2081, sur le front est, une matinée nuageuse…
<< Je répète, unité 54, veuillez porter assistance aux unités présentes dans la zone A21 et attendre l’arrivée des renforts. Terminé. >>
Le système de communication crachait la voix de cet homme dans un russe affecté d’un accent provincial.
— Ici l’unité 54, bien reçu ! ETA de cinq minutes. Le combat est rude par ici. Terminé.
Une femme, assise sur son siège, devant ces panneaux électroniques sophistiqués, jouait avec une mèche de ses longs cheveux roux qu’elle enroulait autour de son index.
<< Entendu. Je vais transmettre l’information aux unités sur place. Veuillez-vous y rendre sans tarder, des vies dépendent de vous. Terminé. >>
— Bien reçu. Unité 54, Terminé.
Loseva Elisaveta Grigorievna était une jeune femme ayant à peine atteint la majorité, mais dans cette froide et belliqueuse Ukrytiye, ce n’était pas un spectacle rare de voir des jeunes femmes au combat. Mais il l’était certainement davantage d’en voir à l’intérieur d’un char d’assaut.
En effet, Elisaveta se trouvait à l’intérieur d’un tank T-90 MS modifié, à la couleur gris-bleuté de l’armée ukrytiyenne.
La jeune femme portait un uniforme camouflage gris-noir, celui des soldats de l’Armée du Tsar.
Mesurant environ un mètre soixante-cinq, elle avait une longue chevelure rousse et des yeux marrons. C’était une belle femme dégageant, malgré les lignes masculines de son uniforme, une grande élégance alliée à un certain maniérisme.
Elle retira le casque de communication qu’elle avait sur la tête et soudain se transforma.
Alors que son corps se recouvrit d’une lumière blanche comme celle du soleil, ses vêtements changèrent pour devenir ceux d’une soubrette aux collants blancs. Sa chevelure prit la même couleur et une coiffe vint orner sa tête. Enfin, ses yeux devinrent bleus comme des saphirs.
Le spectacle aurait sûrement surpris, voire choqué, un spectateur d’une autre époque, mais depuis l’avènement des magical girls, que l’on nommait vedma en Ukrytiye, c’était devenu plutôt habituel.
Elle remit aussitôt son casque et s’adressa à ses collègues tankistes par la biais de son microphone :
— Nous avons ordre d’aller sécuriser la zone A21, tout de suite. J’ai demandé cinq minutes de délai.
— Entendu. Faisons en sorte de ne pas arriver en retard les filles. Lisa, calcule-nous un itinéraire rapide.
— Bien sûr !
Celle qui venait de répondre n’était autre que la pilote Pimenova Anna. Contrairement à Elisaveta, elle était déjà transformée, son rôle nécessitant des réflexes et des capacités de perception qu’elle n’aurait pas eu sous sa forme normale.
Pour une vedma garder sa forme de combat de manière prolongée présentait un risque, son organisme ne pouvait supporter cet afflux de pouvoir indéfiniment, c’est pourquoi lorsqu’elles n’en avaient pas besoin elles reprenaient leurs formes normales. Anna n’avait malheureusement pas encore ce luxe.
Autour d’elles, c’était la guerre.
La bataille faisait rage, elles étaient entourées d’ennemis et les explosions des pouvoirs des vedma se faisaient voir et entendre un peu partout.
Sous sa forme transformée, Anna avait des cheveux oranges avec des pointes blondes ; ils étaient longs, s’arrêtant au bas de son dos et elle les portait détachés. Ses yeux étaient verts. Des lunettes de mécanicien décoraient sa tête. Sa tenue se composait d’une simple uniforme noir militaire n’appartenant à aucune armée précise.
Pour éviter une explosion droit devant, elle manœuvra le tank et accéléra.
— Hein ? On ne finit pas de nettoyer ici ? Nos supérieurs n’ont font vraiment qu’à leur tête, je te jure ! Pfff…
— Arrête de te plaindre, Lyuda, il y a forcément une raison à ce choix, dit Anna sur un ton de reproche.
— La raison c’est qu’ils ne sont pas sur le terrain, c’est tout. Ils demandent l’impossible… Enfin bon… Leurs aspirations sont aussi hautes que l’Oural, je suppose… ou c’est juste des pervers sado qui aiment nous voir trimer…
— Ta gueule, Lyuda !
— Vous allez arrêtez toutes les deux ? les réprimanda Elisaveta. Nous sommes en pleine bataille !
— Ouais, ouais… En plus, on me laisse même pas tirer pour me défouler. Quel ennui !!
Ludmila, la canonnière, se trouvait actuellement sur son siège dans la tourelle, sous sa forme normale. En effet, elle avait enchaîné les tirs pendant une bonne heure, aussi Elisaveta lui avait ordonné de prendre un peu de repos. Cela faisait quelques minutes à peine et déjà on les renvoyait ailleurs.
Parmi les filles présentes, elle était sans aucun doute la plus mignonne.
Son visage avait une forme qui le rendait gentil et adorable, sa peau était encore plus blanche et lisse que ses camarades et ses yeux étaient d’un bleu envoûtant. Pour s’embellir encore davantage, elle portait un maquillage judicieusement appliqué.
Dans sa longue chevelure blonde se trouvaient des rubans et elle avait noué des petites tresses qui n’étaient assurément pas réglementaires. Si elle n’avait pas porté d’uniforme, personne n’aurait pu se douter qu’une fille si mignonne était une militaire.
D’ailleurs, elle avait été légèrement retouché ce dernier pour le rendre plus chic, sans dépasser cependant les limites autorisées. Ludmilla se prétendait elle-même une lady et une future diva.
Pour ne pas endolorir ses fesses qu’elle estimait aussi importantes que la ville de Saint-Pétersbourg —ce qu’elle avait déclaré un jour à Anna— elle était assise sur un ensemble de coussins moelleux.
— T’es vraiment une enfant…, reprit Elisaveta amusée. On joue pas à la… comment vous dites déjà ? Ah oui ! On ne joue pas à la dînette !
— Pas la peine de parler comme ça, on sait que tu te forces, répliqua Ludmila sur un ton grommelant.
À cet instant, le tank vibra. Des tintements se firent entendre contre ses parois, mais rien de grave, le blindage avait encaissé. Cependant, l’explosion était vraiment proche cette fois.
Comme l’avait souligné Ludmila, Elisaveta se forçait à ajouter des mots populaires, voire vulgaire à son langage par défaut élégant et poli.
— Va te faire, Lyuda !
— Tu peux toujours essayer, ma chérie !
— Dire que tu fais la gentille devant les supérieurs… J’ai presque envie d’avoir une promotion pour avoir un peu plus de respect de ta part.
En effet, Ludmila arborait un masque devant les officiers, seules les filles à l’intérieur du tank connaissaient sa réelle personnalité : geignarde et blasée. Les autres la prenaient tous pour une jeune fille gentille, naïve et obéissante.
— Les filles, c’est pas le moment, fit remarquer Anna. Lyuda, transforme-toi, on va avoir besoin de toi. Et Lisa, j’attends toujours tes indications.
Anna soupira dans sa cabine de pilotage et prit cette fois un virage serré pour esquiver le cadavre d’un monstre. Elle continua, il y avait encore quelqu’un à qui elle avait des reproches à faire :
— Nadya, allume ton micro. Tu sais bien que c’est dangereux…
— Khorosho~! En tout cas, c’était bien marrant votre échange. Fufufu !
— Je vois pas ce qu’il y a de marrant, rétorqua Ludmila. Elles se liguent contre moi, les fourbes !
— Ne recommence pas, s’il te plaît, dit Elisaveta. Et toi, Nadya, ne jette pas d’huile sur le feu, tu veux ?
— Khorosho~!
La dernière fille, Lebedeva Nadezhda Innokentievna était chargée de la défense du tank ; ce n’était pas un rôle conventionnel, mais ce véhicule blindé ne l’était certainement pas. Plus précisément, elle était chargée d’utiliser sa magie défensive pour faire apparaître des barrières magiques et occasionnellement utiliser la mitrailleuse installée sur la tourelle. Depuis sa position, à moitié hors du tank, elle avait un point de vue dégagé lui permettant de réagir plus rapidement.
Puisqu’elle n’avait pas de pouvoir offensif, l’utilisation de cette mitrailleuse, enchantée par la magie de Ludmila, était sa seule manière de vaincre des Anciens.
Nadezhda était d’une naturel lent et paisible, certains disaient qu’elle « tournait au ralenti ». En tout cas, elle ne semblait nullement stressée par la situation.
Physiquement, elle était la plus petite de l’unité : elle mesurait environ un mètre cinquante cinq. Ses cheveux châtains clairs descendaient jusqu’à la moitié. Elle n’étaient correctement coiffée que parce qu’Elisaveta s’en occupait tous les matins.
Ses yeux étaient bleus et mi-clos, comme si elle était constamment fatiguée.
Sa tenue n’avait aucune fioriture, elle portait simplement son uniforme qu’elle trouvait aussi solide que pratique.
Nadezhda n’était pas une fille très appréciée que ce fût par les autres soldats, qui la trouvaient bizarre, ou par les officiers, qui reprochaient son attitude nonchalante et ironique. Selon ces derniers, elle avait toujours quelque chose à redire et n’écoutait pas les ordres.
Néanmoins, à sa manière, elle avait toujours fait ce qu’on lui avait demandé.
— Et sinon, on mange quoi ce soir ?
— C’est pas le moment, Nadya ! Je sais que je t’ai dit de te reposer, mais transforme-toi de nouveau ! Nous allons tenter une percer par l’est, l’intima Elisaveta.
— Ah, je vois~ ! Tu ne peux pas répondre… C’est vrai qu’il faut déjà décidé pour ce midi… Normal, normal…
— Eh oh ! Tu l’écoutes au moins, Nadya ? À mon signal, je pousse les moteurs à fond, les interrompit Anna. Vous avez vingt secondes pour être prêtes, je reconfigure les moteurs.
— Khorosho~ ! N’empêche, bien manger c’est important même à la guerre…
Sur ces mots, prenant un biscuit dans une des nombreuses poches de son uniforme, Nadezhka se transforma.
Son allure n’avait plus rien à voir. Si son style général était mignon auparavant, elle semblait bien plus agressive à présent. Elle avait un peu pris de la hauteur et sa chevelure était devenue blanche, coiffée en une longue natte. L’un de ses yeux était à présent orange, l’autre était couvert par un bandeau en cuir.
Au lieu de son uniforme simple, elle portait à présent une armure tactique noire —assez similaire à la Ratnik-6 que la Russie utilisait avant l’Invasion— avec par-dessus un trenchcoat dont les pans retombaient sur ses jambes.
Pendant ce temps, dans le poste de communication du tank, ce petit espace clos avec des ordinateurs et des indicateurs partout, Elisaveta venait de poser sur ses genoux un grand plateau de métal.
L’’intérieur de cet espace n’était pas très réglementaire : des gris-gris était suspendus un peu partout, ainsi que certains idoles étranges et inquiétantes. Néanmoins, contrairement aux autres militaires, ce tank leur appartenait, ce n’était pas l’armée qui le leur avait prêté.
L’officier qui avait accepté de leur céder l’épave du T-90MS s’en était bien mordu les doigts depuis lors. Il s’était fait prendre au piège de son propre orgueil.
Elisaveta saisit une bourse en cuir, défit le lacet et déversa une partie de son contenu sur le plateau.
Du sable s’éparpilla sur la surface métallique plane et commença aussitôt à sautiller sous l’effet des vibrations et des mouvements du véhicule. À l’intérieur des yeux bleus de la vedma des motifs ésotériques s’inscrivirent.
— Suis mes instructions, Annuska. Il y a deux ennemis à 3 heures, distance 450 mètres.
— OK, bien reçu.
Elisaveta poursuivit. Elle se mit à donner les positions exactes des différents ennemis environnants, tandis qu’Anna manœuvrait pour les éviter. Le char traversait rapidement le champ de bataille remplit de trous, de cadavres et de boue sans rencontrer de difficultés.
En arrivant dans un espace plus dégagé et moins bosselé…
— Accrochez-vous, je vais enclencher le turbo, dit Anna.
Elle venait de finir de reconfigurer les moteurs et avait renforcé les roulements des chenilles afin de tenir le coup. Son pouvoir lui permettait de réparer et modifier la structure du tank.
À peine eut-elle fini de dire ces mots qu’elle injecta du protoxyde d’azode, créée par magie, dans le réservoir et d’un seul coup le T-90 fut propulsé en avant à une vitesse anormale pour sa masse.
Le char traversa le terrain boueux de cette taïga enneigée prenant de cours les éventuels ennemis.
***
Quelques minutes plus tard, le tank de l’unité spéciale 54 arriva dans la zone qu’on leur avait indiqué.
Comme elles l’avaient présumé, c’était un massacre. Des deux côtés, d’ailleurs.
Les zombies constituaient la plus grande majorité des troupes de la Puissante Ancienne Marrheg, l’un des ennemi de Mère-Patrie et leur actuel adversaire sur le front de Moscou.
Ces créatures pouvaient être combattues par des humains sans pouvoirs, du moins c’était ce que prétendait le gouvernement.
Selon la philosophie ukrytiyenne : « человек для человек, монстр для монстра1», soit « les homme terrassent les hommes et les monstre combattent les monstres ».
Cette devise était le point fédérateur de toute la stratégie militaire du pays et indiquait bien la position du gouvernement envers celles qui se sacrifiaient pour lui.
Même si les vedma étaient mélangées aux simples militaires, elles n’avaient aucun rang et pouvaient recevoir des ordres de n’importe quel soldat plus gradés qu’elles. En théorie, l’élévation était possible, mais étrangement cela n’arrivait jamais.
La seule chose qui pouvait être associée à une élévation sociale pour une vedma était d’être choisie pour servir de garde personnelle d’un haut dignitaire du gouvernement impérial, mais la plupart devaient simplement se résoudre à combattre et mourir sur le champ de bataille sans recevoir d’honneurs.
Suivant cette doctrine, les zombies étaient un cas particulier. Ils avaient été jadis des humains. C’est pourquoi, l’Empire pouvait confier leur élimination à des soldats sans pouvoir. Donner le repos à ceux qui l’avaient combattu pour la patrie était un acte normal.
Toutefois, très souvent, les cadavres de ces soldats finissaient simplement par engrosser les rangs ennemis. Même si la résistance aux armes conventionnelles des zombies ne les mettait pas à l’abri des fusils et canons, les affronter restait un travail pour une vedma.
Tout en observant ces terres jonchées de cadavres à travers la fente du poste de pilotage, Anna soupira.
— Quelle stupidité… Lisa, transmets au QG que c’est trop tard, tout le monde a été massacré.
— Je le vois bien. Mais il y a quand même un Xogg’zheth à 500 mètres d’ici, derrière la colline. N’oublie pas que je suis une devin, il n’y rien que je ne saurais voir. Et, au passage, il y a quelques dizaines de zombies de-ci de-là, du menu fretin.
Elisaveta était en effet une vedma spécialisée en magie divinatoire : elle pouvait pratiquer pas loin de quatre types d’oraison et savait également se battre au corps-à-corps. Contrairement aux autres filles de l’unité qui étaient toutes des magiciennes, elle était de type « mixte », elle pouvait donc mélanger capacités physiques et magiques.
— Ouais, désolée…, s’excusa Anna. Transmets les informations au QG. Et tenez-vous prêtes, je parie qu’on va nous envoyer nous en occuper.
— Les supérieurs ont du vide dans la tête, ne manqua pas de déclarer Ludmila. Envoyer un tank sur un ces mangeurs-de-métal… Tsssss !
— Obligé qu’ils vont le faire. Ils veulent nous tuer, j’en suis sûre. Fufu ! déclara Nadezhda en riant.
— Je vois pas ce qu’il y a de drôle en fait ! En tout cas, mon canon est prêt !
Dans sa tourelle, Ludmila était à présent sous sa forme transformée. À présent revêtue d’une combinaison moulante, elle portait ses cheveux, devenus blancs, noués en deux couettes. Une sorte de serre-tête high-tech ornait son front, des petites diodes luisaient sur ce dernier.
Contrairement à d’autres vedma, sa personnalité n’avait pour sa part nullement changée. Elle sautilla sur son siège et inspecta les obus à disposition.
— En effet, dans la vie c’est toujours une question de taille de canon. Rassure-toi, ton 125mm peut rivaliser avec n’importe quel homme, se moqua Nadezhda.
— Bah oui ! Qui a besoin d’un 152mm, hein ?! Une fois enchanté, mon 125 les surpasse tous ! Héhé !
Elle n’avait pas du tout compris la moquerie de sa camarade qui rajouta :
— En plus, tu peux porter plus loin que les leurs. Aucun doute que tu gagnerais dans certains concours.
— Carrément ! Ils se prennent pour qui ces bâtards gonflés aux stéroïdes, mon canon les terrassera tous !
— Haha haha !
Anna n’en pouvait plus, elle éclata de rire. Elle qui était habituellement si sérieuse pourtant.
Elle fut accompagnée de Nadezhda et même de Ludmila, qui n’avait toujours pas réellement saisi.
— Désolée de vous interrompre les filles, s’excusa Elisaveta, mais nous avons reçu l’ordre de mission. On doit nettoyer même s’il n’y a plus rien d’intéressant ici. Vous parliez de quoi au juste ?
— Du canon de Lyuda… il surpasse celui des hommes apparemment…
— Arrête de me faire rire, stupide Nadya ! dit Anna en séchant les larmes qui lui étaient montées aux yeux.
— Vous croyez que c’est le moment pour ces blagues grivoises ?
— Grivoises ? En quoi mon canon est grivois ?
— Et en plus elle ne comprends pas ! Vous devriez avoir honte !!
— Moi ? J’ai rien fait… Haha ! dit Anna en essayant de reprendre son calme.
— Tu sais, Lisa, ce genre d’humour est normal chez les soldats. Tout le monde parle de cul même en mission. Fufu !
— Ah ouais ? Je ne savais pas…, chuchota Elisaveta à elle-même. Et donc le canon de Lyuda, il est si gros que ça ? Reprenez depuis le…
Nadezhda connaissait bien les travers de ses amies et s’en moquait fréquemment. Elle sourit amusée et ouvrit l’écoutille avant de passer la moitié du corps à l’extérieur. Aussitôt, elle donna un petit coup de pied sur l’épaule de Lyuda.
— Tu veux quoi ?
— Y a un groupe de maccab’ sur la gauche qui approche…
— La gauche ? Quelle heure ?
— Ce que j’en sais. Regarde et tu verras bien ! Fufu !
Installée à la mitrailleuse extérieure, Nadezhda pouvait toucher Ludmilla en allongeant le pied, mais, pour communiquer, elle devait malgré tout passer par son communicateur, les moteurs du tank et le vacarme du champ de bataille ne permettaient pas de discuter.
— Derrière nous aussi, à 200 mètres, indiqua soudain Elisaveta en reprenant son sérieux.
— Nadya tu prends ceux de derrière. Lyuda ceux de gauche. Je me mets en mouvement vers notre objectif principal.
— Reçu !
Contrairement aux films d’avant Invasion, les zombies de Mharreg n’étaient pas lents mais restaient bel et bien stupides. Un groupe d’une vingtaine arrivait par la gauche, tandis qu’une autre groupe aussi nombreux arrivait par derrière.
Parmi eux, il y avait même quelques zombies évolués, des versions intelligentes et plus résistantes capables d’utiliser des armes.
Ludmila prit une profonde respiration et utilisa sa magie. Une bulle de lumière se dégagea d’elle et engloba tout le tank, enchantant toutes ses armes, toutes ses munitions et leur conférant la capacité de détruire les formes de vie évoluant sur plusieurs plans dimensionnels à la fois, ce qui revenait à dire les Anciens.
Affichant un large sourire, elle pointa son canon vers ses cibles.
— FEU ! Cria-t-elle.
La détonation sourde couvrit sa voix tandis que des vibrations se firent ressentir à l’intérieur de l’habitacle. Immédiatement, la douille fut éjectée dans le carrousel de chargement et une autre la remplaça.
Au point d’impact, plus de la moitié du groupe venait d’être mit en morceaux.
— Un des évolués s’éloigne à dix heures, expliqua Elisaveta qui suivait le combat sur son plateau divinatoire.
— Je m’en occupe ! Tu vas goûter la puissance du canon Lyuda…, dit-elle en tirant la langue et en orientant la tourelle.
Pendant ce temps, Nadezhda commença à tirer avec la mitrailleuse de 12,7mm sur ses cibles. À cette distance, ce n’était pas un problème ; même si elle n’était pas une vedma offensive, sa visée restait très précise.
Avec un premier passage, elle démembra plus de cinq zombies, mais la tourelle se déplaçant avec les mouvements de Ludmila, elle fut obligée d’ajuster sa visée avant de se remettre à faire feu.
* BOOOMM *
Un second obus partit du canon. Il prit pour cible le zombie évolué qui avait échappé au premier obus. Il eut à peine le temps de voir les flammes du canon que l’obus de 125mm détruisit littéralement son torse et s’enfonça dans le sol quelques dizaines de mètres plus loin où il tua quelques autres zombies.
— Tu pensais vraiment m’échapper, hein ? cria Ludmilla fièrement.
De son côté, Nadya abattit la majeure partie des zombies, on entendait simplement les *ratatata* de sa mitrailleuse, aucun ne parvient à s’approcher suffisamment du tank.
ais…
— Nadya ! Tir de roquette à 7 heures !
La jeune femme tourna la tête et vit quelque chose de brillant venir dans leur direction : il s’agissait d’une roquette à charge tandem anti-char tirée par une lance-roquette « Vampire », soit un RPG-29. Malgré les avancées technologique, cette arme était restée en service jusqu’à l’Invasion et était parfois utilisée contre les Anciens.
Bien sûr, nul autre qu’un zombie évolué, soit un artilleur mort sur ce champ de bataille, n’avait les capacités d’utiliser une telle arme.
Considérant la distance et la vitesse d’approche, il n’y avait plus assez de temps pour détruire la roquette en vol. Nadezhda aurait pu laisser le système de protection active faire son travail, mais à la place, elle fit apparaître une barrière magique à six couches superposées.
L’explosion eut à peine raison de la première.
Elle répliqua immédiatement par une salve de tirs qui abattit le zombie évolué. Grâce à l’enchantement de Ludmila, les balles n’eurent aucun mal à perforer ses chairs mortes.
Après cet imprévu, les deux filles n’eurent aucun mal à en finir avec les ennemis restants. Anna se mit donc en route vers leur réel ennemi qui se cachait derrière la colline.
Même si la victoire avait paru évidente, elles n’avait pas pu ignorer les zombies et, pour cause, contrairement aux films ils étaient incroyablement forts, et auraient parfaitement pu renverser le tank, voire percer son blindage à mains nues.
Chemin faisant, l’unité 54 défit assez facilement deux autres groupes avec moins d’effectifs, elles étaient sur le point de gravir la colline lorsque…
— Il arrive ! Il est en approche rapide, cria Elisaveta.
— Anna, ajuste l’inclinaison de 10° ! Je vais le réceptionner avec un Refleks !
— Faudra au moins ça. Nadya, prépare-toi à le bloquer, on ne l’arrêta sûrement pas avec un seul missile.
— Khorosho !
Anna positionna le T-90 pour présenter son flanc et l’inclina sur la gauche de dix degré comme l’avait demandé Ludmila, ce qui permit au canon de viser le sommet de la colline, normalement inaccessible.
De son côté, la canonnière chargea manuellement le missile 9M119M Refleks, un missile anti-char, et l’infusa d’un enchantement magique spécial, puis elle ajusta la mire et attendit.
Le silence semblait être tombé sur le champ de bataille, l’attente semblait interminable et le moindre bruit attirait leur attention. Seule Elisaveta savait précisément où était l’ennemi, elle avait dans son esprit une vision claire de la zone sur un kilomètre de rayon.
— Trois… deux… un… feu ! cria-t-elle.
L’ennemi n’était pas encore en vue, mais Ludmila, suivant les instructions de sa collègue, pressa la détente. Le missile quitta le canon, déplia ses ailerons et franchit la distance qui le séparait de sa cible en un instant.
* BOOOOM *
En même temps que la déflagration retentit, Anna mit le véhicule en mouvement à pleine vitesse. Ludmila rechargeait à nouveau manuellement.
Le T-90MS était équipé certes d’un carrousel de chargement automatique, mais lorsqu’elle avait besoin d’utiliser des enchantements spéciaux, elle devait le faire manuellement. En effet, pour infuser certains pouvoirs elle était obligée d’avoir un contact direct avec l’objet.
L’enchantement était le même que le missile précédent : en plus de l’explosion provoquée par la charge à tandem, la pointe perforante avait délivré une décharge de magie électrique.
En plus de permettre aux armes conventionnelles de blesser les Anciens, elle rendait les munitions plus puissantes que leurs versions standard. Et lorsqu’elle chargeait les armes d’un enchantement électrique, elles devenaient réellement redoutables.
— Il va nous tire dessus ! cria à nouveau Elisaveta.
Les Xogg’zheth n’étaient pas des ennemis à prendre à la légère. Comme nombre de monstres des troupes de Mharreg, son niveau de menace pouvait passer d’Évolué à Élite selon sa maturité et son expérience.
Il s’agissait à l’heure actuel d’un amas de métal hétéroclite —formé à partir des armes à feux qu’il avait absorbé, mais surtout des véhicules et tanks vaincus— ayant plus ou moins la forme d’un scorpion-tank à chenilles, munis de deux dards à l’arrière, de deux pinces à l’avant et d’une dizaine de canons mélangeant les calibres de 125mm eaux 152mm.
Il mesurait cinq mètres de haut et une trentaine de long. Composé entièrement d’un bric-à-brac de métal, il était plus couramment nommé « Parasite de Métal ».
Une salve d’obus prit pour cible le T-90 : Nadezhda tendit ses mains en avant et fit apparaître à nouveau sa barrière à six couches qu’elle nommait le « sceau des cieux ». C’était une défense particulièrement solide, les obus se heurtèrent dessus sans la briser.
Anna continuait de manœuvrer en zigzaguant pour esquiver ce qu’elle pouvait.
— Je ne vais pas tenir indéfiniment les filles… C’est comme le canon de Lyuda, il finit par se fatiguer à force.
— Tu vas arrêter tes plaisanteries ? lui reprocha Elisaveta en commençant à transpirer abondamment. C’est une version scorpion, nous avons nos chances…
— Oui, je le vois. Fufu !
Nadezhda n’avait pas réellement l’air préoccupée, alors même qu’elle sentait sa barrière se briser sous les coups répétés de leur ennemi. Il occupait le sommet de la colline qui lui offrait le meilleur angle de tir.
Contrairement à un tank, ses canons pouvaient tirer à trois cent soixante degré et selon tout type d’inclinaison puisqu’ils étaient installés dans la bouche du monstre.
— Bouffe ça, connard !! cria Ludmila en faisant feu une nouvelle fois.
Cette fois, elle choisit un obus APFSDS, un obus anti-char hautement perforant. Elle avait l’intention de trouer le corps métallique de leur ennemi. La munition toucha sans mal sa cible, la pointe en uranium appauvri crée par la magie d’Anna s’enfonça dans le métal. Immédiatement, la décharge électrique magique de l’obus parcourut le corps du monstre et stoppa temporairement ses tirs.
Ce pause était la bienvenue, la barrière de Nadezhda ne présentait plus qu’une seule couche.
— Bien joué, Lyuda !
— Tant qu’on ne localisera pas le parasite à l’intérieur, on aurait pas gagné pour autant, déclara Anna.
En effet, ce qui retenait cette masse de métal agglomérée était un petit être de quelques dizaines de centimètres qui pouvait être n’importe à l’intérieur de cette structure.
— Bah, on s’en fout ! Je lui balance quelques dizaines de tirs du genre et l’électricité se chargera du reste, déclara Ludmila en rechargeant son canon.
— Tu seras à court de mana bien avant. Et moi aussi d’ailleurs. Fufu !
— Que tu dis !
— Vous battez pas ! Je vais tenter de le localiser, dit Elisaveta. Mais ce ne sera pas facile, il me faut voir correctement son ventre.
Cette déclaration aurait choqué n’importe qui, mais provoqua un simple sourire sur le visage de Nadezhda.
— Pas bête… Hihi !
— On va faire ça ! OK, j’ai un plan, déclara Anna. Nadya, continue de nous défendre. Quant à toi, Lyuda, tu vas charger les HEF2. Il faut le faire tomber de son perchoir.
— La frontière entre la folie et le génie réside simplement dans la réussite, dit Nadezhda avec un large sourire aux lèvres. Ça peut marcher !
Sans avoir plus d’explication, elle avait déjà compris l’objectif d’Anna. Elisaveta soupira longuement, puis prit une gourde métallique à ses côtés et en but une longue gorgée.
— Je ne sais pas ce que tu as précisément en tête, mais je te fais confiance. Suivons ton plan.
Les traits d’Anna affichèrent un certain soulagement, elle expliqua aussitôt :
— Je vais modifier la structure de ta cabine pour en faire du verre. Si tu as une vue directe sur l’ennemi, ça te va, non ?
— Si tu anticipes mes demandes, que dire de plus Annuska ?
— Dans ce cas, que commence la contre-attaque, les filles !
— Ouais !!
Soudain, le tank fit demi-tour avec une dérapage magnifiquement contrôlé.
Tout en mettant les gaz droit devant, le canon du T-90 se dirigea à nouveau vers l’espèce de scorpion absurde qui avait déjà parfaitement guérit de ses précédentes blessures. Il se remettait aussi du choc électrique.
C’est alors qu’une partie du tank devint comme transparente, comme s’il était fait de verre. On pouvait voir au travers Elisaveta assise à son poste son plateau de métal sur ses genoux, les mains croisés dans une posture de prière. Les prières étaient devenues rares depuis que la religion avait laissé sa place au désespoir et à la guerre.
Alors que les tirs de l’ennemi reprirent de plus belle, Nadezhda utilisa un autre type de protection : le « sceau des enfers ». Grâce à ce dernier, elle créa un dôme à trois couches de protection autour du tank. Même si la résistance était inférieure à celle de son autre pouvoir, celui-là avait l’avantage de protéger dans toutes les directions à la fois. Considérant leur stratégie, c’était ce qui lui avait paru le plus adapté.
— Nadya, il me faut une fenêtre de tir !
— Je sais, je sais, Lyuda… Indique-moi juste quand.
— Maintenant ! cria Ludmila en interrompant la phrase de Nadezhda.
Les barrières défensives bloquaient évidemment les tirs dans les deux sens, c’est pourquoi Nadezhda créa un trou par lequel le canon pouvait tirer. C’était une opération technique qui demandait une certaine coordination qu’elles avait acquise au fur et à mesure des précédentes missions.
* KABOOOOOMMM *
Puisque Ludmilla avait utilisé un obus explosif, la détonation fut encore violente cette fois. Une gerbe de flammes se créa sous les chenilles du scorpion et provoqua un glissement de terrain.
C’était ce que les filles espéraient. Le scorpion, désarçonné, commença à glisser le long de la pente.
— J’en remets une couche ! Yeaaaaaahhhh !
Ludmila tira une nouvelle fois sous l’énorme masse de son ennemi, elle détruisit même la chenille droite, provoquant des mouvements de glissade désordonnées.
— Lisa, tu n’auras que quelques secondes !
— Pas de souci, Annuska. Va-y !
La pilote injecta une nouvelle fois du protoxyde d’azote dans le réservoir, cette fois sans prendre la précaution de renforcer le moteur et donna un coup d’accélération.
Au moment où le scorpion géant glissa sur un aplomb rocheux qui le fit dévaler en bas de la pente, le tank passa sous son imposante masse à pleine allure. C’était une opération risquée qui aurait pu simplement se finir par l’écrasement du T-90 et de ses occupantes.
Un énorme rocher tomba devant elles. Anna eut à peine le temps de braquer sur la droite, mais un coin du véhicule le heurta.
Le tank trembla, dévia de sa trajectoire et commença à faire la toupie. Ses chenilles furent évidemment détruites dans l’opération.
— Qu’est-ce qui s’est passé ? demanda Nadezhda encore un peu sonnée.
— Un obstacle… Lisa, tu l’as eu ?
— Oui, je l’ai ! Il te faudrait combien de temps pour les réparations ?
— Trop longtemps. Indique la localisation à Lyuda, on va le terrasser tant qu’il est encore sonné.
— Désolée, mais il est déjà sur pied, rétorqua Nadezhda sur un ton joyeux et moqueur. Vous savez ce qu’on dit, ce sont les meilleures qui partent les premières.
— Arrête de nous porter le poisse, Nadya ! la gourmanda Elisaveta avec vigueur.
Leur ennemi avait beau avoir descendu tout la pente en glissant, il ne lui avait fallut que quelques instants pour s’en remettre. Il venait de transformer ses chenilles en pattes de scorpion qui collaient mieux avec son apparence générale.
C’était un des pouvoirs des Xogg’zheth, celui de pouvoir modifier son moyen de déplacement et ses armes à sa guise. Seul son tronc demeurait toujours celui d’un scorpion.
Immédiatement, les tirs reprirent mais la barrière magique de Nadezhda s’interposa. Même si elle était décontractée, son visage affichait des gouttes de sueur, elle sentait son corps endolori et fatigué, elle approchait dangereusement de ses limites.
— Va-y accouche, Lisa ! Je veux en découdre avec ce gros tas ! la pressa Ludmila qui venait de charger un missile dans le canon.
Elle recourait aux grands moyens.
— Sous le troisième canon de 152… à genre 20cm en bas à droite… c’est là que se trouve le parasite.
Pour trouver cette information, Elisaveta avait utilisé une de ses divinations : la sternomancie. Souvent confondue avec de la ventriloquie, cette divination permettait de connaître l’état de santé général d’un sujet et avoir un examen médical détaillé simplement en observant son ventre nu. Aussi ridicule cela pouvait paraître, cela lui permettait de localiser les points faibles de ses ennemis.
— OK !!! Je m’en occupe de suite ! Prends ça, tas de boulon… !
— Je t’ouvre une fenêtre de tir…, eut à peine le temps de dire Nadezhda qu’un coup de canon retentit.
Immédiatement le missile passa la petite ouverture dans la barrière et se dirigea droit vers sa cible. Au moment de l’impact, il détruisit deux canons et projeta une décharge électrique dans toute la structure métallique du monstre.
— Whooo ! En plein dans le mille !
— Bravo, Lyuda !
Mais contre-toute attente, cela n’avait pas suffit. Sortant du nuage de poussière, le scorpion fonça droit sur le mur de protection et le heurta violemment.
— Mais c’est quoi son blindage à celui-là ?! Je lui en remets une dose !
— Dépêche… toi…
À cet instant, le mur de protection vola en éclat. Tout en chargeant, le scorpion se mit à faire feu avec les canons qui lui restaient.
Pendant quelques instants, ce fut le chaos le plus total. Entre la fumée des canons, la neige et la terre soulevée par l’avancée rapide du monstre, il était difficile de distinguer quoi que ce fût.
Anna concentrait toute sa magie pour renforcer à la hâte le blindage du tank. Sa magie était la « création », elle pouvait faire apparaître toutes sortes de choses, mais sa spécialité était les machines et surtout les tanks qu’elle avait étudié en détail. C’est grâce à ses connaissances techniques avancées qu’elle pouvait modifier le T-90 et faire des choses impossibles à tout autre équipage.
Quelques tirs heurtèrent le blindage qui vibra et grinça comme jamais.
Toute vedma qu’elles fussent, le bruit était assourdissant et les tremblements les empêchaient de comprendre la situation. Le sable sur le plateau d’Elisaveta se renversa sur ses genoux.
* BOOOOOMM *
Ludmilla fit feu. Puis, soudain, plus rien.
Les vibrations et le bruit s’arrêtèrent. Le monstre était vaincu.
Sortant la tête à l’extérieur, Nadezhda et Anna confirmèrent les premières le succès du dernier tir de Ludmilla. Même au sein de la confusion la plus totale, elle avait réussi à viser le trou qu’elle avait précédemment creusé dans la masse métallique. Le parasite avait été littéralement pulvérisé par la violence de l’obus.
Juste à temps. Quelques mètres à peine, le monstre serait arrivé au contact.
Des tonnes de métal désassemblées se répandirent au sol, tandis que le T-90 endommagé fumait.
— Cette fois, c’est bon les filles : il bougera plus.
Ouvrant la trappe de sortie du poste de pilotage, Anna posa le pied dehors et observa leur fidèle compagnon : le T-90. À bout de souffle, elle reprit sa forme normale.
Sous cette dernière, ses cheveux étaient plus courts, châtains et s’arrêtaient un peu au-dessus des épaules. Ses yeux étaient violets, un grain de beauté était apparu sous son œil droit, mais son visage gardait les mêmes courbes et son regard paisible était le même.
Sur sa tête, le même genre de lunettes de mécanicienne étaient toujours présentes.
Son uniforme régulier de l’armée ukrytiyenne avait un peu de mal à contenir son opulente poitrine et ses courbes féminines.
Elle jeta un coup d’œil aux environs, puis s’assit sur la surface du tank. Elle maintint bien peu cette position, bientôt elle s’allongea en respirant de manière saccadée.
— Sacrée… bataille…
— Je te le fais pas dire, Annuska.
À ses côtés s’allongea Elisaveta qui avait également repris sa forme normale.
— Sans moi, on était foutues les filles. Les supérieurs ont intérêt à m’augmenter, je vous le dis ! Déjà qu’avoir une lady comme moi est un honneur ultime…
Ludmila se coucha à son tour sur le métal encore tiède du tank, aux côtés de ses deux consœurs.
— Une diva avec un canon… pas sûr que ton manager apprécie… Ufufufu !
Nadezhda se coucha à son tour en se gaussant.
— Nadya ?
— Ouais ?
— Ta gueule ! l’intima Elisaveta.
— C’est quoi le souci avec mon canon au juste ?
Nadezhda et Anna ne purent s’empêcher de se remettre à rire.
Les nuages défilaient au-dessus de leurs têtes et les cadavres avaient teint la neige du rouge du sang.
Elles étaient encore sur un champ de bataille, mais tout paraissait soudain si paisible.
Tel était le quotidien de l’unité spéciale tankiste numéro 54.
1 « chelovek dlya cheloveka, monstr dlya monstra » signifie littéralement «Homme pour homme, monstre pour monstre », la traduction française a été légèrement adaptée.
2HEF = High-Explosive Shells, soit des obus explosifs destinés à détruire des bâtiments, des bunkers, des véhicules légers ou des cibles « tendres » par opposition aux chars d’assaut.