Epilogue

— En fait, il semblerait que nous n’étions pas les cibles, expliqua Jessica. Ce genre d’attaque arrive parfois, des cas d’ésoterrorisme… Pas de chance pour eux, on leur a réglé leur compte !

Elle tenait ce discours devant l’ensemble des deux agences réunies. Elle ne semblait pas vraiment à l’aise, il fallait dire que l’explication du hasard n’était pas forcément la plus facile à recevoir pour des victimes.

Rapidement, elle changea de ton et poursuivit :

— Du coup, mangez et amusez-vous sans modération ! C’est aux frais de l’armée ! Ça leur apprendra à nous filer des jeeps au lieu de vrais blindés ! Santé !

Jessica leva son verre de champagne (ou d’un vin mousseux qui y ressemblait).

Les filles étaient dans la suite la plus chère de l’hôtel ; c’était l’armée qui payait en dédommagement.

— Jessica… tu ne devrais pas dire des choses pareilles…, la réprimanda Hakoto en levant un verre de jus de fruit.

Sur la table se trouvait un véritable banquet.

— C’est Jess, que veux-tu ? dit Elin avec sa voix désabusée. Ah tiens, au fait… On a eu des nouvelles : Kei va bien. Elle va s’en tirer sans aucune complication.

— Ouf ! Voilà une bonne nouvelle… enfin…, dit Shizuka, soulagée.

— Il faudrait qu’on lui rende visite lorsque nous serons de retour à Tokyo, proposa Elin.

— Nous pourrions leur apporter quelques fleurs et pâtisseries, poursuivit Vivienne.

— Ne leur offre pas les tiennes, en tout cas…, grommela tout bas Hakoto en détournant le regard.

Vivienne lui répondit par un simple regard condescendant lui signifiant qu’elle l’avait entendue.

— On pourrait aussi déposer quelques fleurs sur la tombe de ce pauvre soldat, dit Hakoto.

— Les obsèques auront lieu demain matin. Shizuka-chan et Gloria-chan ne pourront pas y assister, fit remarquer Jessica.

— J’y passerai à leur place, dit Elin. On est sur ton territoire, occupe-toi des formalités de l’hosto. Je m’occupe d’aller au cimetière.

— J’ai peur que tu te fasses refouler… En plus, tu porteras quoi comme vêtements ?

Elin baissa le regard pour lui signifier : « ça ».

Jessica ferma les yeux et retint sa colère.

— Pas question, tu n’y vas pas ! Il faut au moins porter du noir à un enterrement.

— J’en ai un en noir si tu veux.

— Celui avec la blague sur les yeux ? demanda Irina.

— Yep.

— Il est trop fun celui-là. Hahaha !

Jessica se caressa les tempes, puis…

— NON ! Tu n’y vas pas ! Sandy, si ça te dérange pas…

— Ouais ouais… j’connais le coin en plus.

Sandy haussa les épaules et posa ses coudes sur le dossier de la chaise. Jessica ne le lui avait pas proposé sans raison : cela donnerait l’occasion à Sandy de se recueillir sur les tombes de ses amis.

Hakoto allait se proposer de l’accompagner, mais d’un regard Jessica lui fit comprendre ses intentions.

— Il est mort par notre faute…, dit Shizuka tout bas, en arrêtant de manger.

— Non, Shi-chan, c’est juste un mauvais coup du sort. Culpabilise pas, personne n’aurait pu le deviner et l’éviter… pas même moi.

Elin la fixait droit dans les yeux. Shizuka ne parvint pas longtemps à soutenir l’échange visuel.

— Même pas moi… ? Tu te prends pour Dieu ou quoi ? Eh oh ! Redescends sur Terre, Miss-S-Plus ! T’es juste une femme normale !

— Je sais, Jess.

— Ah ? Eh bien tant mieux alors…

Jessica se tut un instant et observa le contenu de son verre. Puis elle reprit la parole au milieu des cliquetis des couverts dans les assiettes.

— Au fait, tant qu’on est là, je vous propose de rester encore un peu pour faire du tourisme. Demain, retournons à Los Angeles et au lieu de rentrer, restez avec nous une bonne semaine. Je vous loge gratuitement, évidemment.

Jessica accompagna sa proposition d’un clin d’œil et d’une expression hautaine.

— OUIIIIIIIII !!! cria Irina. J’veux trop !! Elieli ? Dis oui ! S’il te plaît !!

— Héhé ! Voilà une fille bien enthousiaste comme il me plaît. Ma piscine t’est ouverte à toute heure, Irina-chan.

— COOOOOOL !!!

Hakoto et Sandy sourirent, elles étaient à ce point habituées au luxe de la villa qu’elles en avaient oublié l’émerveillement d’une personne normale.

— Nous ne sommes guère opposée à la proposition, dit Vivienne. Un peu de repos ne ferait point de mal à Shizuka-san, de surcroît.

— Oneesama…

— Elin-san, s’il vous plaît, l’implora Hakoto en joignant les mains. C’est une occasion en or de découvrir un peu les US Reborn.

Elin soupira et se massa les épaules à la manière d’un vieil homme.

— J’ai pas refusé, que je sache. OK, puisque Jess paie, profitez plus qu’il n’en faut, les filles. Faites honneur à notre agence.

— Eh oh ! C’est quoi ces encouragements ? Cela dit, c’est vrai : profitez autant qu’il vous plaira, cela ne me dérange pas !

— Ouais, surtout si elles profitent de toi, je suppose.

— TU… QU’EST-CE QUE TU RACONTES ?!!!

Jessica rougit, se leva et frappa la table de ses mains.

— Elin-san aura toujours le dernier mot, on dirait, marmonna Hakoto avant de rire timidement.

Shizuka, malgré sa tristesse, ne put s’empêcher de faire de même :

— Oui… Allons visiter Los Angeles : j’en ai toujours rêvé.

L’ambiance se détendit un peu. Toutes étaient inquiètes pour le moral de Shizuka.

Cette gentillesse était l’une des choses qui avaient fait craquer Hakoto depuis fort longtemps. À cet instant, elle darda dans sa direction une œillade emplie de tendresse et de nostalgie.

Pour se venger, Jessica prit un air hautain et afficha un sourire provocateur :

— J’ai un truc à vous montrer, les filles. Accrochez-vous, c’est les photos de l’année… Que dis-je ? Du siècle !

Elle tira de son soutien-gorge une petite pochette où se trouvaient une vingtaine de photographies.

Elin était sur chacune d’elles. Mais ce n’était pas l’Elin habituelle, en simple pull trop large, mais une Elin en robe rose avec quelques rubans et des dentelles. Elle ressemblait véritablement à une poupée.

— Hahahahaha ! C’est quoi ça ?! J’te reconnais pas, Elieli !

— Cette transformation est impressionnante. Nous avons grand mal à croire qu’il s’agisse de la même personne. Disposeriez-vous de preuves attestant vos clichés, Jessica-san ?

— C’est incroyable ! Pourquoi tu ne t’habilles pas toujours comme ça, Elin ? demanda Shizuka.

— Le changement est radical en tout cas, dénota Hakoto, un peu gênée.

— Who is this lolita girl? Someone we know?

— On dirait vraiment une gamine avec ça… Y pas à dire, j’préfère la vraie.

La seule opinion divergente provenait de Sandy. Toutes la dévisagèrent comme si elle venait de dire quelque chose de particulièrement étrange. Elin restait de marbre pour sa part, indifférente à la « vengeance » de Jessica ; elle ignorait surtout à quel moment ces clichés avaient été pris.

Pendant une bonne heure, on ne parla plus que d’Elin et de l’incident de la robe.

En réalité, il s’agissait d’une manigance de Jessica qui avait caché ses vêtements lorsqu’elle était partie se doucher, juste avant leur rapport de mission auprès de leurs supérieurs. Elin n’avait pas hésité à s’en revêtir, provoquant, une fois de plus, l’ire des officiers.

Lorsqu’on lui avait demandé quel était cet accoutrement, sans dénoncer Jessica dont la culpabilité était plus que supposée (elle n’avait pas arrêté de rire alors qu’en général elle s’inquiétait du regard des supérieurs, ce qui en faisait la suspecte numéro 1), elle avait simplement répondu :

— C’est mieux que nue, non ?

Elle avait bien sûr écopé d’une semaine en chambre d’isolation.

***

Finalement, la fatigue de l’opération et le stress eurent rapidement raison des filles qui allèrent se coucher. Seules Jessica et Elin étaient restées dans le salon de la suite.

Elles étaient passées à une occupation d’adultes : l’alcool.

Puisque dans la loi rebornienne, il fallait avoir 21 ans pour en boire, mis à part Sandy, aucune des autres filles n’avait légalement le droit de le faire. À Kibou, l’âge légal était de vingt ans mais dans les faits, personne n’osait vérifier l’âge d’une mahou senjo. Aux US Reborn, les affaires de magical wargirls qui abusaient de leur statut étaient très souvent médiatisées et elles passaient même en justice.

Autre pays, autres mœurs.

Jessica avait fait monter quelques bouteilles de bière et des alcools forts.

Elles avaient commencé à boire après le départ de leurs subalternes. Jessica était assise élégamment dans un fauteuil, tandis qu’Elin, imitant les sénateurs romains des péplums, était couchée sur le canapé.

Rompant le silence, elle demanda :

— Tu voulais parler de quoi ?

Jessica n’avait rien dit, mais Elin la connaissait depuis trop longtemps pour ne pas s’en être rendu compte.

Jessica rougit légèrement, peut-être à cause du verre de Scotch qu’elle venait de boire d’un trait.

— Merci d’avoir compris… Ça rend les choses plus faciles. Puis, je… je… je voulais m’excuser.

— Si c’est quant à ce qui s’est passé à la fin de la mission, c’est bon : je m’en fous.

— Mais… j’ai perdu mon sang-froid ! J-je n’aurais pas dû pointer mon arme sur toi ! Même si je n’avais pas l’intention de… de…

— Bah, je te le répète : je m’en fous. C’est bon, c’est bon.

— Arrête de tout prendre de manière aussi distante, tu es énervante !

Jessica prit la bouteille et se resservit un verre.

— Tu préférerais que je t’en veuille et que je décide de rentrer à Kibou ?

— Non ! C’est quoi ces menaces, demi-portion ? Mais, c’est juste que… quand tu agis comme ça… on dirait que je ne compte pas…

Elle avait prononcé la fin de sa phrase d’une voix à peine audible tout en détournant le visage et en rougissant.

Elin n’était pas sûre d’avoir bien compris.

— T’es chiante quand tu dis ce genre de trucs. Nous sommes sœurs d’armes, je ne vais pas me prendre la tête pour si peu. En plus, dans notre métier, c’est le genre de choses qui arrivent, tu le sais bien. Bon, et sinon, viens-en au fait : c’est quoi ce que tu veux vraiment me demander ?

— J’ai pas mal de choses à dire, je ne sais même pas par quoi commencer…

Elin l’observa en silence tout en buvant une canette de bière. C’était une image perturbante, on aurait dit une collégienne qui avait fait le mur pour aller acheter de l’alcool. Nul doute que si un agent de police était passé dans le coin, il lui aurait demandé ses papiers d’identité.

— Tu as bien fait pour les Rainbow, mais… Tu m’énerves ! Pourquoi tu fais toujours ça ?

— Faire quoi ?

— Prendre le mauvais rôle. Cela fait des années que j’ai compris. Au tout début, j’étais très déçue de toi, tu… j’ai honte de le dire : tu étais mon modèle. Tu ne t’en souviens peut-être pas, mais tu m’as sauvé la vie autrefois et j’ai voulu devenir une mahou senjo pour un jour être comme toi.

— Je m’en souviens. Je n’oublie pas les visages de ceux que je rencontre.

— Vraiment ?

Jessica était réellement surprise. C’était la première fois qu’elle abordait ce sujet, elle avait toujours pensé qu’Elin avait oublié cette histoire. Elle s’était fourvoyée. Elle sourit ironiquement, comme pour se moquer d’elle-même.

— Je suis bête, puisqu’il s’agit de toi, c’était évident…

Elle avala une gorgée de ce liquide brunâtre qui lui brûla la gorge et réchauffa son estomac.

— Tu me surestimes un peu trop, Jess.

— Je ne pense pas. Tu ne fais jamais d’erreurs. Tu es l’espoir de nous toutes. Et tu as su éviter le piège d’être utilisée en politique par les puissants. Tu l’as rapidement compris, n’est-ce pas ? Si tu n’étais pas devenue la bonne à rien que tu donnes l’impression d’être, tu aurais fait partie de leurs manigances.

Elin et Jessica s’observèrent l’une l’autre un certain temps.

Finalement, cette dernière détourna le regard et sourit, puis fit tourner le liquide dans son verre ; il s’agissait d’un tic nerveux.

— J’avais raison. Mieux vaut tard que jamais, pas vrai ? J’en ai mis du temps à découvrir que tu jouais la rebelle pour ne pas te laisser utiliser, sans Sandy je pense que je n’aurais pas encore compris…

— Je te le répète, tu me surestimes. Ça me gonfle vraiment, toutes ces courbettes et ces ordres arbitraires, tu sais ?

Jessica se leva, s’assit sur le canapé à côté des pieds allongés d’Elin, puis se pencha en avant pour rapprocher ses lèvres du visage de cette dernière.

— Menteuse. Hahaha !

— T’es déjà bourrée, Jess ?

— Et même si je l’étais ? J’ai pas raison, peut-être ?

Elle sourit de manière provocatrice, ses yeux pétillant un peu plus qu’en temps normal.

— N’avons-nous pas encore constaté au cours de notre dernière mission l’estime que les politiciens nous portent ? Nous avons été à leur service des décennies et ils nous envoient des boulets pareils ? Pourquoi ?

Sans réfléchir, Elin répondit. Elle connaissait la réponse :

— Ils ont envoyé les Rainbow par simple accord d’intérêts. Te tracasse pas à ce propos, c’est juste de la politique.

— Tu as vu comme Abygail était gênée ? Les ordres venaient d’au-dessus.

— Elle n’était certainement pas dans le coup, j’en suis sûre.

Jessica, le visage rouge, autant en raison de l’ivresse que de sa gêne, finit par reculer et s’éloigner sur le canapé.

— Je suis vraiment dégoûtée, peu importe le temps qui passe, ils se joueront toujours de nous. Leur but était juste que tu t’occupes de la Chèvre noire… Tsss ! Puis, ils n’ont même pas eu la reconnaissance de nous escorter correctement. Même pas un foutu tank ! Ils savaient bien les risques du passage par Tijuana, c’est certain !

Elin ne disait plus rien. Elle finit sa canette et en ouvrit une nouvelle dans la foulée.

— Sincèrement, je ne sais pas comment tu fais pour être aussi calme tout le temps. J’ai vraiment envie de tout détruire. Mais je ne t’envie pas, finalement…

Le regard de Jessica devint plus triste alors qu’elle fixait la bouteille brune dans la pénombre du salon à la lumière tamisée.

— Pourquoi ?

— Tu n’es qu’un objet… comme nous toutes au final, mais toi plus encore. Et ma date d’expiration arrive bientôt à sa fin, je vais pouvoir décrocher avec tout ça au moins.

— En tout sincérité, je ne t’envie pas non plus. Souvent, je me dis que ce monde est plein d’ironie. Celui qui l’a créé est un sacré farceur ou un redoutable sadique. À présent, ce sont les jeunes filles qui doivent protéger les adultes, c’est d’un ridicule…

Elin marqua une pause puis reprit :

— Lorsque je vois Shi-chan, je me demande parfois si ma vie aurait été différente avec mes parents à mes côtés.

— Oh ? La grande Elin se pose ce genre de questions aussi ? Je suis très étonnée…

— Je te l’ai dit : ton image de moi est erronée. Je réfléchis à toutes sortes de choses, tu sais ? Comme le fait de perdre un jour ma magie. Serais-je capable de me recycler ? De même, je me suis déjà plein de fois demandé pourquoi j’ai obtenu un pouvoir si puissant et dangereux.

— Et quelles sont tes conclusions ?

— Le passé est le passé, nul ne peut le changer sans magie. Et si on essaye de l’altérer, les Cabots de l’Espace-Temps seront là à nous attendre. Du coup, on ne saura jamais vraiment. Chaque expérience construit notre moi présent, le moindre changement peut entraîner des modifications majeures. Mais s’il y a une chose dont je suis sûre, c’est que je ne pourrai plus jamais redevenir celle que j’étais.

— Tu as vieilli entre temps.

— Et j’ai découvert la face cachée du monde. C’est un engagement sans retour, vivre dans un monde en paix me serait impossible. Sans but, sans pouvoirs, je deviendrais inutile. Comme tu le dis, je suis bel et bien un outil, une arme. J’ai passé trop de temps sur les champs de bataille pour savoir faire autre chose.

Elle marqua une pause et posa sa canette vide sur la table basse devant elle.

— Mais ton cas n’est pas aussi désespéré, j’en suis sûre.

— Qu’est-ce qui te le fait croire ? Je ressens pourtant la même chose que toi.

Elin fixa Jessica dans les yeux puis répondit :

— Tu sais t’occuper des gens, tu as des entreprises que tu gères, tu es née pour diriger. Que tu le croies ou non, je n’ai aucun intérêt pour ces choses. Si j’avais pu continuer à servir dans l’armée, je ne me serais jamais posé toutes ces questions, j’aurais simplement continué de combattre. À ta place, je pense que je serais terrorisée.

— Mais ça ne t’arrivera jamais, car tu es la Grande Elin, l’Athanor des flammes noires, celle qui désintègre les poulpes monstrueux et fait peur aux Puissants Anciens. Hahaha !

Le rire de Jessica était nerveux, même Elin s’en rendait compte. Elle ne répondit pas et se mit à bâiller et à agiter ses jambes.

Jessica baissa le regard et confessa :

— Je pense qu’il me reste moins d’un an. Si je passais les tests de puissance actuellement, je ne serais plus au rang A+, c’est certain. Je le sens dans mon corps : chaque combat m’épuise terriblement, mes muscles me font mal, mon cœur bat trop vite, j’ai la tête en bouillie…

— Comme lorsque tu as affronté Vrexuh ?

— Tu l’avais remarqué… Évidemment…

— J’ai longtemps combattu à tes côtés… Normalement, tu ne serais pas tombée pour si peu. Tes attaques étaient plus ou moins comme avant mais tu prenais sur toi pour ne pas réduire ta puissance, pas vrai ? Une blessure à la jambe, c’est bien peu de choses pour Calamity Jess.

Jessica se mit à rire une fois de plus. Elle trouvait fou à quel point Elin semblait tout savoir. Jessica arrivait à tromper des personnes haut placées mais elle n’arrivait pas à mentir à une « gamine ». Le monde était vraiment devenu absurde.

— Et de ton côté ? Tu sens une chute de pouvoirs ? Même si tu ne vieillis pas et qu’ils sont toujours super puissants, rien ne dit qu’ils ne s’arrêteront pas d’un coup.

— En effet. Mais je vais te dire un truc : mes pouvoirs continuent de croître.

— Quoi ? Encore ? Tu es sérieuse ?

— Ouais, je le suis. En fait, j’ai une théorie sur la question, tu veux l’écouter ?

— Évidemment !

Elin se redressa pour s’asseoir en tailleur.

— Ma théorie est simple : mon pouvoir me consume. Je ne parle pas au sens imagé, mes flammes dévorent mon existence et se renforcent de jour en jour. Je ne pense pas que perdre mes pouvoirs est envisageable, à la place je perdrai la vie lorsqu’ils n’auront plus rien à dévorer.

— C’est horrible ce que tu dis ! Tu te bases sur quoi ?

— Mes pouvoirs débordent sur ma forme normale.

Sur ces mots, Elin ouvrit la main et, sans se transformer, parvint à matérialiser une petite flamme noire au creux de sa paume.

Cette apparition provoqua plus de terreur que de surprise dans les yeux de Jessica. Elle se mordit la lèvre et détourna le regard.

— Ah, je vois… On est vraiment mal barrées toutes les deux au final. Ce serait peut-être pas plus mal de crever sur le champ de bataille…

Des larmes étaient apparues dans ses yeux. Elle les essuya rapidement.

— Tu as sûrement raison, Jess. Bon, et sinon, c’est quoi le service que tu veux me demander ?

— Même ça, tu l’avais deviné ?

— Pas difficile, tu n’aurais jamais accepté de travailler avec les US Reborn et encore moins de m’impliquer si tu n’avais pas une importante affaire personnelle à régler ici. Explique-moi tout…

Jessica chercha à reprendre son calme. Elle humidifia ses lèvres et dit :

— Cela concerne ma corporation…

SUITE AU TOME 6