendant l’explication.

Mais pire encore, une autre révélation chamboula les filles. Outre la présence des Anciens, qui finalement était reconnue de longue date, puisqu’on admettait que la Terre leur avait jadis appartenu —connaissances communément admise par l’étude des écrits de certains mortels dont le célèbre H.P. Lovecraft ou encore Abdul Al Azared en parlaient dans leurs écrits— elles apprirent également que des femmes s’étaient dressés contre eux. Sur les gravures, ces femmes étaient désignées par un terme qui signifiait « les bonnes fées ».

— Des mahou senjo… ?

— C’est fort possible, Everly. C’est une découverte incroyable ! dit la capitaine. Mais comment faisaient-ils pour les éveiller à l’époque ? Ils avaient déjà des machines d’éveil ?

— À ce stade, ce ne serait pas vraiment surprenant…, dit Yuna sur un ton un peu blasé.

Elle ne paraissait pas aussi choquée que ses collègues par toutes ces révélations. Peut-être que tout cela n’avait tout simplement pas d’importance pour elle ? Ou bien l’avait-elle deviné ?

— Je me demande si on ne peut pas voir les Anciens et les mahou senjo derrière les vieux mythes… ? dit Maëwenn, à l’opposé très excitée.

— Blanche-neige serait une mahou senjo ? demanda Everly sur le ton de la plaisanterie.

Maëwenn avait étudié seule les vieilles légendes bretonnes et celtes à la recherche d’une explication sur ses pouvoirs. Sans être experte, elle était sûrement la plus connaisseuse du groupe en la matière.

— En fait, je pensais plutôt aux Fomoires et aux Tuatha dé Danann de la mythologie irlandaise.

Les écrits sur les murs ne s’étendaient pas sur la question des mahou senjo qu’ils semblaient tenir pour quelque chose d’avéré. Il leur fut impossible d’en apprendre plus, elles ne pouvaient qu’émettre des hypothèses à ce sujet.

Par contre, les personnages de la légende d’Ys leur apparaissaient sous leur véritable histoire qui changeait quelque peu.

S’il y avait bien eu un roi Gradlon, il n’avait pas été l’autorité la plus importante de la cité. Sa femme, la reine Malgven, une fée, était sans aucun doute le personnage le plus apprécié du peuple et, pour cause, c’était elle, sa fille et sa garde personnelle qui assurait la défense contre les Morvark.

La fille de Malgven s’appelait bel et bien Dahud, elle était connue pour être même plus puissante que sa mère, tous avaient confiance en elle et plaçaient de grandes attentes dans futur règne.

Cependant le roi Gradlon, jaloux de la suprématie des deux femmes, passa en secret un accord avec les Morvark qui lui corrompirent l’esprit. Il assassina pendant son sommeil la reine et manqua de faire de même avec Dahud. Il offrit la cité à l’ennemi en échange de pouvoir en être le roi incontesté. Mais il fut à son tour trahi : les Morvark se repurent de son cadavre avant d’emporter la ville dans les flots à l’aide d’un puissant rituel.

Apparemment, à cette époque, les Morvark étaient capables d’utiliser la magie et certains étaient bien plus grands que ceux que les quatre filles avaient précédemment combattus. Mais n’était-ce pas simplement un problème de représentation dont les proportions n’étaient pas fidèles à la réalité ?

Néanmoins, aucun de leurs ennemis n’avait utilisé de magie, cette partie semblait avérée.

Dahud poursuivit le combat contre les Anciens même une fois la ville sous les flots. Elle perdit peu à peu ses alliées au cours d’une guerre sanglante et cruelle. La population n’échappa malheureusement pas à la noyade. La libération de la cité se fit sans eux, Dahud se retrouva seule survivante.

Elle séjourna quelques années ou siècles durant dans la cité abandonnée, mettant en place des protections magiques pour l’isoler d’une nouvelle attaque des Morvark. Puis, un beau jour, devenue lasse de cet enfermement, elle s’enferma dans son propre tombeau où elle y attendrait la mort. Le récit qu’elle avait écrit sur les murs et dissimulé par magie s’arrêtait à ce stade.

Quelques temps avant sa mort, elle avait exprimé le désir de revoir d’autres fées comme elle, elle n’en pouvait plus de sa solitude. Elle lança en mer une bouteille avec une carte et un parchemin ouvrant l’accès à la cité, mais elle ne reçut jamais aucune visite.

— Les portes magiques étaient donc son œuvre ? demanda Akemi alors que le récit lut par Maëwenn touchait à son terme.

— Il semblerait… Tout comme le dôme de sable et sûrement d’autres protections encore…, répondit Maëwenn. À la fin de sa vie, elle affirmait que l’humanité était pleine de ténèbres que les fées ne pouvaient combattre. Mais elle lui pardonnait malgré tout. La pauvre, je n’aurais pas aimée être à sa place…

— C’est… une belle histoire…

— Horrible tu veux dire, Everly !

— J’y trouve également… une certaine beauté, ajouta Yuna.

— Quoi qu’il en soit, je suppose que les tombeaux là-bas sont ceux de Dahud et Malgven, non ? demanda Akemi plus pragmatique.

Au lieu de répondre, Maëwenn s’approcha des cercueils en pierre décorés où figuraient des écritures.

— Oui, ce sont les leurs. Hein ? C’est quoi ce puits ?

Derrière les sarcophages se trouvait un trou. Tout autour étaient gravées des inscriptions.

— Ça dit quoi ?

— En-dessous se trouve le grand trésor et les tombes des autres fées qui ont vaillamment combattues jusqu’à la fin. Elle dit que si des fées lisent ces paroles, elles peuvent prendre tout ce dont elles auront besoin.

— Le trésor d’Ys…, marmonna Everly.

— Cool ! Voilà ce que nous cherchions !

— Ces connaissances sont déjà un trésor inestimable, capitaine. Mais… si je commence à comprendre pourquoi Dahud m’a fait venir ici. D’autres réponses se trouvent sûrement plus bas.

— Dans ce cas, descendons…, proposa Yuna.

Contrairement aux autres, son temps d’immersion était compté. Akemi accepta de presser le pas, le trésor était la principale raison de leur venue, même si elle était contente pour Maëlwenn.

Elles plongèrent donc mais rapidement Everly dût s’arrêter. Elle venait d’atteindre sa limite de plongée.

Puis, ce fut le tour de Yuna, peu de temps après.

Une centaine de mètres plus bas, Maëwenn dût passer le flambeau à la capitaine :

— Quelle frustration ! Je dois m’arrêter là ! Je compte sur vous, capitaine, ramenez-nous le trésor !

— Oui, promis !

Dans le groupe restant, Akemi était la seule bonne plongeuse. Elle dépassait de peu Violaine même. La profondeur de plongée d’Akemi était estimée autour des 3400 mètres, ce qui était bien inférieur aux 9000 mètres et plus qu’on avait attribué à Kayomi.

Plus elle descendait, plus le puits se resserrait et devenait sinueux. Il était toujours parfaitement lisse et solide.

Mais, soudain… Akemi ressentit une douleur à la poitrine alors que sa tête se mit à tourner.

— Fichtre ! Ça descend encore profond ?!

Elle ne pouvait l’estimer. Le puits était totalement plongé dans l’obscurité et avec les virages qu’il effectuait, il se pouvait que vingt mètres plus bas il s’arrêtât et s’ouvrit sur une cavité, tout comme il pouvait se poursuivre encore pendant des kilomètres.

Défaite, Akemi n’eut d’autres choix que de remonter en marmonna et en rageant.

***

Une journée s’était écoulée.

Le navire était resté en panne au-dessus de la cité engloutie. Plusieurs tentatives furent menées pour explorer plus profondément le puits, mais les tenues de plongée n’aidaient pas vraiment les syrens. De plus, le navire était équipé pour l’escorte, il n’avait pas de matériel de plongée de pointe.

D’autre part, puisqu’il avait pris la mer sous les ordres de Kayomi, ce genre d’équipement était inutile : elle était bien plus efficace encore.

Le soir finit par tomber. La mer était agitée mais un peu moins que la veille.

Akemi devait prendre une décision en tant que capitaine, le navire ne pouvait rester indéfiniment au-dessus de la cité. Les quelques pierres précieuses qu’elle avait dessertis sur les tombes n’étaient malheureusement pas d’une valeur suffisante pour justifier les risques encourus auprès de l’équipage.

Dans la ville autour du palais, au prix de quelques combats contre les Morvark, elles avaient repêché quelques objets archéologiques intéressants qui ne manqueraient pas de se revendre auprès de spécialistes, mais elles en estimaient mal la valeur.

Les Morvark vivaient bel et bien dans les ruines de la ville basse. Après quelques combats, ils avaient fini par comprendre que les syrens étaient trop fortes pour eux et les évitaient. Akemi ne s’expliquait pas que des créatures de cette puissance aient pu parvenir à engloutir la ville. Peut-être que la théorie de Maëwenn quant à leur affaiblissement par rapport à l’époque de Dahud était réelle après tout.

Les six syrens étaient à présent sur le pont supérieur. Elles profitaient de la brise nocturne pour tenir une réunion informelle.

— Il n’y a donc aucun moyen de récupérer le trésor ? demanda Iris qui se trouvait à côté de la capitaine.

Les filles formaient un cercle : certaines étaient adossées au bastingage, tandis que d’autres se tenaient en face assises ou debout.

— Malheureusement, je ne vois pas de solution. C’est pourquoi je vous ai réunies pour avoir vos conseils.

Elles s’observèrent l’une l’autre mais aucune idée ne leur vint à l’esprit. La situation était une impasse.

— Va falloir annoncer cela à l’équipage demain matin, dit Iris.

— Pffff ! Si proche du but ! Au pire, nous pourrons y revenir…

— J’y pensais justement, dit Maëwenn. Mais il est possible que ce soit impossible.

Les regards se fixèrent sur elle.

— En fait… je ne suis pas sûre, mais…, dit-elle en bafouillant, intimidée. Si on considère qu’il faut la carte et le parchemin envoyé par Dahud…

— Et ta présence également, ajouta Everly.

Maëwenn hocha de la tête et poursuivit :

— Il est possible que ce soit l’unique fois où nous puissions trouver la cité.

— Cela aurait du sens, dit simplement Iris en croisant les bras. Considérant l’endroit où nous sommes, Ys aurait dû être découverte depuis bien longtemps. Avant l’Invasion, la majorité du monde était cartographiées.

— Sauf la Fosse des Mariannes où se trouvait R’lyeh…, déclara Fulvia sur un ton un peu moqueur.

Iris lui jeta un regard noir, elle comprenait le persiflage.

Malgré les appareils de mesure et les bathyscaphes personne n’avait détecté la présence de R’lyeh, la forteresse de Cthulhu, le seul Puissant Ancien qui n’avait jamais réellement quitté la Terre.

— Cependant, Fulvia, la cité d’Ys n’est pas immergée si profondément. Impossible que personne ne l’ait trouvée jusque là. À la limite, on pourrait penser que les Morvark ont éliminé les plongeurs et navires, mais… Vous avez trouvé des épaves ?

— Il n’y en a pas, confirma Akemi. Je penche de l’avis de Maëwenn : une magie spéciale permettait de la trouver et d’y entrer. Si nous partons, ce sera définitif… mais nous n’avons pas vraiment d’autres choix…

Akemi grimaçait de colère. Yuna leva la main pour prendre la parole :

— Concernant l’équipage… j’ai peut-être une idée…

La capitaine lui fit signe de la tête de poursuivre.

— Il suffirait d’insister à la place sur le fait que nous avons… réglé le problème de la malédiction. Je pense que la plupart s’inquiètent plus à ce propos que pour le trésor.

— Tu as raison, Yuna ! Il suffit d’orienter le discours sur ce point et ça se passera bien !

Akemi sourit à Yuna qui fit de même. Mais les quatre autres filles restèrent perplexes.

— Et pour le tueur ? demanda Iris. Cette méthode marchera pour la malédiction qui n’a jamais existé, mais pour les prochains cadavres, il faudra bien expliqué quelque chose. À moins que tu ne désires les cacher jusqu’à notre arrivée à terre ?

— C’est vrai qu’il faut faire quelque chose…

Fulvia posa ses coudes sur le bastingage et observa le ciel.

— Ce n’était donc pas la malheureuse Violaine… Ch’suis sûre que j’serais la prochaine accusée…

Le regard d’Iris se baissa, elle était honteuse de ce qui s’était passé. Au contraire, la capitaine afficha soudain une expression furieuse, elle venait de prendre l’attaque de manière très personnelle.

— Qu’est-ce que tu entends par là, Fulvia ?

— Oups ! J’ai causé tout haut…, dit-elle avec un sourire gêné. Bah, exactement ce que j’ai dit… Violaine nous aurait été utile pour l’exploration de cette cité. C’était une fille chelou mais l’genre de meuf qu’il faut avoir pour ce genre de trucs, tu ne penses pas ?

— Elle aurait pu… être utile…, avoua honteusement Iris.

— C’est elle qui a fui au lieu de chercher à s’expliquer ! Pourquoi essayes-tu de me faire porter la faute ?

Fulvia soupira puis leva les épaules.

— Du calme, cap’taine… Les faits sont les faits. Elle nous a quitté parce qu’elle a été accusée par une partie d’entre vous. Mais j’vais vous dire la vérité : elle était innocente. Vous l’avez accusée parce que vous la compreniez pas, c’est tout. Et parce qu’elle était une partisane de Kayomi aussi. Et c’est pour cette même raison que vous finirez par m’accuser aussi.

Fulvia prit une cigarette et la mit en bouche sans l’allumer. Son regard se perdit dans les étoiles.

— Au fond, j’ferais peut-et’ mieux de rejoindre Sister dans les cales avant les prochains morts…

— Je n’aime pas beaucoup le ton de tes accusations. Je fais ce que je peux en tant que capitaine ! Toi qui aimait tellement Kayomi, aurait-elle toléré ce genre d’insubordination ?

Fulvia observa Akemi un instant puis se mit à rire. C’était un rise nasillard et hautain qui sortit de ses lèvres, il ne manqua pas d’irriter plus encore Akemi.

— Rien ne se serait barrer en couilles avec la cap’taine Kayomi, tu l’sais bien ! Les situations extrêmes ont besoin de mesures extrêmes. Tu peux essayer de jouer la dure, mais Kayomi l’était vraiment, elle. C’était une capitaine avec des couilles grosses comme des mongolfières et j’en ai vu des personnalités à grosses couilles, je t’assure.

— Je commence à connaître la chanson. La capitaine Kayomi était mieux ! La capitaine Kayomi était comme ça ! Putain, taisez-vous ! Je veux plus vous entendre !! cria Akemi qui ne parvenait plus à cacher sa colère. C’était une folle hystérique qui écrasait l’adversité sans hésitation ! Il n’y avait rien de bon en elle !!

Mais le sourire impertinent de Fulvia ne quitta pas son visage.

— En attendant, injuste comme elle l’était, le tueur ne se serait jamais manifesté. Puis, nous aurions sûrement pu chopper le trésor. Et l’équipage était uni quand elle était là. À présent, tu te la joues la sauveuse, l’héroïne de bord, alors que tout part en sucette. Tu mens à l’équipage, tu nous mens à nous et tu te mens à toi-même. Capitaine Mensonge…

Akemi tira son katana de son fourreau et posa la pointe sur la gorge de Fulvia.

— Tais-toi où ce seront là tes dernières paroles, catin !

— Fufufu ! Ne soyez pas prétentieuse, capitaine… Non, usurpatrice, aucune d’entre nous n’est transformée.

Akemi sentit quelque chose sur son ventre, elle se rendit compte qu’il s’agissait de la gueule du revolver de Fulvia.

— C’est du 357, si je touche le foie je doute que tu t’en remettes.

— CALMEZ-VOUS !!

Maëwenn fit irruption entre les deux et baissa les armes. Elle était en pleurs.

— J’en ai assez de voir ça !! Je… je… Nous devions chercher une solution ! Moi aussi je pense qu’Akemi a agi trop précipitamment ! Mais s’engueuler ne changera plus rien !!

— Tssss ! Tu étais parmi les premières à cautionner mon plan, je te signale ! Et maintenant, tu viens la jouer comme ça ? Tu mériterais que je te décapite ici-même, traîtresse !

Maëwenn recula en voyant les traits d’Akemi s’assombrir ; ses pulsions meurtrières étaient particulièrement fortes, il n’était pas impossible qu’elle mette réellement ses menaces en application.

— Tu as changé, capitaine Akemi, dit cette fois Iris en se tenant le bras. Tu agis de plus en plus comme Kayomi, en fait. Tu dénonçais sa malveillance et son injustice, mais tu pointes ton arme sur nos camarades au moindre mot de travers ?

Ces paroles étaient loin de faire plaisir à Akemi, elle grimaça et fusilla du regard son interlocutrice. Yuna s’approcha de la capitaine, elle seule pouvait espérer l’apaiser.

— Calme-toi, Akemi… Nous sommes là pour… discuter…

Yuna lui caressa l’épaule tendrement. Akemi soupira et rengaina son arme en se calmant.

— Il n’y en a plus que pour elle…, marmonna Everly.

Le silence qui avait soudain frappé le pont à cet instant avait rendu la petite voix d’Everly audible pour toutes les oreilles. Habituellement, on ne l’entendait pas.

— Un problème, Everly ? Peut-être que tu peux t’expliquer aussi, non ?

Akemi écarta Yuna et s’avança vers elle.

Everly baissa le regard et se mit à fixer le pont, elle était comme un petit animal apeuré.

— Je… je…

— Explique-toi ouvertement ! Il semblerait que je n’écoute pas assez vos jérémiades donc allons-y !

Everly continuait de se taire, aussi la capitaine lui attrapa l’épaule et la secoua.

— Parle ou tais-toi à jamais ! J’en ai assez de votre attitude à vous toutes !

— Tu fais juste semblant de ne pas comprendre pour pouvoir martyriser les plus faibles, répondit Fulvia à la place de l’interrogée. J’ai connu pas mal de gens comme ça…

Akemi lâcha Everly et se retourna vers Fulvia.

— Quoi ? Tu ne comprends vraiment pas ? Yuna est la seule que tu écoutes désormais. J’ignore tout ce qu’elle t’a chuchoté à l’oreille, mais si c’est du même acabit que le plan de mentir sur la malédiction, j’applaudis.

Fulvia se mit à battre ses mains l’une contre l’autre en souriant avec ironie.

— Elle… est fourbe…, dit timidement Everly.

— Je suis malheureusement du même avis, dit Iris. Tu ne me consultes même plus pour prendre les décisions, tu me mets devant les faits accomplis. Je suis au courant de votre relation à toutes les deux maisEn fait, tout le monde l’a bien remarqué, s’il faut être honnête.

Yuna afficha un regard désolé et joignit ses mains en se mettant à pleurer.

— Je… je suis désolée… je n’aurais jamais dû être libérée…

Akemi accourut aussitôt et la prit dans ses bras.

— Arrêtez de raconter n’importe quoi ! Yuna n’a rien fait de mal ! Elle était la victime de ce monstre de capitaine ! J’ai pris mes décisions seule ! Accusez-moi, mais cessez de la tenir pour responsable !

Iris s’avança un peu et inspira pour prendre confiance :

— Tu as déjà pensé au fait qu’elle se joue peut-être de toi ? Tout à commencer à dégénérer lorsque tu l’as libérée. D’ailleurs, il m’est passé par l’esprit qu’elle pouvait fort bien être le tueur. Everly et Isabel sont du même avis.

— Ré… répète ce que tu viens de dire et je t’éventre sur le champ !

— Encore ces menaces ? dit Fulvia. Cette discussion ne mène à rien. Je crois que je vais descendre dans les geôles, Sister sera de meilleure compagnie.

— Reste-là ! C’est un ordre !

Fulvia leva les épaules et soupira :

— Mon vieux pote avait raison : tout est toujours une histoire de flouze ou de meuf. Tu as ce que tu voulais, la meuf et le pouvoir est à toi, tu veux pas te calmer un peu ?

— J’exige des explications ! Et tout de suite !

Cette fois, Akemi était furieuse. Ces paroles venaient de profondément la blesser.

— Come vuoi tu… Si tu insistes… Tu brandis ta bravoure et ton sens de la justice, mais m’est avis que tout ce que tu voulais c’était la belle donzelle. En gros, toute cette mutinerie dont nous souffrons encore maintenant c’était juste une histoire de fesses. Le pire, c’est que ch’suis sûre que Kayomi te l’aurait filée, elle était pas comme ça…

Sans le vouloir, emporté par la rage, Akemi se transforma.

Aussitôt, les autres filles firent de même et c’est ainsi que les barils de poudre où elles étaient toutes assises prirent feu.

La première à agir ne fut autre que Fulvia. Sentant sa vie en danger depuis quelques instants déjà, elle tira de son ceinturon un revolver et fit feu. Akemi esquiva sans problème la moitié des balles mais fut obligée d’interposer sa barrière réactive pour les trois balles restantes.

Alors qu’elle allait charger son ennemi.

— Derrière toi ! cria la voix de Yuna.

Sans réfléchir, Akemi fit à nouveau apparaître sa barrière réactive alors que trois balles vinrent la détruire. Fulvia avait redirigé les trois premières, qu’Akemi avait esquivées, à l’aide de son pouvoir de vecteur.

— C’est une mauvaise idée de me sous-estimer, capitaine !

Fulvia avait profité du moment d’inattention pour faire apparaître sa mitrailleuse qu’elle pointait à présent sur sa cible.

— Il en va de même de ton côté.

À peine Fulvia ouvrit le feu qu’Akemi activa son pouvoir « Kougou Shikku – 神々疾駆 » et fonça droit sur son ennemi. Passant à côté du couloir de tir vectoriel crée par Fulvia, elle la prit de court.

Du moins le pensait-elle…

Fulvia bloqua de justesse à l’aide de sa barrière réactive et contre-attaqua avec un coup de pied dans le ventre d’Akemi.

Même si elle était spécialisée dans le combat à distance, Fulvia restait une syren axée physique, elle avait de quoi lui donner du fil à retordre.

Akemi reprit rapidement ses esprits, mais alors qu’elle allait repasser à l’assaut, une odeur d’ozone attira son attention. Elle se jeta de côté, sans réfléchir. La foudre tomba sur son ancienne position.

Levant les yeux au ciel, elle découvrit Maëwenn qui volait et pointait vers elle sa main.

Pendant ce temps Yuna était aux prises avec deux ennemies également.

Everly venait de lui administrer un coup de genou dans le menton et allait porter un crochet du droit, lorsque deux épées de corail passèrent à ses côtés et manquèrent de s’enfoncer dans le corps de Yuna ; cette dernière matérialisa une sphère de glace noire autour d’elle qui congela et désintégra les épées.

Mais Yuna grelottait à l’intérieur de sa sphère de protection et elle avait du mal à se remettre du coup au menton.

— Ne fonce pas dessus, Everly ! Cette sphère est dangereuse ! cria Iris. Je vais essayer d’y faire un trou !

La sphère était opaque, elles ne voyaient pas ce que préparait Yuna.

— Ça… marche…

— Désolée, Yuna ! Si tu avais été plus sincère avec nous, cela aurait peut-être pu fonctionner, dit Iris en faisant apparaître autour d’elle une dizaine d’épées de corail.

Ses yeux se plissèrent et s’humidifièrent, elle avait mal au cœur. Elle ne voulait pas se battre contre d’autres syrens, même si elle était jalouse de Yuna, c’était les circonstances qui la forçaient à agir de la sorte.

— Il est trop tard pour avoir des remords, pensa-t-elle. C’est moi qui ai assassiné Kayomi !

Même si le coup de grâce avait été dispensé par Akemi, c’était son attaque-surprise qui avait fait toute la différence et qui avait conduit à la mort de la légendaire capitaine Kayomi. À aucune moment elle n’avait oublié son crime.

Ce moment de doute permit à Yuna de passer à l’assaut. Huit serpents sortir de son dos, ils ignoraient totalement la sphère de glace défensive. Sans tarder, ils se mirent à faire feu. Des projectiles de glace noire fondirent sur ses deux adversaires alors qu’Yuna se tordait de douleur.

Iris fit apparaître immédiatement une barrière de corail devant Everly et elle-même.

— Nous… ne tiendrons pas…

— Ne me sous-estime pas ! Ma défense est excellente !!

Néanmoins, Iris sentait bien qu’en face l’attaque de Yuna l’était tout autant. Elle posa ses mains sur la barrière en partie gelée et injecta plus encore de magie dans son maintien. Les tirs n’avaient de cesse.

Akemi était inquiète. Elle savait être la plus forte à bord, elle n’avait pas trop d’inquiétude quant à sa capacité à se débarrasser de ses ennemies, mais Yuna était faible et fragile.

Elle devait rapidement lui venir en aide, avant qu’il ne fût trop tard !

Les tirs de Fulvia étaient trop rapides et nombreux pour tous les esquiver, Akemi décida donc de simplement les encaisser.

Arrêtant ses mouvements, elle fit apparaître sa barrière réactive, régénérée entre temps, et se mit en position d’attaque :

« Horou Hounou – 波浪奉納 ! »

C’était son unique chance de toucher Maëwenn qui ne volait pas si haut. Elle porta un unique coup. Une vague d’eau se forma et, suivant la trajectoire décrite par le katana, elle fonça droit sur sa cible.

Comme Akemi le pensait, Maëwenn cessa son offensive et se protégea à l’aide de sa barrière réactive.

— Tu es trop faible pour t’opposer à moi, pensa Akemi à cet instant.

L’onde brisa sans problème la protection et frappa Maëwenn, la sonnant complètement.

Faisant fi des tirs de Fulvia, la capiaine se mit à courir en direction de sa cible. Quelques balles perforèrent son flanc et son épaule, elle les ignora, prit appui sur un des mâts, bondit sur une partie surélevée, puis sauta en direction de Maëwenn.

Sonnée, cette dernière ne put esquiver. Akemi lui attrapa la jambe et la projeta au sol de toutes ses forces. Maëwenn s’écrasa sur le pont incapable de se défendre. La faible magicienne de rang B qu’elle était subit pleinement les dégâts.

Elle manqua de peu de perdre connaissance, s’enfonçant le métal composant le pont de près de trente centimètres.

— Aaaaaaaaaahhhhh !

Aussitôt, une vive douleur dans la ventre la fit hurler. Le katana d’Akemi venait de s’y enfoncer.

Maëwenn cracha du sang et maintint difficilement sa transformation. Elle pleurait et n’était plus en état de poursuivre le combat.

Akemi fit donc face à Fulvia, décidée à régler cette affaire une bonne fois pour toute.

Fulvia grimaça un instant, mais ne tarda pas à pointer son arme sur la capitaine.

C’est à cet instant qu’un second cri retentit sur le pont : la voix de Yuna.

Quelques instants auparavant…

Bloquée derrière le mur de corail, Everly prit la parole.

— Je… vais faire diversion. Détruis sa barrière !

— Attends, je peux…

Mais la timide jeune femme prit Iris totalement de court. Elle sortit de son refuge en s’entourant d’une bulle d’eau qui ne tarda pas à être prise pour cible par les serpents de glace.

L’eau commença à geler. Iris sortit à son tour de sa cachette en hurlant.

Pendant quelques instants, elle refusa de penser aux conséquences. Elle n’était pas sur ce navire engagée dans un combat sororicide, elle était à des milliers de kilomètres de là dans la salle à manger en train de manger un bon petit plat préparé par sa mère.

Un pilier de corail noir aux multiples tentacules jaillit des mains d’Iris, il se mit à tourner sur lui-même puis se dirigea à plein vitesse sur Yuna. À peine heurta-t-il la barrière de glace que cette sorte de foreuse se mit à la creuser.

C’était la plus puissante attaque d’Iris, elle était particulièrement efficace contre les barrières immobiles. Mais celle de Yuna était un peu spécial : c’était une barrière de contre-attaque. Non seulement, elle bloquait les attaques mais elle occasionnait des dégâts à tout ce qui entrait en contact.

La confrontation entre les deux sorts ne dura que quelques instants, la barrière et le tube de corail noir se détruisirent l’un l’autre.

Profitant de cet instant, Everly fonça sur Yuna. Sur ses bras l’eau formait à présent des foreuses.

Yuna fit apparaître à la place de sa protection de glace sa barrière réactive. Mais cette dernière était déjà affaiblie.

Alors que le son d’un bris de verre retentit, du sang gicla. Beaucoup de sang.

Une des foreuses avait non seulement traversé la barrière mais avait creusé un trou béant dans la poitrine de Yuna. Cette dernière poussa un cri de douleur et d’agonie, puis bascula en arrière sur le dos.

Comme si elle venait de se réveiller d’un cauchemar, Everly la fixa les yeux en larmes.

Son visage se figea dans cette expression de terreur alors que son corps reprit sa forme normale et que sa tête, détachée de son corps, roula sur le pont.

Akemi derrière Everly, le visage furieux et désespéré, lâcha son arme et se rua sur le corps de Yuna, à présent détransformée.

— Yunaaaaaa !!! Yunaaaaaaaaaaa !!!!

Autour d’elles toutes les syrens cessèrent le combat et furent prise d’horreur. Ce combat était issus de leur propre folie à toutes les six.

— Ne… me pleure pas…

— Tais-toi ! Tu vas t’en sortir ! Je… je vais te…

Mais Yuna lui posa un doigt sur les lèvres, laissant une trace sanglante. Même à l’agonie, elle dégageait un charme doucereux.

— Je ne méritais pas… de vivre… à la base… J’ai trahi mes sœurs… ce n’était pas… volontaire… mais… elles sont mortes… par ma faute… cette fois encore…

— Qu’est-ce que tu racontes ?

Akemi était en pleurs, couverte de sang, paniquée. Elle ne faisait plus attention à son entourage. Entre ses bras, Yuna se vidait de son sang. Son corps devenait de plus en plus livide.

— Kayomi-san… elle était la seule survivante… elle ne m’a pas dénoncée… et m’a donné… une juste punition… Je ne voulais pas… que ça se finisse… ainsi…

La main de Yuna qui était posée sur le joue d’Akemi tomba sur le pont mollement. Tout son corps se décontracta et cessa d’être imprégné de vie.

— Aaaaaaaaaaaaaahhhhhhhhhhhhh !!

Les cris de douleurs d’Akemi s’élevèrent au sein des ténèbres nocturnes.

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